Avocats devant la cour d'assises de Paris : Défense en matière criminelle .
Qu'est-ce que la cour d'assises ?
La cour d’assises est la juridiction pénale spécialement compétente pour juger les infractions criminelles, qui sont sanctionnées par des peines de réclusion criminelle pouvant aller de 15 ans jusqu’à la perpétuité.
La composition de la cour d’assises est unique, associant trois magistrats professionnels – un président assisté de deux assesseurs – et six jurés populaires sélectionnés par tirage au sort à partir des listes électorales. Magistrats et jurés délibèrent ensemble sur les questions de culpabilité et de peine, les décisions devant être adoptées à une majorité qualifiée, soit un minimum de six voix sur neuf pour prononcer une condamnation.
La cour d’assises est compétente pour juger diverses infractions particulièrement graves telles que les meurtres et assassinats, les viols aggravés, les enlèvements et séquestrations, ainsi que les tortures et actes de barbarie. Elle intervient également pour les affaires liées au trafic de stupéfiants en bande organisée, certains vols commis avec arme et violences, et les crimes contre la nation tels que les actes terroristes ou la trahison.
Les procédures devant la cour d’assises se caractérisent par leur oralité, toutes les preuves étant présentées de manière orale par le biais de témoignages ou d’expertises. Les audiences sont généralement publiques, sauf dans des cas exceptionnels de huis clos ordonné par le tribunal. La solennité des débats est marquée par une procédure formelle, les magistrats revêtant des robes rouges. Enfin, les procès devant la cour d’assises peuvent s’étaler sur plusieurs jours en fonction de la complexité des affaires traitées.
Préparation du procès en cour d'assises
La phase d’instruction judiciaire constitue une étape fondamentale de la procédure pénale pour les crimes graves. Elle débute par une mise en examen prononcée par le juge d’instruction après un interrogatoire de première comparution relatif aux faits criminels spécifiques reprochés.
Durant cette phase, le juge d’instruction conduit toutes les investigations nécessaires à l’établissement des faits et à la manifestation de la vérité, telles que des perquisitions, des expertises, des auditions de témoins, des confrontations et des commissions rogatoires. Pendant ce processus, vous pouvez être soumis à une mesure de détention provisoire ou placé sous contrôle judiciaire, et ce durant toute la durée de l’instruction.
Une fois les investigations achevées, le juge d’instruction clôture l’instruction judiciaire par une ordonnance de règlement. Cette ordonnance peut soit renvoyer votre dossier devant la cour d’assises, soit conclure à un non-lieu. En cas d’appel de cette ordonnance, la chambre de l’instruction examine le dossier en profondeur et rend un arrêt de mise en accusation, qui confirme ou infirme votre renvoi devant la cour d’assises.
En préparation de votre défense devant la cour d’assises, nous constituons minutieusement votre dossier de personnalité, regroupant des éléments probants mettant en avant votre parcours personnel, tels que des attestations professionnelles et de soutien, des certificats médicaux, des expertises psychiatriques, des preuves d’insertion sociale et des témoignages attestant de votre moralité.
Nous procédons également à l’identification et à la préparation approfondie des témoins à décharge, qui seront appelés à intervenir lors des débats. Par ailleurs, nous analysons attentivement les différentes expertises techniques réalisées dans votre dossier (médico-légales, psychiatriques, balistiques, ADN), sollicitant, lorsque nécessaire, des contre-expertises pour garantir l’exactitude et l’équité du procès.
Enfin, nous élaborons soigneusement une stratégie de plaidoirie rigoureuse, cohérente et persuasive, spécifiquement adaptée à la sensibilité du jury populaire afin d’optimiser les chances d’obtenir une issue favorable à votre procès.
Déroulement de l'audience devant la cour d'assises
Le tirage au sort du jury se déroule publiquement au début de l’audience afin de désigner les six jurés titulaires, ainsi que les jurés suppléants, qui siégeront tout au long du procès.
Les débats débutent par la lecture solennelle de l’arrêt de renvoi, effectuée par le président de la cour, énonçant ainsi clairement l’acte d’accusation. À la suite de cette lecture, le président procède à un interrogatoire approfondi de l’accusé, abordant son parcours personnel ainsi que les faits précis qui lui sont reprochés.
