Cour de justice de l’Union européenne, le 9 novembre 2023, n°C-293/22

L’arrêt rendu le 30 mai 2024 par la Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions d’identification des substances chimiques extrêmement préoccupantes. Une société spécialisée importe un composé fluoré et conteste son inscription sur la liste des substances candidates par une agence technique de l’Union européenne. L’autorité compétente d’un État membre avait proposé cette identification en invoquant des effets graves de la substance sur l’homme et sur l’environnement. Après le rejet par le Tribunal de l’Union européenne d’un recours le 23 février 2022, la requérante soutient que les critères d’équivalence sont méconnus. Le problème de droit repose sur la possibilité de qualifier une substance dangereuse sans qu’elle remplisse les seuils habituels de bioaccumulation ou de toxicité reproductive. La Cour confirme la décision attaquée en validant une lecture protectrice des dispositions du règlement encadrant les produits chimiques sur le territoire européen. L’analyse portera d’abord sur l’interprétation autonome du critère de préoccupation équivalente avant d’aborder le renforcement de la protection environnementale découlant de cette jurisprudence.

I. Une interprétation autonome du critère de préoccupation équivalente

A. L’indépendance de l’identification vis-à-vis des critères de classification

La Cour souligne que l’identification d’une substance sous l’article 57 ne dépend pas strictement des critères fixés par le règlement relatif à la classification. Le juge précise que « la classification d’une substance constitue un élément pertinent, bien que non déterminant » pour démontrer l’existence d’effets biologiques graves. Cette autonomie juridique permet de pallier les limites des tests standards face à des substances présentant des propriétés intrinsèques atypiques ou encore insuffisamment documentées. L’absence de classification formelle par les autorités ne saurait dès lors empêcher de conclure à l’existence d’un danger réel pour la santé humaine.

B. La licéité d’une évaluation globale fondée sur des informations complémentaires

L’arrêt valide la méthode consistant à fonder le caractère préoccupant d’un produit sur une appréciation globale regroupant plusieurs informations scientifiques et techniques alors disponibles. L’agence peut légitimement s’appuyer sur des données de soutien pour renforcer sa conclusion relative au « niveau de préoccupation équivalent » de la substance chimique concernée. Cette approche garantit une évaluation réaliste des menaces en ne se limitant pas aux seules propriétés intrinsèques initialement retenues comme fondement de la décision. Cette méthodologie souple impose une cohérence des motifs techniques et préfigure le renforcement de la protection environnementale face aux substances chimiques les plus persistantes.

II. Un renforcement de la protection face aux risques environnementaux

A. L’absence de bioaccumulation comme condition non impérative de la qualification

La juridiction affirme qu’une substance peut être identifiée sans être bioaccumulable dès lors que sa persistance et sa mobilité engendrent des risques environnementaux majeurs. Elle souligne que le terme « telle que […] celles » utilisé par le législateur indique que les combinaisons de propriétés dangereuses ne sont pas limitatives. La persistance associée à une forte mobilité dans les eaux suffit à générer une préoccupation équivalente à celle des substances les plus toxiques. Cette interprétation textuelle répond à l’objectif de protection élevée de l’environnement en empêchant la circulation de composés persistants risquant de contaminer durablement les ressources.

B. Le contrôle restreint du juge sur les appréciations scientifiques complexes

Le juge rappelle que le contrôle de légalité doit respecter le large pouvoir d’appréciation reconnu aux autorités dans les domaines techniques et scientifiques complexes. Il vérifie seulement que l’acte contesté n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir lors de l’examen des preuves scientifiques. En validant le raisonnement technique de l’agence, la Cour consacre la primauté des impératifs de santé publique sur les intérêts financiers des opérateurs économiques. Cette solution jurisprudentielle stabilise le cadre juridique des autorisations chimiques tout en confirmant la validité du principe de précaution au sein de l’Union européenne.

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Hassan KOHEN
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