En matière de droits d’enregistrement et de timbre, de taxe de publicité foncière, d’impôt de
solidarité sur la fortune et de taxes assimilées à des droits ou taxes, les instances auxquelles la procédure spéciale est applicable sont instruites suivant les formes instituées par les
articles
R* 202-1 et suiv. du livre des procédures fiscales (LPF). Cependant, les instances auxquelles la procédure spéciale n’est pas applicable et dont le tribunal de grande instance a, le cas échéant, à
connaître doivent, en l’absence de dispositions particulières, être instruites conformément aux règles de la procédure de droit commun fixées par le code de procédure civile (cf. également
BOI-CTX-JUD-10).
La procédure spéciale d’instruction présente les caractéristiques suivantes :
– elle est écrite : les prétentions et l’argumentation des parties sont
formulées dans des mémoires écrits. Les redevables ne sont admis à présenter des explications orales que pour préciser les arguments exposés dans leurs mémoires écrits
(cf. § 380 ci-dessous). Cette caractéristique de la procédure entraîne d’ailleurs l’exclusion de certains modes de preuve, telle que notamment la preuve
testimoniale (cf. BOI-CTX-DG-20-20-40) ;
Remarque : Cependant, dans les instances en matière de droits d’enregistrement,
cette exclusion n’interdit pas aux juges du fond de constater les faits selon des présomptions graves, précises et concordantes invoquées dans les mémoires produits ou selon des
attestations annexées à ces mémoires.
– elle est contradictoire : les parties doivent être à même de discuter de
l’argumentation et des prétentions de leur adversaire. Les mémoires leur sont donc respectivement signifiés (cf. § 140 ci-dessous ). Les productions des
parties sont également mises à leur disposition respective (cf. § 330 ci-dessous ) ;
– elle est conduite par le tribunal : le tribunal fixe le délai dans lequel les
parties devront produire leurs mémoires respectifs (cf. § 270 et s. ci-dessous ) ;
– enfin, le ministère d’avocat est facultatif : les parties ne sont pas
obligées de constituer avocat. Néanmoins, il ne leur est pas interdit d’y recourir pour la rédaction de leur mémoire et l’exposé verbal, à l’audience, de leurs prétentions et arguments (cf.
§ 420 ci-dessous ).
I. Déroulement de la procédure
1
Aux termes de
l’article R* 202-2 du LPF « l’instruction se fait par simples mémoires respectivement signifiés ».
À cet égard, ne saurait être considéré comme le mémoire prévu par la loi fiscale un document
dépourvu de titre, de dispositif, de date, de signature, de mention de signification. .
A. Établissement des mémoires
1. Règles générales relatives à la présentation et au contenu des conclusions – Moyens nouveaux
a. Présentations et contenu des conclusions
10
Les articles 753 et
954 du code de procédure civile ( C. proc. Civ.), imposent aux parties trois obligations :
– énumérer les pièces justifiant leurs prétentions dans un bordereau annexé aux conclusions ;
– formuler expressément leurs prétentions et les moyens en fait et en droit ;
– reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés dans leurs
précédentes écritures.
1° Sur le bordereau énumérant les pièces :
Cette obligation devrait limiter les incidents de communication de pièces.
Il est observé que seul
l’article 954 du C. proc. Civ. exige l’annexion d’un bordereau « récapitulatif ».
L’article 753 du C. proc. Civ. ne reprend pas ce qualificatif. Néanmoins, lorsque seront produites devant le tribunal de grande
instance les dernières conclusions, il est conseillé d’adjoindre à ces conclusions un bordereau récapitulant les pièces versées aux débats depuis l’introduction de l’instance.
2° Sur la formulation des prétentions et des moyens en fait et en droit
Si une partie ne satisfait pas à l’obligation de formuler ses prétentions et ses moyens en
fait et en droit, aucune sanction spécifique n’est prévue. Et le pouvoir de statuer en droit que tient le juge de l’article 12 du C.
proc.Civ. demeure.
Cependant, en l’absence de qualification en droit d’un ou des moyens invoqués, notamment, la
partie adverse pourra, en application de l’article 114 du C. proc. Civ., invoquer un grief résultant de l’impossibilité dans
laquelle elle se trouve de déterminer le fondement juridique auquel elle doit répondre.
Cela étant, devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d’appel, si une partie n’a
pas satisfait à cette exigence, le président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ou le juge (ou conseiller) de la mise en état peut l’inviter à mettre ses conclusions en conformité
avec les dispositions de l’article 753 du C. proc. Civ.
