Cour de justice de l’Union européenne, le 8 septembre 2011, n°C-120/10

Dans un arrêt rendu le 8 septembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne précise le régime juridique des limitations acoustiques imposées aux aéronefs. Le litige trouve son origine dans le prononcé d’amendes administratives à l’encontre d’un transporteur aérien par une autorité régionale chargée de la protection environnementale. Ces sanctions réprimaient le dépassement réitéré de seuils de bruit mesurés au sol lors de survols nocturnes de zones urbaines situées à proximité d’un aéroport. Saisi d’un recours en annulation, le Conseil d’État de Belgique sollicite l’interprétation du juge de l’Union par la voie d’un renvoi préjudiciel nécessaire. La requérante soutient que ces limites de niveau sonore constituent des restrictions d’exploitation devant impérativement se fonder sur les performances certifiées des avions. La question juridique réside dans l’interprétation de la notion de restriction d’exploitation définie par la directive relative à la gestion du bruit aéroportuaire. La Cour répond qu’une « « restriction d’exploitation » constitue une mesure prohibitive totale ou temporaire interdisant l’accès d’un aéronef à réaction subsonique civil à un aéroport ». Elle exclut par principe les limites sonores mesurées au sol de cette qualification, sauf si elles produisent des effets identiques à une interdiction d’accès.

I. Une qualification organique centrée sur l’interdiction d’accès

A. L’interprétation littérale du critère de restriction

La Cour privilégie une approche stricte de la notion de restriction d’exploitation en se fondant sur les termes explicites de la directive communautaire applicable. Elle affirme ainsi qu’une « « restriction d’exploitation » constitue une mesure prohibitive totale ou temporaire interdisant l’accès d’un aéronef à réaction subsonique civil à un aéroport ». Cette définition exige la preuve d’un obstacle physique ou juridique à l’atterrissage pour que la qualification soit retenue par le juge du fond. L’accès à l’infrastructure aéroportuaire demeure le critère organique central permettant de distinguer les mesures purement techniques des interdictions de trafic aérien local.

B. La distinction entre mesures de gestion et interdictions d’accès

Le juge européen distingue nettement les normes d’émission acoustique des mesures d’interdiction pure afin de préserver les compétences locales en matière d’environnement urbain. L’arrêt précise qu’une réglementation imposant des limites de bruit au sol « ne constitue pas, en tant que telle, une restriction d’exploitation ». Cette solution permet aux autorités publiques de sanctionner les nuisances sonores sans être liées par les seules procédures de certification technique des constructeurs. La protection de la santé des riverains justifie l’existence de normes indépendantes des critères de navigation fixés par les organisations internationales de l’aviation.

II. Une extension fonctionnelle subordonnée à l’analyse des effets

A. La reconnaissance de l’équivalence par les faits

Cependant, la Cour tempère son refus de qualification systématique en introduisant un critère d’équivalence fondé sur l’analyse concrète des conséquences de la norme nationale. La mesure devient une restriction si, « en raison des contextes économique, technique et juridique pertinents, elle puisse avoir les mêmes effets qu’une interdiction ». Une limite sonore excessivement basse contraindrait l’exploitant à cesser son activité, transformant une simple norme de survol en une véritable exclusion de l’aéroport. Le juge doit alors vérifier si la charge financière induite par les amendes répétées rend l’exploitation commerciale des lignes aériennes totalement impossible.

B. La protection relative du pouvoir réglementaire environnemental

Le renvoi à l’appréciation de la juridiction nationale souligne la nécessité d’une évaluation proportionnée des contraintes pesant sur les sociétés de transport aérien. Il appartient au Conseil d’État de déterminer si les amendes infligées obligent techniquement la société requérante à renoncer à ses créneaux horaires habituels. Cette approche équilibrée concilie les impératifs de lutte contre le bruit avec la liberté de circulation garantie au sein de l’espace économique européen. La solution garantit une application uniforme du droit de l’Union tout en laissant aux États la possibilité d’imposer des exigences environnementales plus strictes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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