Cour de justice de l’Union européenne, le 8 octobre 2020, n°C-602/19

L’arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’affaire C-602/19, précise le régime de l’importation parallèle des médicaments. Le litige oppose un importateur à l’administration nationale suite au refus de modifier les notices d’un produit dont l’autorisation de référence a expiré. Le médicament concerné, contenant du Bromperidol, était importé d’Italie sous forme de comprimés alors que seule la forme liquide reste autorisée sur le marché national. Le Verwaltungsgericht de Cologne a saisi la Cour d’une question préjudicielle afin d’interpréter la conformité de ce refus aux articles 34 et 36 du Traité. L’importateur soutenait que ce rejet entrave la commercialisation et maintient des informations obsolètes susceptibles de nuire à la sécurité des patients. Le problème juridique consiste à déterminer si l’expiration de l’autorisation de référence permet de refuser la mise à jour des documents d’un produit importé. La juridiction européenne répond que les restrictions sanitaires doivent être proportionnées et fondées sur des risques réels ainsi que sur des éléments concrets.

I. La pérennité de l’autorisation d’importation parallèle face à l’expiration de l’autorisation de référence

A. L’indépendance juridique de l’autorisation de l’importateur parallèle

La Cour de justice de l’Union européenne précise que l’arrivée à échéance d’une homologation nationale n’éteint pas les droits de l’importateur parallèle. Le juge considère que la sécurité du produit demeure préservée tant qu’il circule légalement dans un autre État membre de l’Union européenne. Cette solution garantit la stabilité des échanges commerciaux face aux décisions administratives ou commerciales des titulaires de l’autorisation de mise sur le marché initiale. La décision affirme que « l’expiration d’une amm de référence n’implique pas en soi que soit remise en cause la qualité » du médicament concerné.

B. La primauté de l’équivalence thérapeutique sur l’identité de forme pharmaceutique

L’équivalence entre deux médicaments repose sur la présence de la même substance active plutôt que sur une ressemblance parfaite des formes galéniques. L’autorité compétente ne peut rejeter l’utilisation de données relatives à la forme liquide pour actualiser la notice d’un produit présenté en comprimés. Le droit de l’Union protège l’importateur dès lors que les effets thérapeutiques sont identiques et que la qualité du produit reste rigoureusement contrôlée. Le juge souligne que la possibilité de prendre appui sur un médicament présent sur le marché national « ne saurait automatiquement être exclue ».

II. L’encadrement rigoureux des justifications sanitaires opposables à la libre circulation

A. La qualification de mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative

Le refus systématique d’approuver les modifications documentaires entrave l’accès au marché et constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative. L’article 34 du Traité interdit ces obstacles administratifs qui empêchent les opérateurs économiques de diffuser les renseignements nécessaires à la prescription médicale. La jurisprudence européenne impose une interprétation restrictive des entraves injustifiées à la libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur. L’autorité nationale méconnaît le droit européen en s’opposant aux mises à jour « au seul motif que l’AMM de référence » a expiré.

B. L’exigence de proportionnalité dans la protection de la santé publique

Les restrictions au commerce doivent être limitées au strict nécessaire pour garantir la sécurité des patients conformément au principe de proportionnalité. L’administration doit démontrer un risque réel car « un médicament […] continuerait à être mis sur le marché accompagné de renseignements et de documents non actualisés ». L’absence de rapports de sécurité réguliers de la part de l’importateur ne justifie pas l’interdiction de modifier les notices d’information. La coopération entre les autorités nationales permet d’assurer une pharmacovigilance efficace sans restreindre inutilement la circulation des produits de santé européens.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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