Cour de justice de l’Union européenne, le 9 novembre 2017, n°C-205/16

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 9 novembre 2017, s’est prononcée sur la notion de détachabilité des dispositions d’un acte législatif. Le litige portait sur un règlement instituant des droits compensateurs définitifs sur les importations de certains produits photovoltaïques originaires d’un pays tiers. Un groupement de producteurs européens contestait la validité d’une disposition prévoyant une exonération de ces droits pour les exportateurs ayant souscrit des engagements de prix. Les requérants sollicitaient l’annulation de cette seule exonération devant le Tribunal de l’Union européenne, lequel a rejeté la demande par une ordonnance du 1er février 2016. Le Tribunal a considéré que la disposition attaquée n’était pas détachable du reste du règlement et que son annulation modifierait la substance même de l’acte. Saisie d’un pourvoi, la requérante soutenait que l’annulation partielle n’entraînerait aucune modification de la portée du règlement, les droits classiques demeurant applicables par défaut. Elle invoquait également une violation du droit à un recours effectif garanti par la Charte des droits fondamentaux dans l’hypothèse d’une confirmation de l’irrecevabilité. La question de droit consistait à déterminer si une clause d’exemption par engagement de prix forme un ensemble indissociable avec la fixation de prélèvements douaniers compensateurs. La Cour confirme l’ordonnance de première instance en jugeant que l’annulation de l’exemption affecterait l’économie générale du texte et la volonté de son auteur. L’examen de cette décision conduit à analyser l’indivisibilité des mesures de défense commerciale avant d’étudier la conformité de cette solution au droit au recours effectif.

I. L’indivisibilité des mesures de défense commerciale au sein de l’acte

A. L’étroite imbrication entre les droits compensateurs et les engagements

La Cour de justice souligne d’abord que les mesures de défense commerciale forment un ensemble cohérent destiné à éliminer le préjudice causé à l’industrie européenne. Elle rappelle que « l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables ». Cette exigence n’est pas remplie si la suppression de la disposition litigieuse aboutit à modifier la substance même de l’acte tel qu’adopté initialement. En l’espèce, le législateur a instauré « des mesures de défense commerciale constituant un ensemble ou un paquet » incluant des droits et des engagements de prix. Les deux types de mesures sont complémentaires pour atteindre l’objectif de restauration d’une concurrence loyale sur le marché intérieur de l’Union. L’existence de l’engagement minimal à l’importation a été déterminante dans l’analyse de l’impact des mesures sur l’intérêt général de l’industrie de l’Union.

B. La préservation de la substance de la volonté du législateur

L’annulation de l’article litigieux aurait pour conséquence automatique d’appliquer les droits compensateurs à l’intégralité des importations provenant du pays tiers visé par l’enquête. Un tel résultat conférerait une portée plus large aux prélèvements douaniers que celle initialement prévue par l’institution lors de l’adoption du règlement final. La Cour relève que « l’annulation de cet article 2 éliminerait une telle possibilité et ferait disparaître l’alternative que le législateur de l’Union a voulu offrir ». Cette substitution d’un régime uniforme à un système optionnel méconnaîtrait manifestement l’intention de l’auteur de l’acte et l’équilibre économique recherché lors des négociations. La modification de la substance de l’acte s’apprécie au regard des conséquences découlant de l’éventuelle annulation de la disposition contestée par les parties. L’impossibilité de détacher l’exemption de la règle générale de taxation interdit donc le recours dirigé spécifiquement contre cette seule modalité de mise en œuvre.

L’impossibilité de dissocier ces instruments techniques implique une analyse rigoureuse des conséquences d’une éventuelle annulation sur la structure globale du règlement de défense commerciale.

II. La validité de l’irrecevabilité au regard du droit au recours

A. L’absence d’atteinte disproportionnée à la protection juridictionnelle

La requérante alléguait que l’impossibilité de contester la seule clause d’exonération la privait de son droit fondamental à une protection juridictionnelle effective et équitable. La Cour écarte ce grief en rappelant que le système des traités prévoit un ensemble complet de voies de recours pour contrôler la légalité. L’article 47 de la Charte « n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités » concernant la recevabilité. La protection conférée par ce texte n’exige pas un droit inconditionnel à l’annulation partielle d’un acte législatif lorsque les conditions de détachabilité manquent. Le respect de l’ordre juridique européen est assuré par la complémentarité entre les recours directs devant le juge européen et les questions préjudicielles nationales. L’irrecevabilité de la demande d’annulation partielle ne signifie donc pas une absence de contrôle sur le bien-fondé des mesures de défense commerciale.

B. La disponibilité de voies de contestation alternatives pour le justiciable

La solution retenue préserve la cohérence du contrôle de légalité tout en imposant au justiciable d’attaquer l’intégralité de l’acte si les dispositions sont liées. La requérante conservait la faculté de solliciter l’annulation globale du règlement tout en demandant le maintien temporaire des effets des prélèvements douaniers déjà perçus. La Cour précise que l’intéressé peut également « contester la validité du règlement litigieux devant les juridictions nationales » afin de susciter un renvoi en appréciation de validité. Cette articulation procédurale garantit que l’absence de détachabilité technique d’une clause ne crée pas une zone d’immunité juridictionnelle pour les institutions de l’Union. Le juge valide ainsi une approche stricte de la recevabilité pour éviter que le recours en annulation ne devienne un instrument de réécriture législative. La confirmation de l’ordonnance de rejet assure la stabilité des actes complexes dont les différentes composantes économiques sont interdépendantes et difficilement séparables.

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Hassan KOHEN
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