Les témoins, tant à charge qu’à décharge, sont ensuite auditionnés successivement. Lors de ces auditions, votre avocat dispose de la possibilité d’interroger chaque témoin afin de clarifier les points essentiels et de mettre en évidence des éléments favorables à votre défense. Par ailleurs, les preuves matérielles et techniques du dossier – incluant les expertises, les procès-verbaux et les pièces à conviction – sont présentées et examinées attentivement.
À l’issue de cette phase, l’avocat général, représentant le ministère public, expose son réquisitoire et propose une peine adaptée à la gravité supposée des faits. Les avocats représentant les parties civiles prennent ensuite la parole pour exprimer les demandes des victimes.
La plaidoirie de la défense intervient en dernier lieu, constituant un moment crucial où votre avocat s’attache à convaincre le jury de votre innocence ou, le cas échéant, plaide en faveur d’une sanction plus clémente.
À l’issue des débats, la cour et le jury se retirent pour délibérer. Ils rendent d’abord leur décision quant à votre culpabilité ou votre innocence. En cas de culpabilité, ils délibèrent ensuite sur la peine appropriée à appliquer.
Enfin, le président de la cour annonce publiquement le verdict ainsi que la peine retenue en cas de condamnation, clôturant ainsi officiellement le procès.
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Crimes et peines criminelles en 2023
Les crimes (homicides volontaires, viols et autres crimes sexuels, certains coups et violences volontaires, etc.) représentent une part très limitée des infractions pénales, mais les peines prononcées sont presque toujours des peines privatives de liberté lourdes.
Données issues des tableaux 6 et 17 du fichier Excel “Condamnations en 2023” , publié sur la page officielle du ministère de la Justice .
Ces chiffres donnent un ordre de grandeur national en matière criminelle. Ils ne remplacent pas une analyse individualisée de la situation, de la procédure et des risques encourus devant la cour d’assises ou le tribunal criminel.
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Les dernières actualités.
Par une décision en date du 25 mars 2025, la deuxième section de la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée sur la recevabilité d’une requête introduite par plusieurs ressortissants turcs. En l’espèce, les requérants alléguaient être les descendants de personnes tuées lors d’événements survenus en 1938 et enterrées dans une fosse commune. Ils avaient saisi le procureur de la République d’Erzincan le 9 septembre 2011 afin d’obtenir l’autorisation d’exhumer les corps, de faire procéder à des tests d’identification et de pouvoir inhumer les dépouilles conformément à leurs rites religieux.
Le 28 septembre 2011, le procureur de la République a rendu une décision de non-lieu. Il a qualifié les faits d’homicides volontaires, écartant la qualification de génocide ou de crime contre l’humanité. Par conséquent, il a jugé l’action pénale éteinte en raison de l’expiration du délai de prescription de vingt ans prévu par le code pénal applicable à l’époque des faits. Les requérants ont formé une opposition contre cette décision, arguant que le procureur n’avait pas statué sur leur demande principale d’exhumation. Le 26 octobre 2011, la cour d’assises de Tunceli a confirmé la décision de non-lieu, la jugeant conforme à la procédure et à la loi. Saisie de l’affaire, la Cour européenne des droits de l’homme a été amenée à se demander si des requérants, qui cherchent à obtenir l’exhumation et l’identification de restes de leurs ancêtres pour des motifs religieux et familiaux, ont épuisé les voies de recours internes en ne saisissant que la seule autorité judiciaire pénale.
La Cour a répondu par la négative à cette question. Après avoir requalifié les griefs tirés des articles 6, 9 et 13 de la Convention sous l’angle de l’article 8, elle a déclaré la requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes. Elle a estimé que les requérants n’avaient pas utilisé les recours administratifs et civils qui s’offraient à eux et qui présentaient des chances de succès raisonnables. La décision de la Cour repose ainsi sur une distinction nette entre l’objectif pénal, manifestement prescrit, et l’objectif civil des requérants, pour lequel d’autres voies de droit existaient. Cette approche conduit à écarter l’efficacité de la voie pénale pour la satisfaction des prétentions des requérants (I), tout en affirmant l’exigence de l’épuisement préalable des recours administratifs et civils (II).
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I. L’inefficacité de la voie pénale pour la satisfaction des prétentions des requérants
La Cour européenne des droits de l’homme entérine la position des juridictions internes en considérant que la voie pénale était vouée à l’échec. Ce constat repose d’une part sur la compétence limitée de l’office du procureur face à des faits prescrits (A), et d’autre part sur la nature essentiellement non répressive de la demande des requérants (B).
