Cour de justice de l’Union européenne, le 9 novembre 2017, n°C-656/15

L’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 9 novembre 2017 traite de la notion de ressources publiques en droit de la concurrence. Le litige porte sur le financement d’un radiodiffuseur public par des recettes publicitaires collectées par des entités étatiques spécialement mandatées par la loi nationale. L’organe de surveillance de l’Union avait qualifié ces transferts d’aides d’État, mais le Tribunal de l’Union européenne avait annulé cette qualification le 24 septembre 2015. Les juges de première instance estimaient que des revenus issus d’annonceurs privés ne pouvaient constituer des ressources étatiques malgré le transit par des fonds publics. L’autorité compétente a formé un pourvoi pour contester cette interprétation restrictive qu’elle jugeait contraire aux principes fondamentaux du contrôle des aides publiques européennes. La question posée aux juges consistait à déterminer si le contrôle étatique sur l’affectation des fonds primait sur l’origine privée des sommes ainsi collectées. La Cour de justice annule l’arrêt du Tribunal en affirmant que la maîtrise effective des ressources par la puissance publique suffit à caractériser une aide. Cette solution repose sur la prééminence du critère du contrôle public sur l’origine des fonds (I) et sur une volonté de garantir l’efficacité du contrôle des aides (II).

I. La prééminence du contrôle étatique sur l’origine des ressources

A. Le critère déterminant de la maîtrise effective des fonds

La Cour rappelle que la qualification d’aide requiert l’intervention de l’État ou l’utilisation de ressources étatiques par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé. Elle précise que « le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État » ». Ainsi, la détention patrimoniale permanente des sommes par le Trésor public n’est pas une condition nécessaire pour l’application des règles relatives aux aides d’État. Le juge européen privilégie une approche matérielle fondée sur la capacité des autorités à orienter l’utilisation des moyens pécuniaires vers des objectifs de politique publique.

B. L’absence d’incidence de la provenance privée des recettes

Le raisonnement juridique écarte l’argument selon lequel l’origine privée des fonds, versés par des annonceurs, ferait obstacle à la qualification de ressource de l’État. La Cour souligne que « la circonstance que les ressources concernées soient gérées par des entités distinctes de l’autorité publique ou qu’elles soient d’origine privée est sans incidence ». Par ailleurs, l’État membre exerçait une influence déterminante sur les sociétés chargées de la commercialisation et de la gestion des fonds issus de l’activité publicitaire. L’ensemble du mécanisme de financement était régi par la législation nationale, plaçant les recettes sous le contrôle constant des autorités de tutelle compétentes. Cette primauté du contrôle fonctionnel assure une application rigoureuse du droit de l’Union en neutralisant les montages institutionnels complexes destinés à masquer l’intervention étatique.

II. La volonté de garantir l’efficacité du contrôle des aides

A. Le rejet de l’autonomie organique comme moyen de contournement

La solution empêche les États membres d’échapper au contrôle des aides par la simple création d’institutions autonomes chargées de collecter ou de distribuer les fonds. En effet, « le droit de l’Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes permette de contourner les règles relatives aux aides d’État ». La Cour observe que l’État est en mesure d’orienter l’utilisation des ressources pour financer des avantages spécifiques par l’exercice de son influence sur ses entreprises. Cette approche garantit que l’obligation de notification des aides ne soit pas éludée par le recours à des structures juridiques formellement distinctes de l’administration centrale.

B. La distinction nécessaire avec les flux financiers purement privés

La juridiction suprême clarifie la distinction avec sa jurisprudence antérieure relative aux obligations d’achat imposées par l’État à des entreprises strictement privées sans transfert financier. Elle relève que, dans l’arrêt du 13 mars 2001, les fonds n’étaient à aucun moment sous contrôle public car gérés exclusivement par des opérateurs économiques indépendants. En revanche, « les fonds en cause ne pouvaient être considérés comme une ressource d’État, puisqu’ils n’étaient à aucun moment sous contrôle public » dans cette affaire précédente. Le mécanisme commenté se distingue par l’implication d’entreprises publiques spécialement mandatées par le législateur national pour assurer la gestion et le versement des recettes perçues. La Cour réaffirme ainsi l’importance du lien organique et fonctionnel entre l’organisme gestionnaire et l’État pour justifier l’application des règles de la concurrence européenne.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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