La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 9 février 2017, une décision préjudicielle importante relative au secteur du sucre. Une société productrice a sollicité devant les juridictions nationales le remboursement de cotisations à la production qu’elle estimait excessives. Le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a sursis à statuer pour interroger la Cour sur la validité de certains règlements européens. Les questions portaient sur l’interprétation de l’article 33 du règlement n o 2038/1999 concernant le calcul de la perte moyenne exportable. La juridiction demanderesse souhaitait savoir si le calcul devait intégrer toutes les quantités exportées, indépendamment du paiement effectif d’une restitution. Elle s’interrogeait également sur l’invalidité des règlements fixant les montants des cotisations pour les campagnes de commercialisation 1999 à 2001. La Cour dit pour droit que le calcul doit reposer sur les dépenses réelles et déclare les règlements contestés invalides. Cette analyse abordera d’abord la définition rigoureuse des paramètres de calcul de la perte moyenne (I) avant d’examiner les conséquences de l’invalidité des règlements sectoriels (II).
I. La définition rigoureuse des paramètres de calcul de la perte moyenne
A. L’exigence de prise en compte des dépenses réelles
La Cour précise l’interprétation de l’article 33 du règlement n o 2038/1999 afin de garantir la responsabilité financière intégrale des producteurs. Le numérateur du rapport servant à calculer la perte moyenne doit entretenir un « lien direct avec les charges qui pèsent sur le budget ». La juridiction exige que ce montant soit « fondé sur la prise en compte du montant des restitutions à l’exportation payées ». L’utilisation de montants théoriques est proscrite car elle ne reflète pas fidèlement le coût réel de l’écoulement des excédents. Cette approche assure que les cotisations ne dépassent pas les dépenses effectivement engagées par l’Union européenne pour soutenir le marché. Elle protège ainsi les entreprises contre une charge financière déconnectée de la réalité économique des engagements à l’exportation.
B. L’inclusion exhaustive des quantités exportées au dénominateur
Le dénominateur du calcul doit englober la totalité des produits destinés à l’exportation hors de la Communauté européenne. La Cour affirme que « la question de savoir si des restitutions assortissent ou non les quantités est sans pertinence ». Cette interprétation extensive permet de diviser la charge globale par la masse réelle des engagements souscrits durant la campagne. Une exclusion des quantités n’ayant pas donné lieu à restitution entraînerait mécaniquement une hausse artificielle de la perte moyenne. Le juge européen maintient ainsi une cohérence entre les objectifs de l’organisation commune des marchés et le principe d’équité. La méthode de calcul validée interdit toute majoration du coût unitaire par une réduction injustifiée du volume de référence.
II. Les conséquences juridiques de l’invalidité des règlements sectoriels
A. La sanction de la surestimation des charges financières
La Commission européenne a utilisé une méthode de calcul attribuant aux quantités exportées un « montant théorique de restitution ». Ce procédé consistait à appliquer une moyenne des montants fixés périodiquement, « indépendamment de l’effectivité du versement d’une éventuelle restitution ». Une telle pratique conduit nécessairement à une « surestimation de la perte moyenne et donc de la perte globale ». La Cour constate que cette majoration artificielle viole les dispositions supérieures régissant l’organisation commune du secteur sucrier. En conséquence, les règlements n o 2267/2000 et n o 1993/2001 sont déclarés invalides par les juges de la troisième chambre. Cette décision sanctionne le non-respect des règles de calcul impératives qui encadrent le pouvoir réglementaire de la Commission.
B. Le refus de limitation des effets de l’arrêt dans le temps
Les institutions ont sollicité une limitation des effets de l’invalidité en invoquant des difficultés administratives et des risques de distorsion. Elles soutenaient que le temps écoulé rendait complexe la récupération des données précises pour les campagnes de commercialisation concernées. La Cour rejette ces arguments en rappelant que de telles difficultés ne constituent pas des « considérations impérieuses de sécurité juridique ». Le remboursement d’un trop-perçu de cotisations vise uniquement à « mettre fin à une situation de désavantage » pour les producteurs. Le juge refuse donc de restreindre les droits des entreprises ayant acquitté des sommes fondées sur des règlements illégaux. Cette solution confirme la pleine portée rétroactive de la déclaration d’invalidité rendue dans le cadre de la procédure préjudicielle.