Cour de justice de l’Union européenne, le 9 juillet 2020, n°C-391/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 9 juillet 2020, une décision portant sur l’interprétation des modalités d’octroi d’une autorisation douanière rétroactive. Cette affaire interrogeait précisément la portée de la notion de circonstances exceptionnelles permettant de déroger aux règles temporelles de droit commun. Une société spécialisée dans la fabrication d’emballages importait des feuilles d’aluminium sous le couvert d’un renseignement tarifaire contraignant délivré en septembre 2015. Cependant, une modification de la nomenclature douanière intervenue en juin 2016 a rendu caduc ce titre sécurisant le classement des marchandises. L’importateur a néanmoins poursuivi ses opérations sous un code erroné pendant dix mois sans susciter de réaction immédiate de la part des autorités douanières territoriales.

À la suite d’un contrôle, l’administration a rectifié le classement tarifaire et réclamé le paiement de droits antidumping s’élevant à trente pour cent. L’opérateur a alors sollicité le bénéfice rétroactif du régime de la destination particulière afin d’obtenir une exonération de ces droits supplémentaires. La juridiction administrative de première instance de Veliko Tarnovo, par un jugement du 31 mai 2018, a limité cet effet rétroactif à la seule date du dépôt de la demande. Saisie d’un pourvoi en cassation, la Cour administrative suprême a adressé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Il s’agissait de déterminer si la caducité d’un renseignement tarifaire et l’inaction des douanes constituaient des circonstances exceptionnelles justifiant une autorisation rétroactive.

La Cour répond par la négative en soulignant que le manquement aux obligations déclaratives ne saurait fonder un traitement préférentiel au profit de l’opérateur négligent. Elle considère que les éléments invoqués ne satisfont pas aux exigences rigoureuses posées par le règlement délégué pour l’octroi d’une mesure dérogatoire. L’explication du sens de la décision précèdera l’analyse de sa valeur juridique et de sa portée pratique.

**I. L’interprétation rigoureuse de la notion de circonstances exceptionnelles**

**A. La préminence du système déclaratif et de la responsabilité de l’importateur**

La solution repose sur le principe fondamental selon lequel « le code des douanes de l’Union repose sur un système déclaratif » visant à prévenir les fraudes. Cette architecture juridique impose aux opérateurs économiques l’obligation de fournir des informations exactes et complètes lors de l’accomplissement des formalités douanières. La Cour rappelle que le régime de la destination particulière nécessite une autorisation préalable, l’effet rétroactif ne revêtant qu’un caractère strictement dérogatoire. La responsabilité de l’exactitude des données incombe exclusivement au déclarant qui doit s’assurer de la conformité de ses opérations avec le droit positif. Un manquement à cette diligence élémentaire prive l’importateur de la possibilité d’invoquer une situation imprévisible ou inhabituelle justifiant un assouplissement temporel.

**B. L’exclusion des modifications législatives du champ de l’exception**

La juridiction précise que la modification du classement tarifaire des marchandises et la fin de validité d’un renseignement contraignant constituent des évènements normaux. Un importateur ne peut utilement se prévaloir d’un changement de nomenclature pour « se soustraire à l’obligation de fournir des informations exactes et complètes » exigées. La validité d’une décision tarifaire cesse de plein droit dès qu’elle n’est plus conforme aux textes, notamment après une révision de la nomenclature combinée. L’opérateur économique est présumé connaître les évolutions législatives publiées, ce qui exclut toute qualification de circonstance exceptionnelle liée à l’ignorance du droit applicable. Cette rigueur assure la stabilité des recettes douanières de l’Union en évitant que la simple négligence ne devienne un levier d’optimisation fiscale.

Une fois établie l’absence de circonstances exceptionnelles liées aux textes, il convient d’apprécier la pertinence des arguments fondés sur la pratique administrative.

**II. Le rejet des justifications fondées sur le comportement administratif**

**A. L’inefficience de l’absence de réaction des autorités douanières**

L’argument fondé sur la tolérance passée de l’administration, laquelle a accepté plusieurs déclarations sous un code erroné, est fermement écarté par les juges européens. La Cour souligne qu’un opérateur diligent ne saurait « se borner à poursuivre l’importation de sa marchandise sous un code erroné » malgré l’acceptation initiale. Le silence ou l’absence de correction immédiate par les services compétents ne crée aucun droit acquis au maintien d’une erreur manifeste de classement. Cette approche interdit aux entreprises de transformer une carence administrative en une circonstance exceptionnelle leur permettant de régulariser a posteriori une situation irrégulière. La sécurité juridique impose que l’erreur de l’administration ne puisse couvrir la défaillance de l’importateur dans son devoir d’information et de vérification.

**B. La primauté des conditions procédurales sur l’utilisation réelle des marchandises**

Enfin, l’affectation effective des produits à une utilisation ouvrant droit à exonération ne suffit pas à justifier l’absence de demande d’autorisation préalable. Bien que les feuilles d’aluminium soient destinées à des fins exemptées de droits antidumping, l’observation des formes prescrites par la législation demeure impérative. La Cour affirme que l’utilisation des marchandises ne saurait « permettre de justifier la méconnaissance, par l’importateur, du régime de demande d’exemption » organisé par le règlement. Le bénéfice d’un avantage tarifaire est subordonné au respect strict des procédures d’autorisation, lesquelles ne peuvent être contournées par une simple preuve matérielle. Cette décision confirme ainsi que la forme protège le fond et garantit l’égalité de traitement entre tous les opérateurs économiques de l’Union.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture