Décision n° 66-30 DC du 8 juillet 1966

Par une décision en date du 4 juillet 1966, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution d’une loi organique modifiant la composition du Sénat. Le législateur entendait augmenter le nombre de sénateurs suite à une réorganisation administrative de la région parisienne, qui avait conduit à la création de nouveaux départements. Saisi par le Premier ministre sur le fondement des articles 46 et 61 de la Constitution, le Conseil devait examiner la régularité de ce texte avant sa promulgation, conformément à la procédure obligatoire applicable aux lois organiques. La question de droit soumise à son appréciation était de savoir si une loi organique, dont l’objet est d’ajuster la représentation sénatoriale pour tenir compte de la création de nouvelles collectivités territoriales, respecte les dispositions constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel a répondu par l’affirmative, en déclarant le texte conforme à la Constitution. Cette décision, bien que concise, met en lumière le rôle du Conseil comme gardien de la procédure législative et de l’équilibre institutionnel.

Il convient ainsi d’analyser la validation par le juge constitutionnel d’une adaptation nécessaire de la représentation sénatoriale (I), avant d’étudier la portée d’un contrôle qui, sous une forme minimaliste, consacre un principe essentiel de l’organisation républicaine (II).

I. La validation d’une adaptation de la représentation sénatoriale

La décision du Conseil constitutionnel s’attache à vérifier que l’augmentation du nombre de sénateurs s’inscrit dans le respect des formes constitutionnelles (A) et qu’elle répond à une nécessité née de l’évolution de l’organisation territoriale (B).

A. Le respect du cadre constitutionnel des lois organiques

Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle strict sur la procédure d’adoption des lois organiques, lesquelles définissent les modalités d’organisation des pouvoirs publics. En l’espèce, sa décision rappelle implicitement que la composition du Sénat est une matière relevant du domaine de la loi organique, en application de l’article 25 de la Constitution. Le juge vérifie ensuite que la procédure spécifique prévue à l’article 46 a bien été suivie par le Parlement. Le second considérant de la décision atteste de cette démarche en précisant que le texte a été « pris dans la forme exigée par l’article 25, premier alinéa, de la Constitution et dans le respect de la procédure prévue à l’article 46 ». Cette mention formelle démontre que la première fonction du contrôle exercé est de s’assurer que les règles de forme, qui constituent une garantie essentielle dans l’équilibre des pouvoirs, n’ont pas été méconnues. La saisine préventive et obligatoire par le Premier ministre, conformément à l’article 61, alinéa premier, de la Constitution, s’inscrit dans cette logique de sécurisation juridique des normes les plus importantes de l’ordonnancement juridique après la Constitution elle-même.

B. La consécration d’une modification législative nécessaire

Au-delà du seul contrôle de procédure, le Conseil valide le fondement même de la loi organique. Son premier considérant expose clairement la finalité du texte : il s’agit de « porter de 255 à 264 le nombre des sièges de sénateurs » afin de « permettre ainsi d’attribuer ces sièges supplémentaires aux collectivités territoriales que constitueront les nouveaux départements issus du récent découpage de la région parisienne ». La loi ne fait que tirer les conséquences d’une réforme administrative antérieure qui, sans cet ajustement, aurait créé une rupture d’égalité dans la représentation des territoires au Sénat. Le Conseil constitutionnel, en validant ce texte, reconnaît implicitement la nécessité pour le législateur d’adapter la composition de la Haute Assemblée afin qu’elle continue de remplir sa mission constitutionnelle d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République. La modification n’est donc pas le fruit d’une manœuvre politique, mais bien une mesure technique indispensable au bon fonctionnement des institutions.

II. La portée d’un contrôle de constitutionnalité formel

L’analyse de la décision révèle un contrôle qui apparaît minimaliste dans sa motivation (A), mais qui n’en affirme pas moins un principe fondamental relatif à la juste représentation des territoires (B).

A. Un contrôle minimaliste sur l’opportunité de la loi

La motivation de la décision est particulièrement sobre, se bornant à affirmer que le texte « n’est contraire à aucune disposition de la Constitution ». Le Conseil ne développe aucun argument de fond pour justifier sa position et n’entre pas dans une discussion sur l’opportunité du nombre de sièges créés ou sur les modalités de leur répartition. Cette approche, caractéristique des premières années d’exercice du Conseil constitutionnel, témoigne d’une conception stricte de sa mission. Il se positionne comme un juge de la régularité constitutionnelle, et non comme un arbitre des choix politiques du législateur. En l’absence de violation manifeste d’une règle ou d’un principe constitutionnel, le Conseil s’abstient de substituer sa propre appréciation à celle du Parlement, souverain dans l’exercice du pouvoir législatif. Cette retenue illustre une forme d’autolimitation, où le juge constitutionnel se refuse à censurer une loi pour des motifs d’opportunité, dès lors que les formes et les principes fondamentaux sont saufs.

B. L’affirmation du principe d’une représentation équitable des territoires

Malgré son apparente simplicité, la décision revêt une portée significative en ce qu’elle consolide le principe de l’adaptation de la représentation parlementaire à l’évolution démographique et administrative du pays. En déclarant la loi conforme à la Constitution, le Conseil légitime le processus par lequel le législateur ajuste périodiquement la carte électorale sénatoriale pour garantir que le Sénat demeure bien, selon les termes de l’article 24 de la Constitution, le représentant des collectivités territoriales. Cette décision établit ainsi que la variation du nombre de sénateurs n’est pas, en soi, contraire à la Constitution, à condition qu’elle soit justifiée par des évolutions objectives de l’organisation territoriale. Elle pose ainsi les bases d’une jurisprudence qui permettra, par la suite, de valider d’autres modifications de la composition du Sénat, garantissant la pérennité du lien entre la Haute Assemblée et les territoires qu’elle a pour mission de représenter.

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Hassan KOHEN
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