Cour de justice de l’Union européenne, le 9 juillet 2015, n°C-63/14

La Cour de justice de l’Union européenne, par son arrêt du 9 juillet 2015, examine le défaut d’exécution d’une décision de récupération d’aides d’État. Une décision de l’organe exécutif européen avait déclaré incompatibles des compensations financières versées pour l’exploitation de services maritimes entre le continent et une île. Le dispositif imposait le remboursement immédiat des sommes perçues par la société de transport et l’arrêt sans délai de tout nouveau versement de fonds publics.

Les faits révèlent que l’État membre et la société bénéficiaire ont introduit des recours en annulation, assortis de demandes de suspension de l’exécution qui furent rejetées. Malgré des échanges entre les autorités locales et l’institution européenne, le recouvrement intégral des fonds n’a pas été réalisé dans les délais prescrits. L’institution européenne a donc saisi la juridiction d’un recours en manquement pour violation des articles 3 à 5 de la décision initiale.

Le demandeur soutient que les mesures de récupération n’ont pas été effectives et que les informations requises ont été transmises avec un retard injustifié. L’État défendeur excipe d’une impossibilité absolue d’exécution, invoquant des risques de troubles sociaux graves et une menace réelle sur la continuité territoriale. Le problème juridique réside dans l’admission de contraintes sociales et économiques comme causes d’impossibilité absolue d’exécuter une décision de récupération d’aides illégales.

La Cour constate que l’émission tardive de titres de recettes ne constitue pas une récupération effective des sommes indûment perçues par l’opérateur économique. Elle juge que les menaces de troubles à l’ordre public ne dispensent pas l’État de ses obligations sans preuve d’une incapacité matérielle à y faire face.

I. L’affirmation rigoureuse de l’obligation de récupération des aides illégales

A. Le caractère exécutoire de la décision nonobstant les recours exercés La Cour rappelle d’abord que « la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité ». L’obligation de remboursement s’impose dès la notification de l’acte, indépendamment de l’introduction d’un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne. L’article 278 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que les recours n’ont pas d’effet suspensif automatique sur les actes juridiques attaqués. La décision litigieuse jouit d’une « présomption de légalité » et demeure impérative pour l’État membre tant qu’une suspension n’a pas été judiciairement accordée.

B. L’inefficacité des mesures de recouvrement dépourvues de portée réelle Les juges soulignent que la récupération des aides doit s’effectuer sans délai pour rétablir la situation concurrentielle antérieure au versement des fonds publics. L’émission de titres de recettes pour un montant inférieur aux sommes identifiées ne permet pas de considérer que l’obligation de résultat a été remplie. La Cour précise que « la seule émission de ces titres exécutoires ne saurait être considérée comme une récupération de l’aide illégale » par la puissance publique. Un retard dans l’arrêt des versements futurs constitue également un manquement aux dispositions précises de l’acte notifié par l’institution européenne.

II. L’interprétation restrictive de la notion d’impossibilité absolue d’exécution

A. L’exclusion des troubles à l’ordre public comme cause d’exonération L’État membre invoquait l’impossibilité d’agir en raison de grèves susceptibles de bloquer les infrastructures portuaires et de déstabiliser gravement l’économie de la région. La juridiction rejette cet argument en rappelant qu’il incombe aux autorités nationales de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’efficacité du droit communautaire. Les menaces de troubles sociaux ne constituent une excuse que si l’État prouve qu’il ne dispose pas des moyens pour maintenir l’ordre public. En l’espèce, les autorités n’ont pas démontré que les forces de sécurité étaient insuffisantes pour contenir les mouvements de protestation des salariés.

B. Le rejet des arguments fondés sur la continuité du service public L’argument relatif à la disparition potentielle de la société de transport maritime et à l’interruption des liaisons avec l’île est écarté par l’analyse factuelle. La Cour estime que la baisse éventuelle du trafic maritime ne constitue pas une circonstance insurmontable empêchant l’exécution de la décision de récupération. Le droit de l’Union impose une diligence constante dans la mise en œuvre des remboursements, même face à des difficultés politiques ou pratiques majeures. L’absence de démarches concrètes et immédiates auprès de l’entreprise bénéficiaire scelle le constat du manquement de l’État membre à ses obligations conventionnelles.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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