Par un arrêt du 9 octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne définit les garanties entourant l’émission d’un mandat d’arrêt européen. Le parquet de Vienne émit un tel titre le 16 mai 2019, avant son homologation par le tribunal régional de Vienne le 20 mai. Saisie d’un renvoi préjudiciel par le tribunal régional supérieur de Berlin, la Cour examine si un procureur subordonné peut valablement émettre un tel mandat. Elle conclut à la validité de la procédure autrichienne dès lors que l’intervention du juge assure un contrôle autonome, objectif et surtout préalable.
I. La garantie d’un contrôle juridictionnel effectif préalable
A. L’insuffisante indépendance organique du ministère public
Le statut des parquets autrichiens se caractérise par un lien de subordination hiérarchique direct envers le ministre fédéral de la Justice. Cette organisation empêche de qualifier le ministère public d’autorité judiciaire autonome, faute de garanties statutaires excluant tout risque d’instruction individuelle du pouvoir exécutif. La Cour rappelle que l’indépendance requise exige des règles propres à écarter toute influence extérieure lors de l’adoption de la décision judiciaire. Les procureurs sont « exposés au risque d’être soumis, directement ou indirectement, à des ordres ou à des instructions » ministériels. Cette situation organique fragilise la nature judiciaire de l’acte initial, imposant une protection renforcée à un stade ultérieur de la procédure.
B. La validation nécessaire par une autorité judiciaire autonome
Le droit autrichien instaure un mécanisme où le mandat ne produit aucun effet juridique avant son homologation par une autorité judiciaire indépendante. Ce contrôle systématique et d’office permet de valider l’acte en lui conférant sa forme définitive avant toute transmission aux autorités d’exécution étrangères. La décision d’émettre le mandat d’arrêt européen doit être comprise comme « l’acte sous la forme qu’il revêt lors de son exécution ». L’intervention du juge transforme alors l’impulsion du parquet en une véritable décision judiciaire répondant aux exigences de protection des droits fondamentaux. Cette validation préalable distingue radicalement le système autrichien d’un simple recours qui interviendrait seulement sur demande de la personne recherchée.
II. Une approche fonctionnelle de la notion d’autorité judiciaire
A. La plénitude du contrôle exercé par le juge de l’homologation
Le juge chargé de l’homologation dispose d’un accès intégral au dossier répressif, incluant les éventuelles instructions écrites émanant du pouvoir exécutif. Il exerce un contrôle complet portant sur les conditions de légalité ainsi que sur le caractère proportionné de la mesure privative de liberté. Ce magistrat peut ordonner des enquêtes complémentaires et adopte une « décision autonome par rapport à la décision du parquet ». L’examen de la proportionnalité intègre notamment les effets du transfèrement sur les relations sociales et familiales de la personne recherchée. Par cette analyse approfondie, le tribunal garantit que l’atteinte à la liberté reste strictement nécessaire aux besoins de l’enquête pénale engagée.
B. La sauvegarde de la confiance mutuelle entre les États membres
La solution retenue par la Cour de justice permet de maintenir la fluidité de la coopération pénale tout en préservant la confiance réciproque. Elle confirme que la notion de décision judiciaire englobe les procédures garantissant une protection effective des droits reconnus par la Charte. L’exigence d’indépendance est satisfaite dès lors qu’un organe juridictionnel intervient obligatoirement pour donner sa force exécutoire au titre de l’arrestation. Cette jurisprudence offre une alternative pragmatique aux États membres dont l’organisation judiciaire place le parquet sous l’autorité du gouvernement. Elle assure que seuls les mandats fondés sur un contrôle judiciaire objectif circulent librement au sein de l’espace européen de justice.