Par un arrêt du 11 juin 2015, la Cour de justice de l’Union européenne précise les modalités d’interprétation d’une nomenclature tarifaire. Une société sollicite la mise en libre circulation de tissus de fibre de verre originaires de Chine sous une position tarifaire générale. L’administration douanière conteste ce classement en invoquant une sous-position spécifique soumise à des droits antidumping. Le litige est porté devant le Debreceni Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság qui décide d’interroger la Cour sur la portée d’une erreur de traduction. La question préjudicielle porte sur la primauté d’une version linguistique nationale sur les autres traductions officielles de la réglementation de l’Union. La Cour répond qu’un code tarifaire s’interprète selon l’ensemble des versions linguistiques et refuse d’annuler le classement opéré par l’administration. L’analyse portera sur l’exigence d’une interprétation uniforme des classifications douanières avant d’étudier l’impact limité de l’erreur de traduction sur l’obligation fiscale.
I. L’impératif d’interprétation uniforme des nomenclatures tarifaires
A. La neutralisation du texte national erroné
La Cour rappelle que la formulation d’une version linguistique unique ne saurait servir de base exclusive à l’interprétation d’une disposition. Elle affirme que « les dispositions du droit de l’Union doivent en effet être interprétées et appliquées de manière uniforme » entre les États. L’interprétation uniforme constitue une garantie essentielle pour assurer l’égalité de traitement des opérateurs économiques sur l’ensemble du territoire européen. Une erreur de traduction ne permet pas d’écarter le sens commun dégagé par la confrontation des autres versions linguistiques disponibles.
B. La primauté de la finalité de la réglementation
En cas de disparité textuelle, la disposition s’interprète en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation considérée. Les caractéristiques objectives du produit, incluant sa destination dans le bâtiment, confirment le classement tarifaire opéré par l’administration douanière. La fibre de verre se définit par ses propriétés de renforcement, contrairement aux gazes et toiles spécifiquement destinées au blutage. Cette approche téléologique permet de corriger les imperfections matérielles des textes sans nuire à la cohérence globale du système douanier.
La reconnaissance de la primauté du sens global de la norme affecte directement la situation juridique de l’importateur face à l’administration.
II. Les conséquences de la divergence linguistique sur la situation de l’importateur
A. L’inefficacité de l’argument tiré de la confiance légitime
L’impossibilité de se fonder sur une version nationale isolée empêche l’annulation du classement tarifaire opéré par les autorités nationales. Le déclarant ne peut invoquer le sens courant des termes dans sa propre langue pour s’opposer à l’application rigoureuse du droit européen. La sécurité juridique impose aux professionnels de vérifier la concordance des textes lorsqu’une ambiguïté manifeste apparaît lors d’une importation. La Cour refuse ainsi de consacrer un droit à l’erreur fondé sur la simple lecture d’un texte national techniquement inexact.
B. Le maintien de l’effet utile des droits antidumping
Toute interprétation privilégiant la version nationale erronée reviendrait à contourner les mesures de protection commerciale instituées par la Commission. L’importateur doit s’acquitter des droits prévus dès lors que les caractéristiques techniques du produit correspondent à la définition communautaire. La protection des intérêts financiers de l’Union prévaut sur les difficultés d’interprétation rencontrées par les seuls opérateurs privés. La solution réserve néanmoins la possibilité d’obtenir une remise ultérieure si les conditions d’équité prévues par le code douanier sont réunies.