A. La compétence limitée du ministère public face à une action prescrite
La Cour souligne que l’obligation d’investigation du procureur de la République est conditionnée à la possibilité d’exercer des poursuites. L’article 160 du code de procédure pénale turc impose au procureur d’enquêter lorsqu’il est informé d’une situation susceptible de constituer une infraction. Or, dans le cas présent, les faits remontant à 1938, le procureur les a qualifiés d’homicides volontaires, une infraction soumise à un délai de prescription de vingt ans en vertu du droit applicable à l’époque. Cette prescription étant acquise depuis plusieurs décennies, toute poursuite pénale était impossible.
La Cour en déduit logiquement que l’obligation d’investigation pesant sur le procureur devenait caduque. Elle énonce que « l’article 160 du code de procédure pénale ne semble pas obliger le procureur de la République d’entamer des investigations dans un tel contexte où il ne pourra pas entamer de poursuites ». En l’absence de toute perspective de procès pénal, les mesures d’instruction sollicitées, telles que l’exhumation et l’identification des restes, perdaient leur justification dans ce cadre procédural. La saisine de l’autorité pénale ne pouvait donc aboutir, non pas en raison d’un déni de justice, mais par l’application stricte des règles gouvernant l’action publique.
B. La nature non pénale des demandes d’exhumation et d’identification
La Cour relève ensuite une discordance entre la voie de droit choisie par les requérants et la finalité de leur démarche. Leurs demandes ne visaient pas à l’établissement d’une responsabilité pénale ou à la sanction d’éventuels auteurs. L’objectif était d’exhumer, d’identifier et d’inhumer des restes humains conformément à leurs traditions. La Cour observe à ce titre que « les requérants ne semblent pas avoir demandé l’engagement de la responsabilité pénale d’un/des agents de l’État turc mais uniquement l’exhumation et l’identification des ossements et un ré-enterrement de ceux-ci ».
Cette finalité, qui relève du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention, dépasse largement le champ de la répression pénale. Les prétentions des requérants avaient une nature essentiellement civile ou administrative. En persistant dans la voie pénale après le constat de la prescription, les requérants s’adressaient à une autorité devenue incompétente pour répondre à leurs attentes spécifiques. C’est pourquoi la Cour se tourne vers l’examen des autres recours que les requérants auraient dû, selon elle, mettre en œuvre.
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II. L’exigence de l’épuisement des voies de recours administratives et civiles
La Cour fonde sa décision d’irrecevabilité sur l’existence de recours alternatifs que les requérants ont omis d’exercer. Elle considère que la voie administrative constituait un recours accessible et potentiellement efficace (A), et qu’une procédure civile offrait également une alternative pertinente pour atteindre leur objectif (B).
A. Le recours préalable nécessaire devant les autorités administratives
La Cour reproche aux requérants de ne pas avoir saisi les autorités administratives compétentes, alors même qu’ils avaient fondé leur demande initiale sur la législation pertinente en la matière. En effet, la loi no 1593 sur l’hygiène publique confère expressément aux municipalités le pouvoir d’autoriser l’exhumation de corps et leur inhumation dans un autre lieu. Les requérants ayant eux-mêmes invoqué ce texte, ils ne pouvaient ignorer l’existence de cette voie de droit. Le gouvernement a d’ailleurs produit des documents attestant qu’aucune demande n’avait été adressée à la municipalité ou à la préfecture d’Erzincan.
La Cour estime que cette voie administrative « était clairement celle avec le plus de chances de succès d’atteindre l’objectif des requérants et aurait dû être tentée ». En ne saisissant pas l’autorité administrative directement compétente pour autoriser une exhumation, les requérants ont privé les juridictions nationales de l’opportunité de traiter leur demande dans le cadre légal approprié. L’échec d’une telle démarche administrative, suivi le cas échéant d’un recours devant le juge administratif, aurait alors pu constituer un épuisement valable des voies de recours internes.