(C. proc. Civ., art. 761 et 765).
Mais il est souligné qu’il s’agit d’une simple faculté. Aussi, les mêmes
recommandations que celles formulées à l’égard de l’assignation sont-elles réitérées au titre des conclusions produites en cours d’instance.
b. Moyens nouveaux
20
Selon l’article L
199 C du LPF, l’administration ainsi que le contribuable, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal
administratif que devant la cour administrative d’appel, jusqu’à la clôture de l’instruction. Il en est de même devant le tribunal de grande instance et devant la cour d’appel.
Un moyen est l’énonciation par une partie d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un
raisonnement juridique, elle prétend déduire le bien-fondé d’une demande ou d’une défense.
Pour les litiges pendants devant le tribunal de grande instance, il faut entendre par moyen
nouveau tout moyen qui, sans constituer une demande nouvelle, modifie la cause juridique de l’argumentation des parties ou qui est fondé sur de nouveaux faits, de nouvelles pièces ou sur une autre
interprétation de celles-ci (arguments ou modes de preuve nouveaux). Est également considéré comme un moyen nouveau celui qui résulte de l’appropriation d’un moyen invoqué par une autre partie.
30
Dans plusieurs arrêts fixant la jurisprudence, la Cour de cassation
(C.Cass.,
06/12/1978 n°77-14548 ;
13/02/1985 n°
83-14522 ;
15/12/1987
n°86-15871) avait admis :
– qu’il résultait des dispositions de
l’article
L 199 du LPF que le litige porté devant le tribunal est déterminé par le contenu de la réclamation contentieuse adressée au directeur ;
– d’où il suivait que la juridiction appelée à statuer sur la validité de la décision
intervenue sur cette demande ne peut dès lors accueillir un moyen de droit nouveau qui n’a pas été soumis à l’administration.
Désormais, aux termes de
l’article
L 199 C du LPF, le redevable est admis à se prévaloir devant le juge de tout moyen nouveau (de droit ou de fait).
Ainsi, après avoir contesté le bien-fondé des droits réclamés, le contribuable peut étendre le
litige à l’examen de la régularité de la procédure d’imposition ou encore invoquer la prescription de l’action du service.
En revanche, demeure le principe selon lequel les exceptions de procédure
(C. proc. Civ., art. 73), bien que constituant des moyens, « doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et
avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir » (C. proc. Civ, art. 74). Cette règle affecte en particulier l’exception
d’incompétence (cf. BOI-CTX-JUD-10-40-10) ; quant à l’exception de nullité pour vice de forme des actes de procédure civile, elle doit être invoquée au fur et à mesure de
leur accomplissement (C. proc. Civ., art. 112 ; cf. BOI-CTX-JUD-10-40-10).
La jurisprudence précitée conserve donc toute sa portée pour ce qui concerne les conclusions
du réclamant au sens de l’article R* 197-3 du LPF, c’est-à-dire l’objet réel et la portée exacte de la demande.
40
La faculté offerte au contribuable ne vaut que « dans la limite du dégrèvement ou de
la restitution sollicités », c’est-à-dire que les conclusions du réclamant demeurent intangibles.
Ainsi, après une réclamation préalable contestant uniquement le principe de l’application de
pénalités, un contribuable n’est pas autorisé à demander, en cours d’instance, le dégrèvement des droits en principal.
50
En revanche, pour établir que les pénalités ne sont pas exigibles (par exemple en se fondant
sur l’existence d’une mention exonératoire, telle que prévue à l’article 1727 II-2 du CGI) il est permis au redevable de plaider
pour la première fois devant le tribunal que les droits en principal, bien que définitivement acquis au Trésor sous réserve de la mise en œuvre de
l’article
R* 211-1 du LPF (dégrèvement d’office), en l’absence de réclamation formulée de ce chef dans le délai légal, n’étaient en réalité pas dus et que par voie de conséquence, il ne saurait lui être
réclamé une pénalité.
De même, le contribuable n’est pas fondé à demander en cours d’instance la décharge de la
totalité des droits, s’il n’en a contesté qu’une partie dans le cadre de sa réclamation.
60
Ces mesures ne concernent que les instances suivies devant les tribunaux de grande instance et
la cour d’appel et non celles introduites devant la Cour de cassation.
