Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 19 juin 2025, n°23-20.300

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Rendue par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, le 19 juin 2025, la décision casse un arrêt de la cour d’appel de Pau du 27 juin 2023. Le litige porte sur la prise en charge des pertes d’exploitation consécutives aux mesures administratives liées à la crise sanitaire. L’assurée, exploitant un établissement hôtelier, avait souscrit un contrat multirisque professionnel comportant des garanties dites « en inclusion » et d’autres « en option ».

Au printemps 2020, un arrêté ministériel, puis un arrêté préfectoral, ont restreint l’accueil du public et interdit la location touristique dans plusieurs communes. L’assurée a déclaré un sinistre et sollicité l’indemnisation de la perte de marge brute due à la fermeture administrative. La cour d’appel de Pau a rejeté ses demandes en retenant que la garantie « fermeture administrative » ne figurait pas dans les conditions particulières.

Devant la Cour de cassation, l’assurée soutenait que la clause de pertes d’exploitation, incluant la fermeture administrative, relevait des garanties « en inclusion ». Elle arguait d’une dénaturation des clauses claires par les juges d’appel. La question posée tenait à la frontière entre interprétation et dénaturation, lorsque les conditions générales qualifient certaines garanties d’« incluses » et que les conditions particulières n’en reprennent pas le détail.

La Cour de cassation énonce, d’abord, le principe directeur de son contrôle en rappelant: « Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ». Puis elle souligne que les juges du fond avaient admis que « les conditions générales proposent des “garanties en inclusion”, dont la perte d’exploitation, et des “garanties en option” », avant d’en déduire que « le souscripteur reste libre de ne pas souscrire l’une des garanties incluses ». Censurant ce raisonnement, elle juge: « En statuant ainsi, alors que la garantie des pertes d’exploitation, en ce compris la perte de marge brute due à la fermeture de l’établissement sur décision administrative, fait partie des garanties “en inclusion” et non des garanties optionnelles devant être spécifiquement souscrites par l’assuré, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat ». La cassation est prononcée avec renvoi devant la cour d’appel de Bordeaux.

I. La qualification de dénaturation face à l’économie du contrat d’assurance

A. L’articulation conditions générales/conditions particulières en présence de garanties dites « en inclusion »

Le cœur du litige réside dans la portée juridique de la mention « en inclusion » figurant aux conditions générales. Les juges d’appel ont opéré une lecture distributive où les conditions générales « définissent les garanties que propose l’assureur » et les conditions particulières « indiquent les garanties choisies par l’assuré ». Ils ont alors exigé que chaque garantie, y compris incluse, figure aux conditions particulières, faute de quoi elle serait réputée non souscrite.

La Haute juridiction refuse cette approche lorsque les clauses claires confèrent un effet impératif au label « en inclusion ». Dans une telle économie contractuelle, l’assuré n’a pas à « choisir » ce qui est d’emblée compris dans le socle de base. Exiger une réitération en conditions particulières reviendrait à conditionner l’existence même de l’inclusion à une option supplémentaire, ce qui brouille la structure du contrat. La distinction utile subsiste toutefois pour les garanties « en option », qui doivent être spécifiquement élues.

B. Le contrôle de dénaturation comme censure d’une réécriture du texte clair

La Cour de cassation se place sur son terrain classique du contrôle de dénaturation, rappelé par la formule: « Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ». Ce contrôle est objectif et porte sur la fidélité du juge du fond aux termes « clairs et précis » du contrat. Il ne s’agit pas d’une simple divergence d’interprétation, mais d’une altération du sens évident.

En l’espèce, la mention « en inclusion » visait explicitement la garantie des pertes d’exploitation « en ce compris la perte de marge brute due à la fermeture de l’établissement sur décision administrative ». En subordonnant cette garantie à une mention autonome en conditions particulières, la cour d’appel a modifié la portée normative de l’inclusion. La censure s’imposait dès lors, sans même qu’il soit utile d’examiner les autres griefs du pourvoi, la solution retenue reposant sur une erreur de méthode manifeste.

II. La portée assurantielle et la valeur normative de la solution

A. La sécurisation de la hiérarchie contractuelle au bénéfice de la lisibilité des garanties

La solution renforce la lisibilité des polices combinant un noyau de base et des options. Lorsqu’un libellé classifie une garantie en « inclusion », celle-ci entre dans le champ contractuel sans réitération, sauf exclusion expresse rédigée de manière apparente. La logique d’ensemble préserve la fonction des conditions particulières, lesquelles individualisent les sommes, franchises, et actent l’adhésion aux options, sans priver d’effet le socle inclus.

Cette clarification présente un intérêt pratique dans les contentieux liés aux fermetures administratives. Elle évite que des distinctions rédactionnelles internes au contrat ne conduisent à neutraliser des garanties présentées comme acquises. Elle invite, en outre, à une vigilance accrue sur les clauses d’exclusion et les plafonds, qui restent, eux, d’interprétation stricte et doivent être portés clairement à la connaissance du souscripteur.

B. Une appréciation mesurée: équilibre entre protection du souscripteur et rigueur de rédaction

La décision confirme une ligne jurisprudentielle attachée à la protection de la cohérence contractuelle et, indirectement, du souscripteur. Elle n’instaure pas une extension indéfinie de la couverture, mais sanctionne une contradiction interne consistant à rendre optionnel ce qui est annoncé comme inclus. Cette rigueur préserve l’égalité des parties autour du texte convenu.

La portée dépasse le seul contentieux sanitaire. Elle rappelle aux rédacteurs de polices que les catégories qu’ils instituent emportent des effets juridiques contraignants. Si l’assureur entend réserver ou restreindre une garantie incluse, il lui appartient de le faire par des stipulations explicites, apparentes et compatibles avec le droit des clauses claires. À défaut, comme en témoigne la cassation prononcée, la relecture prétorienne qui viderait l’inclusion de sa substance tomberait sous le grief de dénaturation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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