Cour de justice de l’Union européenne, le 9 juillet 2020, n°C-297/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 9 juillet 2020, définit les limites du régime de responsabilité environnementale des exploitants. Ce litige s’inscrit dans le classement d’une péninsule en zone de protection spéciale pour la conservation d’une espèce d’oiseau aquatique rare. Le maintien des activités agricoles traditionnelles nécessite un drainage permanent des sols assuré par l’exploitation automatisée d’une station de pompage hydraulique. Une association de défense de l’environnement soutient que ces opérations techniques nuisent gravement à l’état de conservation de la faune protégée sur le site. Les autorités locales refusent d’ordonner des mesures de réparation au motif que ces interventions relèvent d’une gestion normale du milieu naturel. La juridiction administrative de première instance rejette le recours formé contre cette décision de refus en validant le raisonnement de l’administration. La juridiction d’appel infirme ultérieurement ce jugement en imposant aux autorités compétentes de statuer à nouveau sur la demande de mesures. Saisie d’un pourvoi en révision, la cour administrative fédérale de l’État membre décide de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne. Le problème juridique porte sur la définition de l’activité professionnelle et les critères d’exonération liés à la gestion normale des sites protégés. Les juges affirment que les missions d’intérêt public constituent des activités professionnelles tout en soumettant la gestion normale aux objectifs de conservation européens. L’étude du champ d’application de la responsabilité précède ainsi l’analyse des conditions permettant d’écarter la qualification de dommage environnemental significatif.

I. Une interprétation rigoureuse du champ d’application de la responsabilité environnementale

A. L’extension organique de la notion d’activité professionnelle

L’article 2 de la directive 2004/35 définit l’activité professionnelle comme toute occupation exercée indépendamment de son caractère public ou lucratif. La Cour considère en effet que cette notion vise les missions d’intérêt général accomplies en vertu d’un transfert légal de compétences administratives. Elle affirme que l’activité professionnelle « englobe l’ensemble des activités exercées dans un cadre professionnel, par opposition à un cadre purement personnel ». Soustraire les interventions publiques de cette réglementation compromettrait néanmoins l’objectif de prévention des risques réels pour la santé et l’environnement. Le principe du pollueur-payeur exige que les entités publiques répondent des dommages environnementaux découlant de leurs prérogatives de puissance publique. Cette qualification large garantit l’effectivité du système de responsabilité face aux atteintes significatives portées aux habitats naturels par des exploitants institutionnels.

B. L’inclusion matérielle des opérations de drainage dans la gestion des sites

La notion de gestion normale des sites inclut les activités agricoles ainsi que les compléments indispensables comme l’irrigation ou le drainage hydraulique. L’exploitation d’une station de pompage constitue une mesure d’administration nécessaire à la viabilité économique d’une région de pâturages exploités de manière traditionnelle. Les juges soulignent toutefois que cette gestion « doit se rapporter à un site » abritant des espèces ou des habitats naturels protégés. L’inclusion de ces manœuvres techniques permet de prendre en compte la réalité des interventions humaines sur les zones de protection biologique d’intérêt communautaire. Cette approche globale assure une cohérence entre les documents d’objectifs environnementaux et les nécessités matérielles de l’exploitation directe des sols. L’organisation du site reste indissociable des procédés techniques employés pour maintenir l’équilibre hydraulique requis par les activités humaines locales.

II. Une délimitation encadrée des causes d’exonération de la responsabilité

A. La subordination de la gestion normale aux objectifs de conservation

Le caractère normal d’une intervention s’apprécie selon sa conformité aux bonnes pratiques professionnelles et aux objectifs de conservation du droit de l’Union. La Cour précise ainsi que la gestion « ne peut être considérée comme normale que si elle respecte les objectifs et les obligations ». Les autorités doivent évaluer si les pratiques d’exploitation garantissent le maintien ou le rétablissement des espèces dans un état de conservation favorable. Les juges écartent les mesures de gestion qui seraient excessives ou inadaptées aux besoins écologiques réels des sites naturels particulièrement sensibles. Cette exigence de légalité environnementale subordonne la liberté d’exploitation au respect strict des seuils de gravité définis par la réglementation européenne. La protection des oiseaux sauvages impose un contrôle rigoureux des variations négatives induites par les actions volontaires des exploitants publics.

B. L’appréciation temporelle de l’antériorité des pratiques d’exploitation

L’antériorité de la gestion se définit par rapport au moment de la survenance du dommage plutôt qu’à la date de transposition de la directive. Une pratique est prioritaire si elle demeure « généralement reconnue, établie et pratiquée depuis un laps de temps suffisamment long » par l’exploitant concerné. Cette lecture temporelle souple permet cependant d’intégrer les méthodes de travail séculaires sans briser l’équilibre entre développement économique et sauvegarde écologique. Les variations négatives résultant de ces usages constants peuvent échapper à la qualification de dommages significatifs sous certaines conditions de compatibilité. Les juridictions nationales conservent la mission de vérifier la réalité de cette antériorité au regard des documents de gestion adoptés localement. La stabilité du droit de l’environnement repose sur la reconnaissance de pratiques agricoles éprouvées compatibles avec l’intérêt biologique supérieur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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