En cas de renvoi après arrêt de cassation, c’est la même instance qui se poursuit devant la
juridiction de renvoi (rapproch. C. proc. Civ., art. 625
et 631 ;
Cass. com., 31 janvier 1989). En sorte que
les moyens nouveaux sont également recevables à ce stade de la procédure, remarque étant faite que la circonstance qu’un moyen a été repoussé pour cause de nouveauté par la Cour de cassation est sans
influence sur son admission en renvoi dès lors que les principes qui gouvernent l’instance devant la cour suprême sont, à cet égard, fondamentalement différents. Ainsi, les parties sont, notamment,
autorisées à faire état de nouveaux faits ou encore de nouvelles preuves de faits antérieurement débattus.
70
Un moyen nouveau peut être soulevé par une partie jusqu’à la clôture de l’instruction (cf.
ci-après n° 220).
En matière fiscale, l’ordonnance de clôture prévue à
l’article 782 du C. proc. Civ. n’interdit pas aux parties de solliciter du tribunal, seul compétent pour les accorder, les
délais nécessaires pour présenter leur défense
(Cass. com., 13 juin 1984). Sous réserve
que les juges aient donné leur accord, un moyen nouveau est donc recevable, quand bien même il serait invoqué après l’ordonnance de clôture (cf. également ci-après
n° 220).
2. Mémoire en défense du directeur
a. Rédaction du mémoire
80
Les mémoires en défense de l’administration -ainsi d’ailleurs que, le cas échéant, les
mémoires en réplique (cf. ci-après n° 110)- sont établis par l’administration, représentée par le directeur compétent -territorial ou spécialisé- qui
élit domicile en ses bureaux.
La loi fiscale ne précise pas dans quelle forme les mémoires doivent être rédigés.
Néanmoins, on indiquera que, d’une manière générale, les mémoires à produire dans les affaires
suivies selon la procédure spéciale doivent, indépendamment de l’en-tête et du sommaire, comporter pour l’essentiel l’analyse des faits, l’argumentation de la partie adverse, l’énoncé de la
législation et des principes applicables, la citation de la jurisprudence rendue sur le sujet, l’application des règles et des principes à l’espèce, la réfutation des moyens invoqués, enfin les
conclusions.
Dans les affaires où une ou plusieurs exceptions sont à faire valoir en premier lieu, il
convient, en règle générale, de discuter le fond à titre subsidiaire.
En revanche, lorsque la demande en justice est irrecevable du fait, par exemple, de
l’incompétence totale du tribunal saisi, de la forclusion, du défaut de réclamation préalable, ou encore, lorsqu’elle échappe à la compétence de la direction générale des finances publiques, le
directeur doit se borner à établir un mémoire sommaire constatant l’irrecevabilité de l’assignation ou l’incompétence des services des Finances publiques.
Il en est de même lorsque la réclamation préalable a été présentée hors délai ou était
entachée d’un vice de forme non susceptible d’être couvert devant le tribunal (cf. BOI-CTX-JUD-10-20-30).
b. Approbation éventuelle de la Direction générale
90
Les mémoires produits devant le tribunal de grande instance sont, en principe, dispensés de
l’approbation de la Direction générale. Toutefois, il est toujours possible aux directeurs de saisir la Direction générale, par voie de demandes d’instruction, des difficultés qu’ils pourraient
rencontrer tant sur le fond du droit que sur la procédure.
S’agissant des projets de mémoires relatifs à des affaires de recouvrement, cf. série
Recouvrement (BOI-REC)..
c. Présentation matérielle du mémoire
100
Après renvoi, le cas échéant, par la Direction générale (cf. ci-dessus n° 90), le mémoire en
défense est rédigé sur papier non timbré.
Il doit être daté et signé par le directeur, sauf à déléguer sa signature à un directeur
assistant, et revêtu du cachet d’authenticité.
Le mémoire en défense est ensuite signifié à la partie adverse par ministère d’huissier (cf.
ci-dessous n° 140).
3. Mémoire en réplique du réclamant et de l’administration
110
Le contribuable peut s’abstenir de répondre au mémoire en défense du directeur. En effet, une
assignation contenant des motifs auxquels l’administration a régulièrement répondu, vaut mémoire, et il importe peu que le redevable use ou non de la faculté de donner dans un mémoire ultérieur plus
de développements aux moyens qu’énonce son assignation
(Cass. com., 21 janvier 1969, RJ, 2e partie, p.
16).
S’il l’estime au contraire nécessaire, le contribuable produit un mémoire en réplique.