B. L’alternative offerte par la procédure civile de recueil de preuves
Outre la voie administrative, la Cour identifie une seconde possibilité dans le droit procédural turc. L’article 400 du code de procédure civile permet à toute partie de solliciter, en amont d’un procès futur, des actes de procédure visant à établir un fait. Cette procédure de constat de preuves aurait pu être utilisée par les requérants pour demander une expertise, une visite sur les lieux ou des analyses ADN, afin d’établir l’identité des restes et préparer une éventuelle action en dommages et intérêts.
Cette voie de recours présentait l’avantage d’être spécifiquement conçue pour la conservation de preuves susceptibles de disparaître avec le temps, une préoccupation centrale dans cette affaire. En ne l’utilisant pas, les requérants se sont privés d’un outil juridique adapté à leur situation. La Cour conclut donc que, faute d’avoir emprunté les voies administrative et civile qui leur étaient ouvertes, « les requérants n’ont pas donné aux juridictions turques l’occasion que l’article 35 de la Convention a pour finalité d’assurer aux États contractants d’éviter ou de redresser les violations qu’ils dénoncent ». La requête est ainsi logiquement rejetée pour défaut d’épuisement des recours internes.
Un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 23 novembre 2023, dans une affaire *Leost contre France*, vient préciser les contours de la liberté d’expression face aux impératifs de la justice. En l’espèce, la directrice de la publication d’un hebdomadaire avait été condamnée pénalement en France pour avoir diffusé une photographie prise au cours d’une audience d’une cour d’assises spécialement composée. Le cliché, représentant des accusés dans leur box lors d’un procès pour des faits de terrorisme, avait été publié dans l’édition papier du magazine ainsi que sur son site internet et son compte sur un réseau social. S’appuyant sur l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui interdit l’emploi de tout appareil d’enregistrement ou de diffusion à l’intérieur des salles d’audience, les juridictions françaises avaient confirmé la condamnation. La cour d’appel de Paris, dans une décision du 10 septembre 2019, puis la Cour de cassation par un arrêt du 8 septembre 2020, ont ainsi retenu la responsabilité de la directrice de publication. Epuisant les voies de recours internes, cette dernière a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, alléguant une violation de son droit à la liberté d’expression tel que garanti par l’article 10 de la Convention. Il était donc demandé aux juges européens de déterminer si une interdiction légale, de nature générale et absolue, de publier des photographies prises lors d’une audience judiciaire, et la condamnation pénale qui en découle, constituent une ingérence disproportionnée dans la liberté de communiquer des informations. La Cour de Strasbourg a conclu à la violation de l’article 10 de la Convention, estimant que si l’ingérence était prévue par la loi et poursuivait des buts légitimes, elle n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ». Elle a jugé que l’interdiction générale et absolue imposée par le droit français, sans permettre une mise en balance avec le droit à l’information du public, était excessive.
La décision de la Cour européenne des droits de l’homme s’articule autour d’une critique de principe envers la rigidité de la loi française (I), ce qui la conduit à imposer une analyse de proportionnalité pour évaluer l’atteinte à la liberté d’expression (II).
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I. La censure d’une prohibition générale et absolue de la captation d’images judiciaires
La Cour européenne ne remet pas en cause les objectifs poursuivis par la législation française mais sanctionne le caractère absolu de l’interdiction qu’elle édicte (A), jugeant cette méthode intrinsèquement incompatible avec les exigences de la liberté d’expression (B).
A. La confrontation du droit à l’information avec les impératifs de la justice
Le droit français, par l’article 38 ter de la loi de 1881, pose une prohibition de principe visant à préserver la sérénité des débats, le droit à l’image des personnes et la présomption d’innocence. Cette règle entend protéger l’acte de juger de toute pression extérieure et garantir la sécurité des acteurs judiciaires. Face à cette disposition, la Cour rappelle que la liberté de la presse constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique. Elle souligne que « l’intérêt du public à recevoir des informations sur les procès criminels d’envergure » est un élément majeur, d’autant plus dans une affaire de terrorisme qui a eu un retentissement national et international.
L’ingérence dans la liberté d’expression de la requérante, matérialisée par sa condamnation pénale, était donc fondée sur une loi visant des objectifs légitimes reconnus par la Convention, tels que la garantie de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire. Cependant, la Cour estime que la légitimité des buts ne saurait justifier n’importe quel moyen. La confrontation entre la norme interne et l’article 10 de la Convention met en lumière une divergence fondamentale d’approche. Là où le législateur français a opté pour une interdiction préventive et systématique, la jurisprudence européenne exige une appréciation au cas par cas.
