Décision n° 86-210 DC du 29 juillet 1986

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 86-210 DC du 29 juillet 1986, se prononce sur la conformité d’une loi réformant le régime de la presse. Le texte déféré entend abroger l’ordonnance du 26 août 1944 et la loi du 23 octobre 1984 pour y substituer de nouvelles règles de transparence financière. Des membres du Parlement ont saisi la juridiction constitutionnelle en estimant que ces dispositions réduisaient indûment les garanties nécessaires au pluralisme de la presse. Les auteurs de la saisine soutenaient que la suppression des obligations antérieures sans remplacement adéquat portait atteinte à des objectifs de valeur constitutionnelle. La question posée au juge consistait à déterminer si le législateur peut valablement modifier des protections législatives sans assurer l’effectivité des principes fondamentaux. Le Conseil juge que si le législateur dispose d’un pouvoir d’appréciation, il ne peut cependant « priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ». L’examen des modalités de la transparence financière précédera l’analyse de la sanction prononcée contre l’insuffisance des mesures destinées à garantir le pluralisme.

I. L’affirmation de la liberté d’organisation du législateur en matière de transparence

A. La reconnaissance d’un pouvoir de modification des textes antérieurs Le juge constitutionnel rappelle qu’il est « à tout moment loisible au législateur » de modifier ou d’abroger des textes antérieurs pour adopter de nouvelles modalités. Cette liberté de mouvement s’exerce pleinement dans le cadre du domaine de la loi défini par l’article 34 de la Constitution de 1958. Le législateur peut ainsi supprimer des dispositions qu’il estime excessives ou inutiles pour atteindre les objectifs de nature constitutionnelle qu’il poursuit souverainement. Cette affirmation souligne la compétence du Parlement dans l’appréciation de l’opportunité des réformes nécessaires à l’évolution de la législation sur la presse. Le Conseil s’interdit donc de substituer sa propre appréciation à celle des élus concernant le choix des moyens techniques mis en œuvre pour réformer.

B. Le contrôle restreint sur les modalités de la transparence financière En matière de transparence, le Conseil estime que les nouvelles règles ne sont pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation de la part du législateur. Bien que les dispositions nouvelles soient « moins rigoureuses que les dispositions présentement en vigueur », ce seul fait ne saurait constituer un grief d’inconstitutionnalité. Les articles relatifs à l’identification des propriétaires et aux cessions de droits sociaux fournissent en effet des renseignements essentiels sur les structures des entreprises. Le juge reconnaît ainsi une marge de manœuvre importante au pouvoir législatif dès lors que le noyau dur de l’information du public demeure préservé. La protection de la liberté de la presse impose néanmoins des exigences plus strictes lorsque le pluralisme des courants d’opinion est directement mis en cause.

II. La protection du pluralisme comme exigence constitutionnelle impérative

A. L’élévation du pluralisme au rang d’objectif de valeur constitutionnelle La décision consacre le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale comme un « objectif de valeur constitutionnelle » découlant directement de la Déclaration de 1789. Cette reconnaissance implique que la libre communication des pensées ne serait pas effective sans un nombre suffisant de publications aux tendances et caractères différents. Le lecteur doit être en mesure d’exercer son libre choix sans que les intérêts privés ou les pouvoirs publics n’imposent leurs propres décisions unilatérales. Cette exigence fondamentale vise à préserver la démocratie en empêchant qu’une seule influence ne domine le marché de l’information et des idées politiques. Le pluralisme constitue ainsi le garant indispensable de l’effectivité de la liberté de communication dans une société attachée au respect des droits de l’homme.

B. La sanction de l’insuffisance des garanties légales nouvelles Le Conseil censure l’article fixant le seuil de concentration car il ne tient pas compte des acquisitions réalisées par des entités morales juridiquement distinctes. En abrogeant la législation ancienne sans instaurer de mécanisme efficace de contrôle des groupes, le législateur a privé de « protection légale un principe de valeur constitutionnelle ». Cette décision consacre l’interdiction de réduire les garanties d’une liberté constitutionnelle sans les remplacer par des dispositifs assurant une protection de niveau au moins équivalent. L’abrogation de l’ordonnance de 1944 est déclarée inséparable de cette censure car elle laisserait subsister un vide juridique incompatible avec les principes de la Constitution. La décision marque ainsi une limite nette au pouvoir de défaire ce qui a été construit pour protéger les libertés publiques les plus essentielles.

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Hassan KOHEN
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