De son côté, le directeur peut ne pas répondre lorsque le mémoire en réplique produit par le
contribuable ne présente aucun argument nouveau. Dans le cas contraire, il établit à son tour un mémoire en réplique contenant des éléments de réponse et confirmant ou modifiant, s’il y a lieu, les
conclusions du premier mémoire en défense.
Remarque : En pareil cas, des délais supplémentaires doivent être sollicités du
tribunal, faute de quoi l’affaire est en état d’être jugée (cf. ci-dessous D I et suiv.).
120
A défaut d’avoir été repris dans les dernières conclusions, les prétentions et moyens invoqués
dans les précédentes écritures seront réputés avoir été abandonnés par l’auteur de ces conclusions.
En outre, les articles
753 et 954 du C. proc. Civ. font obligation au juge de ne statuer que sur les dernières
conclusions déposées.
Mais, pour autant, les conclusions antérieures ne sont pas annulées. Ainsi,
une partie qui aurait omis de soulever, « in limine litis » c’est à dire dès le commencement du procès et avant toute défense au fond, une exception de procédure dans ses premières
conclusions ne saurait-elle être admise à la présenter dans ses dernières conclusions.
La sanction de la non-récapitulation par la présomption d’abandon est certes atténuée par les
dispositions des articles 761 et 765 du C. proc. Civ.
qui permettent respectivement au président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ou au juge (ou conseiller) de la mise en état d’inviter les parties à mettre leurs conclusions en
conformité avec les dispositions de l’article 753 du C. proc. Civ.
Mais, comme cela a été souligné supra pour l’exposé des moyens et l’énumération des pièces, il
ne s’agit que d’une faculté.
Remarques :
– Par « dernières conclusions », il convient d’entendre les conclusions qui
se substitueront à celles qui les auraient précédées.
Or, il est rappelé qu’en matière de droits d’enregistrement et de taxes assimilées, l’ordonnance
de clôture qui, comme en droit commun, doit être prononcée par le juge (ou le conseiller) de la mise en état, n’est cependant opposable ni à l’administration ni au contribuable dès lors qu’il résulte
de l’article R* 202-2 du LPF que les parties ont la faculté de demander au tribunal (ou à la cour d’appel) des délais
pour présenter leur défense et que celui-ci (ou celle-ci) est seul compétent pour les accorder ou les refuser. La clôture de l’instruction est ainsi reportée à la mise en délibéré de l’affaire.
Il est donc quasiment impossible de déterminer avec certitude quelles seront les dernières
conclusions en date et, partant, à quel moment il conviendra d’établir les conclusions récapitulatives, étant observé que la même difficulté peut se rencontrer, en droit commun, dans l’hypothèse où
une partie conclurait le jour de la clôture de l’instruction.
Il sera donc prudent de reprendre les prétentions et moyens dès le deuxième jeu
de conclusions.
– Par ailleurs, la « reprise », dans les dernières conclusions, des prétentions
et moyens précédents ne saurait s’entendre d’une compilation, addition matérielle des prétentions et moyens précédents (ou « coupé-collé ») voire d’une simple reprise matérielle par le procédé de la
photocopie. Seule une synthèse, impliquant une réécriture des conclusions apparaît concevable. Pratiquement, cette synthèse pourra consister à intégrer les nouveaux moyens ou prétentions aux
développements contenus dans les précédentes conclusions, à condition, bien entendu, de veiller à la cohérence de l’ensemble.
Il est donc impératif de ne pas attendre le dernier moment pour établir ces dernières
conclusions.
130
Le nombre de mémoires en réplique que l’administration ou la partie adverse peuvent produire
n’est, bien entendu, pas limité, à condition toutefois d’être utiles au soutien de la cause.
Chacune des parties peut former des demandes additionnelles, dans la mesure où ces dernières
sont intimement liées à la demande originaire et n’en constituent que le développement (cf. BOI-CTX-JUD-10-40-40).
Elles peuvent également former des demandes reconventionnelles à la condition que la demande
concerne le même objet que la demande originaire (cf. BOI-CTX-JUD-10-40-40).
À l’inverse, l’administration et le redevable peuvent, dans leurs mémoires, renoncer à une
partie des prétentions qu’ils avaient exprimées dans la réclamation ou l’assignation.
Les parties sont seules juges des développements qu’elles entendent donner à leur défense
pourvu que les explications soient nécessaires à la solution du litige. Elles doivent simplement énumérer dans un bordereau annexé aux conclusions les pièces produites au tribunal.
Les mémoires sont rédigés sur papier non timbré, datés et signés (cf. ci-dessus
n° 100).
