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La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 3 juillet 2025 une décision de rejet non spécialement motivée dans un litige opposant deux sociétés à responsabilité limitée. Cette décision illustre le mécanisme de filtrage des pourvois instauré par l’article 1014 du code de procédure civile.
Une société avait formé un pourvoi contre un arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d’appel de Paris. Le dossier fut communiqué au procureur général et examiné lors de l’audience publique du 27 mai 2025. La Haute juridiction, après délibération, a estimé que le moyen de cassation invoqué n’était manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Elle a rejeté le pourvoi et condamné la demanderesse aux dépens, tout en refusant de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
La question posée à la Cour de cassation était de déterminer si le moyen soulevé par la demanderesse au pourvoi présentait un caractère sérieux justifiant une décision spécialement motivée. La Cour y répond par la négative en faisant application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, qui l’autorise à rejeter un pourvoi par décision non spécialement motivée lorsque le moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Cette décision invite à s’interroger sur la portée du mécanisme de filtrage des pourvois (I), avant d’en examiner les implications procédurales et les limites (II).
I. Le mécanisme de filtrage des pourvois par la Cour de cassation
A. Le fondement légal du rejet non spécialement motivé
L’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile constitue le fondement de la décision commentée. Ce texte permet à la Cour de cassation de rejeter un pourvoi « par une décision non spécialement motivée » lorsque « le moyen de cassation invoqué est manifestement irrecevable ou n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». La décision du 3 juillet 2025 fait une stricte application de cette disposition en constatant que le moyen soulevé ne présente pas les caractères d’un grief susceptible de prospérer.
Ce mécanisme fut introduit pour permettre à la Haute juridiction de traiter plus efficacement son contentieux. Il répond à une préoccupation de bonne administration de la justice. La Cour de cassation peut ainsi concentrer ses ressources sur les affaires soulevant de véritables questions de droit. Le caractère manifeste de l’absence de sérieux du moyen dispense la Cour d’une motivation développée.
B. L’appréciation du caractère manifeste de l’irrecevabilité ou du défaut de sérieux
La décision commentée retient que le moyen « n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Cette formulation implique une appréciation prima facie du pourvoi. La Cour doit constater, sans ambiguïté possible, que le moyen ne peut aboutir. Il ne s’agit pas d’une analyse approfondie mais d’un examen préliminaire révélant l’évidence de l’échec du pourvoi.
Le conseiller rapporteur, après étude du dossier, propose cette qualification à la formation de jugement. La collégialité demeure préservée puisque la décision est rendue après délibération. L’audience publique du 27 mai 2025 a permis aux parties de faire valoir leurs observations. La procédure contradictoire est respectée, seule la motivation de la décision se trouve allégée.
II. Les implications et les limites de la décision non spécialement motivée
A. L’économie procédurale et ses conséquences pour les parties
Le rejet du pourvoi emporte des conséquences financières pour la demanderesse. Elle est condamnée aux dépens conformément aux règles habituelles. La Cour refuse par ailleurs de faire droit à une éventuelle demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette double condamnation sanctionne l’exercice d’un recours jugé manifestement voué à l’échec.
Pour les praticiens, cette décision rappelle l’importance de l’évaluation préalable des chances de succès d’un pourvoi. L’article 1014 du code de procédure civile incite à une sélection rigoureuse des moyens de cassation. Former un pourvoi sur un moyen sans consistance expose le demandeur à des frais irrécupérables. La décision non spécialement motivée ne préjuge toutefois pas du bien-fondé de la position adoptée par les juges du fond.
B. Les interrogations sur la transparence de la justice
La décision non spécialement motivée soulève des questions relatives au droit à un procès équitable. L’absence de motivation détaillée prive les parties d’une explication sur les raisons précises du rejet. Le justiciable ne sait pas pourquoi son moyen était manifestement dépourvu de sérieux. Cette opacité peut paraître difficilement conciliable avec l’exigence de motivation des décisions de justice.
La Cour européenne des droits de l’homme admet cependant ce type de décision sous certaines conditions. Elle considère que les juridictions suprêmes peuvent se dispenser d’une motivation approfondie lorsqu’elles rejettent un recours manifestement mal fondé. La décision du 3 juillet 2025 s’inscrit dans cette jurisprudence européenne. Elle témoigne de la volonté de concilier efficacité judiciaire et garanties procédurales, même si l’équilibre ainsi trouvé demeure sujet à discussion.