La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 8 septembre 2011, une décision fondamentale relative à l’interprétation du principe de non-discrimination des travailleurs. Un agent public, ayant exercé des fonctions intérimaires pendant seize ans, s’est vu refuser la prise en compte de cette ancienneté pour une promotion. L’administration régionale avait en effet annulé sa nomination au motif qu’il ne possédait pas dix années de services en qualité de fonctionnaire statutaire permanent. Le requérant a contesté cette décision en invoquant la violation de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70. Le tribunal administratif de Séville a alors saisi la juridiction européenne d’une série de questions préjudicielles portant sur la compatibilité de la réglementation nationale. Il s’interrogeait sur la possibilité d’écarter les périodes de service temporaire pour l’accès à une promotion interne réservée aux fonctionnaires de carrière. La question de droit posée consistait à savoir si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation excluant l’ancienneté acquise sous contrat temporaire. La Cour répond que de telles périodes doivent être prises en compte, sauf si une raison objective, étrangère à la durée du contrat, le justifie. Le respect de ce principe fondamental impose d’analyser d’abord l’application de la protection européenne avant d’examiner les modalités de sa mise en œuvre.
**I. L’affirmation du principe de non-discrimination des agents publics temporaires**
**A. L’extension du champ d’application de l’accord-cadre au secteur public**
La Cour rappelle précisément que la directive 1999/70 s’applique à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi temporaire. Cette protection inclut les contrats conclus avec les administrations publiques, sans que le statut de fonctionnaire de carrière acquis ultérieurement n’altère ce droit protecteur. Ainsi, la notion de « conditions d’emploi » englobe la prise en compte des périodes de service accomplies antérieurement pour l’accès à une promotion par voie interne. Les juges soulignent que l’exclusion des agents publics du bénéfice de ces dispositions viderait de sa substance l’objectif de l’accord-cadre européen. Cette interprétation garantit que les travailleurs ne subissent aucun préjudice du seul fait de la nature précaire de leur lien contractuel initial avec l’administration.
**B. L’exclusion de la durée du contrat comme critère de différenciation**
Le droit de l’Union stipule que « les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée ». Toute différence de traitement doit être justifiée par des « raisons objectives », lesquelles ne peuvent se résumer à la seule nature temporaire de la relation. Toutefois, l’administration prétendait que les services accomplis en qualité de personnel intérimaire ne pouvaient être assimilés à ceux des fonctionnaires bénéficiant d’une stabilité statutaire. La juridiction européenne écarte cet argument en précisant qu’une norme nationale générale et abstraite ne suffit pas à caractériser une justification objective valable. Seuls des éléments précis et concrets liés aux tâches effectuées permettraient de valider une distinction entre deux catégories d’agents au sein d’une procédure.
Le respect de l’égalité de traitement suppose alors une analyse rigoureuse de la réalité des fonctions exercées par les agents candidats à la promotion.
**II. L’obligation de prise en compte de l’ancienneté dans la progression de carrière**
**A. L’exigence de comparabilité des fonctions exercées par les agents**
L’application du principe de non-discrimination nécessite de vérifier si le travailleur intérimaire se trouvait dans une situation comparable à celle des fonctionnaires de carrière permanents. Le juge national doit examiner si le requérant effectuait un travail identique ou similaire en tenant compte de ses qualifications et de ses compétences réelles. Pourtant, l’avis de concours indiquait expressément que « ne seront pas pris en considération les services antérieurs reconnus accomplis en qualité de personnel intérimaire ou contractuel ». Une telle clause est contraire au droit européen si elle exclut systématiquement l’expérience acquise sans examen de la nature particulière des tâches accomplies. Ensuite, la Cour invite la juridiction de renvoi à apprécier si les mérites et les capacités démontrés durant les seize années d’intérim sont équivalents.
**B. L’encadrement de l’autonomie procédurale par le principe d’effectivité**
La Cour examine enfin la validité du délai de forclusion de deux mois imposé par la législation nationale pour contester les clauses du concours. Les modalités procédurales des recours ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union. Cependant, le requérant avait été initialement admis sur la liste des lauréats avant que l’administration n’annule sa nomination plusieurs mois après la publication initiale. Le délai de recours ne peut alors courir qu’à partir de la notification de la décision individuelle portant annulation de l’admission au concours supérieur. Cette précision protège le justiciable contre une application trop rigide des règles de procédure qui porterait atteinte à l’effectivité de la protection européenne.