En ce qui concerne plus particulièrement les mémoires de l’administration, ils sont, le cas
échéant, soumis à l’approbation de la Direction générale (cf. ci-dessus n° 90) et dans tous les cas présentés suivant les formes prévues pour
l’établissement du mémoire en défense du directeur (cf. ci-dessus n° 100).
Les mémoires en réplique sont, ensuite, respectivement signifiés à la partie adverse par
ministère d’huissier (cf. ci-dessous n° 140).
B. Signification des mémoires
140
En vertu de
l’article R* 202-2 du LPF, les mémoires doivent être respectivement signifiés.
La signification des mémoires a pour objet de faire connaître à chaque partie les moyens de
défense de son adversaire et de la mettre à même de réfuter l’argumentation invoquée.
L’inobservation de cette formalité entraîne la nullité du jugement, à moins, bien entendu, que
ce dernier ne tienne aucun compte des mémoires non signifiés (Cass. civ., 16 juin 1925, Instr. Enreg., n° 3896, § 7).
Par ailleurs, si la violation de
l’article R* 202-2 du LPF pour défaut de signification des mémoires pris en compte par le jugement est en principe
susceptible d’entraîner l’annulation de celui-ci, la Cour de cassation retient cependant qu’un tel moyen est irrecevable lorsqu’il apparaît que, devant le tribunal, l’administration « n’a pas
sollicité de délai pour répondre aux moyens et arguments du demandeur, ni invoqué le défaut de signification par huissier de justice des conclusions déposées »
[Cass. com., 17 mai 1983].
Remarque : Dans des circonstances semblables, il convient de solliciter du
tribunal des délais afin de pouvoir répliquer aux mémoires adverses non signifiés, tout en demandant au préalable au juge de ne pas tenir compte de ceux-ci.
En raison du caractère contradictoire de la procédure d’instruction, aucune observation ou
réfutation ne doit être portée en marge des mémoires après leur signification. La Cour de cassation a ainsi annulé un jugement rendu, au vu d’annotations non signifiées, inscrites par l’une des
parties en marge du mémoire de la partie adverse et en réponse aux passages correspondants de ce mémoire, bien que ces annotations aient été inscrites au crayon et n’aient pas été signées (Cass. civ.,
23 mars 1887, Instr. Enreg., n° 2737, § 4).
150
Le directeur territorial comme le directeur d’un service spécialisé peuvent, chacun en ce qui
le concerne, faire signifier au contribuable les mémoires relatifs aux instances qui font suite à leurs décisions respectives sur réclamation préalable.
160
La signification est faite par huissier de justice (rapprocher de l’assignation
BOI-CTX-JUD-10-20-30) et normalement à personne, conformément à l’article 654 du C. proc. Civ.
Quand le contribuable est une personne morale, la signification est faite à personne lorsque
l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.
Si la signification à personne est impossible, l’acte peut être délivré, soit à domicile, soit
à défaut de domicile connu, à résidence, suivant les conditions prévues aux
articles
655 à 658 du C.proc. Civ.
Si, exceptionnellement, le destinataire est parti sans laisser d’adresse, cf.
C. proc. Civ., art. 659.
Cependant, lorsque le contribuable a constitué avocat, cette constitution emporte élection
de domicile chez cet avocat et la signification du mémoire peut y être faite.
Dans tous les cas, la signification doit être valable. À défaut, il y aurait vice de
procédure.
À cet égard, a été considérée comme régulière la signification d’un mémoire faite sous son
ancienne dénomination à une société en nom collectif transformée en société en commandite simple, dès lors qu’il n’a pu y avoir de doute sur l’identité de l’être moral et que la signification à
laquelle il a été procédé n’a causé aucun préjudice aux intérêts de la défense (Cass. civ., 29 janvier 1952, BOED, I-6368).
170
En présence d’une pluralité de contribuables -par exemple, en matière d’enregistrement, en
cas d’instance concernant une succession- une copie distincte du mémoire doit être signifiée à chacune des parties ayant assigné l’administration.
180
Enfin, en application de
l‘article 459 du C. proc. Civ., l’omission dans le
jugement de la mention relatant la signification des mémoires ne constitue pas une cause de nullité dès lors qu’il résulte des pièces produites que les mémoires ont été signifiés et qu’ainsi les
formalités prescrites par l’article 1947 de l’ancien CGI (actuellement, LPF, art. R*
202-2) ont été en fait observées (Cass. civ., 19 janvier 1960, BOED, I-8181 ;
Cass.
com.,
1er mars 1961, BOED, I-8352 ; Cass. com., 9
mars 1971, RJ, n° IV, p. 49).
