La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision importante le 9 juin 2011 concernant le régime des aides d’État. Ce litige s’inscrit dans le cadre d’un régime multisectoriel prévoyant des réductions de charges sociales pour des entreprises situées en zone lagunaire. Des lois nationales instituaient ces allègements fiscaux afin de soutenir l’emploi et de préserver l’activité économique dans un environnement géographique contraignant. L’institution européenne a déclaré ces mesures incompatibles avec le marché commun, imposant ainsi à l’État membre de procéder à leur récupération intégrale.
Saisi de plusieurs recours, l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 28 novembre 2008 a rejeté les prétentions des entreprises requérantes. Les parties ont formé des pourvois devant la Cour, contestant tant la recevabilité des actions individuelles que le bien-fondé de la qualification d’aide. Les requérants soutenaient que la nature compensatoire des mesures excluait l’existence d’un avantage économique sélectif au sens des traités européens. La juridiction devait déterminer si des bénéficiaires individuels peuvent contester une décision globale et si des contraintes géographiques justifient des exonérations sociales.
La Cour confirme la recevabilité des recours individuels mais valide la position de l’institution quant à la qualification d’aide d’État du régime litigieux. L’examen de la recevabilité des actions intentées par les bénéficiaires précédera l’analyse de la rigueur maintenue concernant la notion d’avantage économique sélectif.
I. L’admission libérale de la recevabilité du recours formé par les bénéficiaires individuels
A. Une individualisation caractérisée par l’existence d’un ordre de récupération
La juridiction souligne que les bénéficiaires effectifs d’aides octroyées au titre d’un régime dont la récupération est ordonnée sont « individuellement concernés ». Ces opérateurs font partie d’un « cercle restreint » car ils sont exposés au risque réel de devoir restituer les avantages financiers perçus. Cette situation affecte leur position juridique dès l’adoption de la décision, sans qu’il soit nécessaire d’examiner des conditions supplémentaires relatives à leur situation. L’éventualité d’une absence de récupération ultérieure par les autorités nationales n’exclut pas le droit pour ces entreprises de contester l’acte initial.
B. La délimitation du rôle des autorités nationales lors de la phase de récupération
La Cour censure le raisonnement du Tribunal qui restreignait le pouvoir de vérification des autorités nationales lors de la mise en œuvre de la décision. Il appartient à l’État membre de contrôler la situation individuelle de chaque entreprise lors de l’opération technique de récupération des montants indûment versés. Cette vérification doit toutefois être « suffisamment encadrée » par la décision de l’institution constatant l’incompatibilité du régime d’aides avec le marché intérieur. La reconnaissance de ce droit d’agir permet alors à la juridiction d’apprécier la légalité de la qualification d’aide d’État retenue par l’organe européen.
II. La primauté de l’effet économique sur l’intention compensatoire de la mesure étatique
A. L’indifférence des motifs de l’intervention étatique pour la qualification d’avantage
Le droit de l’Union ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions publiques pour caractériser l’existence d’une aide d’État. La notion d’aide est définie en fonction des effets économiques de la mesure, indépendamment de la volonté de compenser des désavantages géographiques. La Cour affirme que « l’objectif de compensation des désavantages concurrentiels » ne peut enlever à ces allègements leur caractère d’aide au sens du traité. Une mesure cherchant à rapprocher les conditions de concurrence d’un secteur de celles d’un autre État membre constitue donc un avantage sélectif prohibé.
B. La validité du contrôle global des régimes d’aides par les institutions européennes
Dans le cadre d’un programme d’aides, l’institution peut se borner à étudier les caractéristiques globales du régime pour apprécier son incompatibilité. Elle n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel système de réduction sociale. Les « aides au fonctionnement » sont présumées fausser la concurrence dès lors qu’elles libèrent les entreprises des coûts normaux de leur gestion courante. Le constat d’une affectation potentielle des échanges suffit à justifier la décision de récupération, sans exiger la preuve d’une distorsion réelle et effective.