Par un arrêt rendu le 9 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions d’exercice du droit au recours effectif en matière d’asile. Un ressortissant étranger a introduit une seconde demande de protection internationale après le rejet définitif d’une première sollicitation. Le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a déclaré cette demande ultérieure irrecevable par une décision datée du 18 mai 2018. Faute d’élection de domicile en Belgique, la notification s’est effectuée au siège administratif le 22 mai 2018, déclenchant ainsi le délai de recours légal. Le requérant a réceptionné le pli le 30 mai 2018 avant de contester la décision devant le Conseil du contentieux des étrangers le 7 juin 2018. Cette juridiction a rejeté son recours pour tardiveté, entraînant un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État de Belgique le 18 octobre 2018. La haute juridiction administrative a alors saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle portant sur la conformité de ce régime procédural. Le juge européen devait déterminer si le droit de l’Union s’oppose à un délai de forclusion de dix jours notifié au siège de l’autorité nationale. La Cour estime qu’un tel dispositif est licite si le demandeur bénéficie d’une information préalable et de garanties d’accès effectives aux documents. La validité de la notification au siège administratif précède ainsi l’analyse de la proportionnalité du délai de recours imposé par la législation nationale.
I. La validité de la notification au siège de l’autorité compétente
A. Un mécanisme au service de la sécurité juridique
Le droit de l’Union laisse aux États membres le soin de fixer les modalités concrètes de communication des décisions relatives à la protection internationale. La Cour rappelle que « les règles de procédure concernant la notification des décisions relatives aux demandes de protection internationale relèvent du principe de l’autonomie procédurale ». Cette latitude permet d’instaurer une élection de domicile légale au siège de l’administration lorsque le demandeur ne fournit aucune adresse personnelle stable. Un tel dispositif garantit que les décisions puissent déployer leurs effets juridiques et ne restent pas indéfiniment contestables devant les juridictions. L’absence de notification officielle empêcherait les autorités de tirer les conséquences nécessaires des rejets, notamment en ce qui concerne le séjour des personnes concernées.
Le juge souligne également que ce mécanisme offre aux demandeurs sans domicile fixe un lieu sûr pour recevoir les communications administratives importantes. L’élection de domicile fictive assure ainsi une forme de stabilité procédurale nécessaire au bon déroulement de l’examen des demandes d’asile complexes. Cette règle participe à l’objectif de célérité sans lequel le système commun d’asile perdrait sa cohérence et son efficacité opérationnelle globale. Le cadre national cherche donc un équilibre entre la protection des droits individuels et les impératifs de gestion des flux migratoires.
B. Le respect impératif des principes d’équivalence et d’efficacité
L’autonomie procédurale des États membres n’est pas absolue et demeure encadrée par l’obligation de garantir un recours effectif aux justiciables. La Cour précise que la notification au siège administratif ne peut être admise qu’à la condition que le demandeur soit « dûment informé » des conséquences de son silence. Cette information préalable doit porter sur le fait qu’il sera réputé avoir élu domicile auprès du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides. Les modalités d’accès physique au siège de l’autorité ne doivent pas non plus rendre la réception des courriers « excessivement difficile » pour l’intéressé.
Le principe d’équivalence impose par ailleurs que ces règles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires en droit interne. La juridiction nationale doit vérifier si d’autres actes administratifs bénéficient de modalités de notification plus protectrices pour le destinataire de la décision. Si le droit belge traite différemment les demandeurs d’asile par rapport aux autres administrés, une discrimination injustifiée pourrait alors être caractérisée par le juge. La protection des droits de la défense demeure le socle sur lequel repose la validité de toute fiction juridique en matière de notification.
II. La proportionnalité du délai de recours de dix jours
A. La célérité comme objectif légitime du traitement des demandes
Le raccourcissement des délais de recours pour les demandes ultérieures répond à un objectif de célérité expressément reconnu par la directive 2013/32. La Cour considère que « le fait que les recours contre les décisions d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale sont soumis à un délai plus court est conforme à l’objectif de célérité ». Cette rapidité profite tant à l’État membre qu’aux demandeurs dont la situation nécessite une réponse juridictionnelle prompte et définitive. Une procédure accélérée permet en effet de distinguer rapidement les demandes sérieuses des sollicitations manifestement abusives ou répétitives sans fondement nouveau.
L’inclusion des jours fériés et chômés dans le décompte du délai de dix jours participe de cette volonté de traitement rapide des dossiers. La Cour admet que la sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure justifient des exigences temporelles strictes pour le justiciable. Le délai de forclusion n’est donc pas contraire au droit à un recours effectif s’il reste matériellement suffisant pour préparer une argumentation. La spécificité des demandes ultérieures, qui reposent par définition sur des faits nouveaux, limite l’ampleur du travail de rédaction requis pour le recours.
B. Un délai suffisant au regard des garanties procédurales spécifiques
L’effectivité du délai de dix jours dépend étroitement de l’accès réel du demandeur à une assistance juridique gratuite et de qualité. Le juge européen souligne que le délai de recours doit être « matériellement suffisant pour préparer et former un recours effectif » devant le tribunal compétent. Cette appréciation globale tient compte des garanties prévues par les articles 20 et 22 de la directive 2013/32 concernant la représentation gratuite. Le demandeur doit pouvoir consulter un conseil juridique et accéder aux informations de son dossier personnel dans ce laps de temps très court.
La Cour note enfin que le droit belge tempère la rigueur du délai par des règles de report en cas de jour férié. Elle relève que « lorsque le jour de l’échéance du délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié, cette échéance est reportée au plus prochain jour ouvrable ». Ces mesures de sauvegarde garantissent que le droit au recours ne soit pas rendu impossible par les aléas du calendrier administratif. Sous réserve des vérifications de la juridiction de renvoi, le dispositif belge paraît ainsi respecter les exigences fondamentales de l’Union européenne. La protection internationale reste assurée dès lors que les garanties procédurales essentielles demeurent accessibles au demandeur durant toute la phase contentieuse.