La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 9 février 2017, apporte des précisions essentielles sur le régime de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette décision traite des conditions d’exonération des livraisons intracommunautaires de marchandises effectuées entre deux opérateurs économiques établis dans des États membres différents du marché commun. Le litige concernait la vente de produits à un acquéreur possédant un numéro d’identification local sans être inscrit au système d’échange d’informations pour ces transactions.
L’administration fiscale nationale a refusé l’avantage fiscal au motif que l’acquéreur n’était pas enregistré pour les opérations intracommunautaires au moment des ventes litigieuses. Le vendeur a contesté ces rectifications devant le Tribunal Arbitral Tributário, soutenant que les conditions matérielles de la livraison étaient pourtant réunies durant la période contrôlée. La juridiction de renvoi a alors sursis à statuer pour demander si le droit européen permet d’écarter l’exonération pour une simple raison d’absence d’enregistrement administratif préalable.
La question de droit consiste à déterminer si l’omission d’une formalité d’identification peut légalement faire obstacle à l’application du principe de neutralité fiscale des échanges européens. La Cour juge que l’absence d’inscription dans la base de données ne saurait justifier un refus d’exonération dès lors qu’aucune fraude n’est sérieusement établie. Elle précise que la directive « s’oppose également à un tel refus lorsque le vendeur avait connaissance des circonstances caractérisant la situation de l’acquéreur » au regard de l’impôt. L’étude de la prééminence des conditions matérielles précèdera l’analyse des limites imposées au pouvoir de contrôle des administrations nationales pour garantir la liberté des échanges.
**I. La primauté des conditions matérielles sur les exigences formelles**
**A. La nature purement formelle de l’identification au système d’échange**
La directive prévoit l’exonération des livraisons de biens transportés hors du territoire sans imposer expressément la détention d’un numéro individuel spécifique par l’acquéreur des marchandises. La Cour affirme que « ni l’obtention par l’acquéreur d’un numéro d’identification […] ni l’inscription dans le système vies ne constituent des conditions de fond » de l’avantage. L’identification facilite le contrôle par les autorités mais elle ne saurait modifier la nature objective de l’opération économique réalisée entre les deux assujettis à la taxe.
**B. L’application impérative du principe de neutralité fiscale**
La neutralité exige d’accorder le bénéfice de l’exonération si les critères substantiels sont réunis malgré l’omission de certaines formalités administratives par les parties au contrat de vente. Les juges considèrent que les opérations doivent être taxées en prenant en considération leurs caractéristiques objectives plutôt que le respect strict de procédures de déclaration secondaires. Le refus de l’avantage fiscal ne peut intervenir que si la violation de l’exigence formelle empêche d’apporter la preuve certaine que les conditions de fond sont remplies.
**II. L’encadrement du pouvoir de contrôle des États membres**
**A. Le respect nécessaire du principe de proportionnalité**
Les mesures nationales ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour assurer la perception de l’impôt et prévenir les éventuelles fraudes au système commun de taxation. Une pratique administrative rigide pénalisant un opérateur de bonne foi méconnaîtrait la finalité économique de la directive et entraverait indûment la liberté des échanges au sein de l’Union. L’administration ne peut refuser le droit à l’exonération lorsque les conditions de fond sont réunies et qu’il n’existe aucun indice sérieux suggérant l’existence d’une fraude fiscale.
**B. La protection de la sécurité juridique de l’assujetti**
L’administration ne saurait écarter le régime de faveur sans démontrer que l’assujetti a intentionnellement participé à une fraude mettant en péril le fonctionnement du système fiscal commun. La seule connaissance du retard d’enregistrement de l’acquéreur ne suffit pas à caractériser une mauvaise foi du vendeur justifiant la perte définitive de son droit à l’exonération. Cette solution protège les entreprises en limitant le pouvoir de rectification des autorités aux seuls cas de fraude manifeste ou d’impossibilité de prouver la réalité de l’opération.