C. Dépôt des mémoires
190
Les mémoires (original) doivent être déposés au greffe pour être versés au débat.
Ils sont accompagnés des actes de signification correspondants (second original) ainsi que
des pièces annexes énumérées en fin de mémoire (cf. § 330 ci-dessous).
Le greffe délivre un récépissé de dépôt.
D. Affaire en état – Renvoi à l’audience
1. Rôle du juge de la mise en état
200
L’échange des mémoires se fait sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle
l’affaire a été distribuée dénommé le juge de la mise en état (C. proc. Civ., art. 763).
Il accorde, le cas échéant, à l’audience de fixation, les délais nécessaires pour la
rédaction et la signification des mémoires (cf. § 270 ci-dessous ).
Lorsqu’il estime que l’échange des mémoires a mis l’affaire en état de recevoir jugement, il
fixe une date d’audience au cours de laquelle des explications orales pourront éventuellement être présentées (cf. § 370 ci-dessous ).
210
Quoi qu’il en soit, l’affaire est en état d’être jugée dès la signification du mémoire en
réponse de l’administration à l’exploit d’assignation du redevable si aucun délai n’est sollicité du tribunal pour répliquer ou pour produire des explications orales [jurisprudence constante, cf.
Cass. com., 16 juin 1975, (deux espèces),
RJ, n° IV, p. 32 et 34].
220
L’ordonnance de clôture de l’instruction
(art. 782 du C. proc. Civ.) doit intervenir en matière fiscale comme en toute autre (rappr.
Com., 13 juin 1984, Bull. IV, n° 194 ;
Com., 15 octobre 1985, Bull. IV, n° 238),
mais ses effets sur la production des conclusions et la communication des pièces sont, dans le cadre de la procédure spéciale, très largement atténués par les dispositions de l’article R* 202-2 du
LPF.
Par ailleurs, la Cour de cassation a décidé que la clôture de l’instruction, au sens de
l’article L. 199 C du LPF, est constituée par la mise en délibéré de l’affaire
(Com., 9 mai 1990, Bull. IV, n° 140).
Il résulte de la combinaison des deux textes précités -qui rendent sans objet les
dispositions des articles 783 et 784 du C. proc.
Civ.– que l’ordonnance de clôture ne fait pas obstacle à la recevabilité des conclusions échangées et des pièces communiquées après son prononcé, sans qu’il soit besoin ni de
révoquer cette ordonnance, ni d’invoquer une cause grave (Com., 15 octobre 1985 précité).
Toutefois, l’article R* 202-2 du LPF fait obligation aux parties de solliciter les délais
nécessaires à la présentation de leurs observations. La juridiction n’est ainsi nullement tenue d’accorder d’office de tels délais (Com., 16 juin 1975, précité ;
Com., 21 janvier 1997, Bull. IV, n° 22).
Ainsi, la Cour de cassation a jugé que, lorsque le mémoire de l’administration a été signifié après l’ordonnance de clôture, le moyen tiré de la violation des droits de la défense est inopérant, dès
lors que le contribuable n’a pas demandé au tribunal des délais pour préparer sa défense
(Com. 27 janvier 1998, n° 284 D).
L’ordonnance de clôture a enfin pour effet de renvoyer l’affaire à l’audience.
230
Le juge de la mise en état est par ailleurs compétent pour connaître des exceptions de
procédure (C. proc. Civ., art. 771).
2. Recours contre les ordonnances du juge de la mise en état
240
Corrélativement, l’article 17 du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 procède à
l’aménagement des voies de recours contre les ordonnances de ce juge (ou conseiller) ne sont pas susceptibles de contredit (voie de recours ouverte contre les décisions du tribunal ou de la cour
d’appel statuant sur une exception d’incompétence).
250
En revanche, la décision du juge de la mise en état pourra faire l’objet d’un appel dans les
15 jours de la signification de l’ordonnance statuant sur une exception d’incompétence, de litispendance ou de connexité.
Lorsqu’une telle ordonnance sera rendue par le conseiller de la mise en état, c’est la
procédure du déféré de l’article 914 du C. proc. Civ. (complété en ce sens par l’article 28 du décret n°98-1231 du 28 décembre
1998) qui sera utilisée.
