Cour de justice de l’Union européenne, le 9 mars 2017, n°C-615/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt de pourvoi confirmant la légalité des amendes prononcées pour une entente mondiale de composants. Des sociétés de fabrication ont été sanctionnées par l’autorité de concurrence pour avoir coordonné les prix et les capacités de production de tubes cathodiques. Après un premier rejet de leur recours par l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre deux mille quinze, les entreprises concernées contestent la sanction. La question centrale repose sur la prise en compte de ventes négociées hors du territoire européen mais livrées à des clients établis dans l’Union. Les requérantes soutiennent également que leur responsabilité a été indûment prolongée par rapport à d’autres participants au cartel n’ayant pas fait l’objet de poursuites. Le juge rejette le pourvoi en validant le raisonnement fondé sur l’incidence réelle des ventes sur le marché intérieur et le principe de légalité.

I. L’assise territoriale et temporelle de l’infraction unique

A. La prévalence du lieu de livraison sur le siège des négociations

Les requérantes contestaient l’inclusion, dans le calcul de l’amende, de transactions dont les conditions tarifaires avaient été fixées en dehors de l’Espace économique européen. Elles affirmaient que la concurrence ne pouvait être affectée qu’au lieu où les négociations principales étaient menées par les directions générales des groupes concernés. Cependant, le juge considère que « le lieu de livraison avait une réelle incidence sur le niveau des ventes réalisées par les requérantes » dans l’Union. Cette règle garantit que le montant de l’amende reflète fidèlement le poids relatif de l’entreprise fautive sur le marché intérieur effectivement affecté. Les arguments contestant l’imputation de ces ventes sont rejetés dès lors que la concurrence a subi un préjudice direct sur le territoire européen. Cette détermination de l’assiette géographique se complète d’une analyse rigoureuse de la durée de participation individuelle de chaque membre de l’entente mondiale.

B. L’autonomie de la durée infractionnelle face aux décisions de poursuite

Le grief portant sur la disparité de traitement concernant la date de fin de la collusion ne saurait davantage prospérer devant la juridiction de pourvoi. Les requérantes affirmaient qu’une entreprise ne peut techniquement maintenir seule une pratique concertée après la défaillance ou le retrait définitif de ses partenaires. La Cour répond qu’une société « ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d’amende ». Le respect du principe de légalité interdit en effet d’étendre une éventuelle impunité accordée par erreur ou commodité administrative à d’autres participants prouvés. La preuve de contacts anticoncurrentiels maintenus jusqu’au terme fixé par l’institution suffit à justifier la durée retenue pour le calcul de la sanction. Le contrôle de l’assiette temporelle étant établi, il convient d’examiner les limites de la surveillance exercée par le juge sur le montant final.

II. L’encadrement du contrôle juridictionnel du montant de l’amende

A. La suffisance de la motivation relative à la complémentarité des échanges

Le juge de première instance a valablement motivé le rejet des demandes d’exclusion de certains produits du périmètre global de l’infraction unique et continue. Le dossier démontre que « tous les cpt ont fait l’objet soit de “contacts intenses”, soit d’échanges d’informations sensibles » durant la période incriminée. L’existence d’un plan d’ensemble cohérent justifie que l’institution impute la responsabilité de l’infraction à l’ensemble des acteurs pour la totalité de la gamme. Dès lors, la motivation fournie permet de comprendre les raisons de l’inclusion de tous les modèles de tubes cathodiques dans le calcul de l’amende. La décision confirme que les agissements présentaient entre eux un lien de complémentarité suffisant pour caractériser une infraction complexe unique sur le marché. Au-delà de la définition du périmètre des produits, la contestation porte enfin sur l’exercice du pouvoir de pleine juridiction en matière de clémence.

B. L’inefficience des moyens relatifs à la clémence devant le juge du pourvoi

Les critiques relatives au refus d’octroyer une réduction maximale pour la coopération des sociétés sont écartées par la juridiction de dernier ressort de l’Union. Les requérantes estimaient avoir fourni des éléments essentiels sur le partage des marchés, justifiant selon elles un traitement plus favorable lors de la sanction. La Cour rappelle qu’elle ne peut substituer sa propre appréciation des faits à celle du juge du fond en matière de réduction pécuniaire. Son contrôle se limite à vérifier si la sanction présente un caractère « inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné » en l’espèce. Aucun argument de cette nature n’ayant été soulevé par les parties, le moyen est déclaré inopérant et le pourvoi est rejeté intégralement. L’arrêt confirme ainsi la validité de la méthode de calcul et la proportionnalité de l’amende infligée pour ces pratiques concertées mondiales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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