Cependant, les dispositions de
l’article 775 du C. proc. Civ. aux termes desquelles « les ordonnances du juge [ou du conseiller] de la mise en état n’ayant
pas, au principal, autorité de la chose jugée » n’ont pas été modifiées par le décret du 28/12/1998. Il est donc possible de saisir le tribunal (ou la cour), de la même exception que celle soumise au
juge (ou au conseiller) de la mise en état.
De la combinaison de ces dispositions dans l’hypothèse où une exception d’incompétence est
soulevée, résulte la co-existence de deux procédures distinctes :
|
Nature de la décision |
Voie de recours |
Délai |
Point de départ du délai |
|---|---|---|---|
|
Ordonnance du JME |
Appel (1) |
15 jours |
Signification de la décision |
|
Jugement du tribunal |
Contredit (2) |
15 jours |
Prononcé de la décision |
(1) sans possibilité pour la cour d’appel d’évoquer le fond
(2) avec possibilité d’évocation
260
Enfin, l’article 19 du décret généralise la pratique de la dénonciation en prévoyant que
l’ordonnance du juge (ou du conseiller) de la mise en état – par laquelle celui-ci refuse, à la demande d’une partie, le renvoi au tribunal (ou à la cour d’appel) en cas de carence de la partie
adverse dans l’accomplissement d’un acte de procédure – est notifiée à la partie défaillante.
II. Délais
270
Aux termes de
l’article R* 202-2 du LPF, le tribunal accorde aux parties ou aux agents de l’administration les délais nécessaires
pour produire leur défense.
280
Ces délais peuvent être accordés soit d’office, soit sur demande au tribunal par voie de
remise, lors de l’audience de fixation ; il en va particulièrement ainsi lorsque l’administration désire répondre à un mémoire en réplique du contribuable, ou lorsque de son côté, ce dernier estime
utile de répliquer au mémoire en défense ou en réplique du directeur. L’administration comme le redevable peuvent également, le cas échéant, solliciter un délai supplémentaire pour produire des
explications orales (cf. § 370).
À défaut de demande de délais supplémentaires pour présenter des moyens de défense,
l’affaire pourrait être considérée comme en état d’être jugée (Cass. com., 16 juin 1975, RJ, n° IV, p. 32) [cf. § 210 ].
290
La demande de délais supplémentaires doit, bien entendu, avoir essentiellement pour but de
permettre au demandeur de répondre aux arguments invoqués par la partie adverse et ne doit pas constituer un moyen dilatoire. C’est pourquoi les tribunaux peuvent refuser d’accorder de nouveaux délais
lorsqu’ils estiment que les parties ont disposé d’un temps suffisant pour présenter leurs arguments.
300
L’administration comme le contribuable sont tenus de déposer leurs mémoires dans le délai
fixé par le tribunal. Toutefois, l’expiration des délais ne constitue pas une forclusion rendant irrecevable le mémoire signifié hors délai. L’inobservation des délais impartis permet tout au plus au
tribunal de statuer sur les seuls éléments en sa possession.
310
Quoi qu’il en soit, les mémoires produits dans les litiges relevant de la procédure spéciale
sont recevables dès l’instant où ils ont été signifiés avant l’audience.
320
Enfin, l’ordonnance de clôture de l’instruction devant le tribunal de grande instance,
n’interdit pas aux parties de solliciter du tribunal, seul compétent pour les accorder, les délais nécessaires pour présenter leur défense
(Cass. com., 13 juin 1984).
De même, elle ne fait pas obstacle à la recevabilité des conclusions échangées et des pièces
communiquées après son prononcé, sans qu’il soit besoin ni de révoquer cette ordonnance, ni d’invoquer une cause grave
(Com., 15 octobre 1985, Bull. IV, n° 238).
Mais les parties doivent solliciter les délais nécessaires à la présentation de leurs observations.
III. Production des pièces
A. Mode de production
330
En raison du caractère contradictoire de la procédure, le contribuable comme le directeur
doivent, chacun de leur côté, prendre connaissance de tous les documents et pièces versés par la partie adverse au dossier du litige.
La partie qui fait état d’une pièce s’oblige en conséquence à la communiquer à toute autre
partie à l’instance, la communication devant être spontanée. Cependant, la signification des pièces produites à l’appui des mémoires n’est pas obligatoire si ces pièces ont été portées à la
connaissance de la partie adverse par leur mention dans les mémoires et par leur dépôt au greffe.
À cet égard, l’administration satisfait suffisamment aux prescriptions de la loi en déposant
au greffe des copies certifiées des pièces invoquées, lorsque notamment des raisons d’ordre public s’opposent au déplacement des pièces elles-mêmes.
Pratiquement, les pièces ou extraits sont communiqués en copies certifiées conformes ou
photocopies. Le dossier d’instance est annoté en conséquence.
340
Les pièces à produire sont, en règle générale, celles employées contre la partie adverse. La
production de pièces qui, de par leur nature, ne sont pas susceptibles d’être utilisées contre la partie adverse – pièces visées ou mentionnées incidemment – est, en principe, inutile.
350
Les pièces doivent, bien entendu, être produites en temps opportun.
B. Défaut de production
360
Les parties qui ne produisent pas les pièces invoquées à l’appui de leur demande ou de leur
défense ne peuvent valablement s’en prévaloir.
De son côté, le tribunal ne peut fonder son jugement, sous peine de nullité, sur des
documents non communiqués.
Une partie peut d’ailleurs demander au juge, sous forme spéciale, d’enjoindre cette
communication à la partie adverse.
Remarque : De la même manière, une partie peut demander au juge d’ordonner la
production d’un acte ou d’une pièce détenu par un tiers (C. proc. Civ., art. 138 et suiv.).
En pareil cas, le juge fixe le délai, au besoin sous astreinte, et les modalités de la
communication ; il peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile
(C.proc.
Civ., art.
133
et
suiv.).
Remarque : à défaut d’énonciation dans la décision faisant apparaître
qu’elles n’ont été produites qu’au cours du délibéré (Cass. com., 25 février 1983, Bull. civ. III, n° 121), les pièces sur lesquelles le juge s’est fondé et dont la production n’a donné lieu à aucune
contestation devant lui, sont présumées avoir été régulièrement versées aux débats et soumises à la libre discussion des parties
(Cass. civ., 5 juillet 1978, Gaz. Pal. 1979, I,
43). Il convient donc, si une partie produit des pièces tardivement, de soulever l’incident de communication des pièces
(C.
proc. Civ., art. 132 à 135).
IV. Explications orales
370
Les contribuables comme l’administration peuvent présenter à l’audience des explications
orales (LPF, art. R* 202-2).
Il s’agit là d’une simple faculté. Par suite, si le jugement ne mentionne pas l’existence
d’observations orales, il doit être présumé que les parties ont renoncé à cette faculté
(Cass. com., 8 juillet 1975, RJ, n° IV, p.
43) et ce fait n’est pas de nature à vicier la procédure.
380
Les explications orales ont pour but de permettre aux parties de préciser ou de compléter,
en cas de besoin, les arguments qu’elles ont exposés dans leurs mémoires écrits.
Les redevables et l’administration doivent donc se borner à développer les moyens indiqués
dans les mémoires signifiés.
390
Les contribuables ont le droit de présenter les explications orales qui paraissent utiles à
leur demande ou à leur défense, soit par eux-mêmes, soit par le ministère d’un avocat inscrit au tableau (LPF, art. R*
202-2).
400
Quant à l’administration, elle présente normalement ses explications orales par
l’intermédiaire d’un de ses agents. Elle ne fait qu’exceptionnellement appel à un avocat.
410
Enfin, il est fait observer que les parties ne peuvent valablement, en raison du caractère
essentiellement écrit de l’instruction, demander la nullité du jugement au motif qu’elles n’ont pas été convoquées à l’audience à laquelle l’affaire a été appelée et qu’elles ont été, par suite, dans
l’impossibilité de présenter des explications orales.
V. Assistance des avocats
420
Dans les instances soumises aux règles de la procédure spéciale (cf.
BOI-CTX-JUD-10), les parties ne sont pas obligées d’employer le ministère des avocats (LPF, art. R* 202-2).
Toutefois, il ne leur est pas interdit d’y avoir recours.
Les redevables, parties au litige, s’adressent ainsi, d’une manière générale, à des avocats
pour la rédaction de leurs mémoires et, le cas échéant, pour la présentation des explications orales au moment du jugement.
En outre, il est rappelé que l’administration n’a recours à leur ministère
qu’exceptionnellement.
430
En tout état de cause, l’intervention des avocats dans la procédure spéciale visée aux
articles
R* 202-1 et suivants du LPF ne constitue pas une cause de nullité du jugement
[Cass. com., 9 mars 1971,, RJ, n° IV, p.
49].
Remarque : Cet arrêt a été rendu avant la fusion des professions d’avocat et
d’avoué.