B. Le caractère disproportionné d’une interdiction de principe
Le cœur du raisonnement des juges de Strasbourg réside dans la critique de la nature « générale et absolue » de l’interdiction française. En effet, la loi de 1881 ne prévoit aucune exception et ne permet pas au juge national de procéder à une mise en balance des intérêts en présence. Le seul fait de publier une photographie prise en audience suffit à caractériser l’infraction, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le contenu de l’image, le contexte de sa publication, sa contribution à un débat d’intérêt public ou le préjudice éventuellement causé.
La Cour considère qu’une telle rigidité est excessive. Elle estime qu’en « interdisant de manière générale et absolue la publication de toute photographie prise lors d’une audience, sans permettre la moindre distinction selon la nature de l’affaire, le contenu de l’image ou son apport à l’information du public », le droit français instaure une restriction qui va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés. Cette approche préventive prive le juge de toute marge d’appréciation et empêche d’examiner si, dans un cas donné, la liberté d’information ne devrait pas primer. C’est cette absence de souplesse qui constitue, pour la Cour, la source de la violation de la Convention.
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II. L’exigence d’une mise en balance proportionnée des intérêts en présence
En condamnant le caractère absolu de la loi, la Cour impose aux autorités nationales une méthode d’analyse fondée sur la proportionnalité, à travers une appréciation concrète de l’ingérence (A), ce qui confère à cette décision une portée significative pour l’évolution du droit interne français (B).
A. L’appréciation in concreto de l’ingérence
Appliquant sa grille d’analyse traditionnelle, la Cour examine si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ». Elle met en balance, d’une part, l’intérêt de la publication pour le débat public et, d’autre part, la protection des droits des accusés et de la bonne administration de la justice. En l’espèce, elle relève que le procès en question était d’un intérêt public majeur et que la photographie, loin d’être sensationnaliste ou dégradante, se contentait de montrer les accusés dans le box, illustrant ainsi le déroulement de l’audience. La publication s’inscrivait dans un traitement journalistique sérieux et documenté.
Par ailleurs, la Cour évalue la sévérité de la sanction infligée à la requérante. Une condamnation pénale, même assortie d’une peine d’amende modérée, est susceptible d’avoir un « effet dissuasif » sur l’exercice de la liberté d’expression par la presse. En l’absence de toute démonstration d’un préjudice concret causé par la publication de cette photographie, la sanction pénale apparaît disproportionnée au regard du but poursuivi. La Cour conclut que les juridictions nationales, contraintes par le caractère absolu de la loi, n’ont pas pu effectuer cette mise en balance, ce qui a directement conduit à la violation de l’article 10.
B. La portée de la solution pour le droit interne français
Cette décision a une portée considérable pour l’ordre juridique français. Elle invite implicitement mais clairement le législateur à réformer l’article 38 ter de la loi de 1881. Si la Cour ne peut abroger une loi nationale, une condamnation pour violation de la Convention exerce une forte pression en faveur d’une modification législative afin de rendre le droit interne compatible avec les exigences européennes. Un simple maintien en l’état de la législation exposerait la France à de futures condamnations pour des faits similaires.
À court terme, les juges nationaux pourraient se trouver dans une situation délicate, tenus d’appliquer une loi dont l’incompatibilité avec la Convention a été constatée. Ils pourraient être tentés d’interpréter la loi à la lumière de la jurisprudence de Strasbourg, bien que la clarté et le caractère absolu du texte laissent peu de place à une interprétation neutralisante. Cet arrêt signale donc probablement la fin d’une exception française en matière de publicité des débats judiciaires. Il contraint à envisager un système plus nuancé, où le principe d’interdiction de la captation d’images pourrait être assorti d’exceptions ou, à tout le moins, soumis au contrôle de proportionnalité du juge au cas par cas.
Un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 3 avril 2025 vient préciser les conditions dans lesquelles le placement d’un accusé dans un box vitré peut être jugé compatible avec les exigences de la Convention. En l’espèce, un individu, après s’être soustrait à la justice pendant plusieurs années, fut arrêté et jugé en appel par une cour d’assises pour des faits d’assassinat en bande organisée. Durant les audiences, il comparut dans un enclos vitré permanent. À la veille de son interrogatoire sur le fond, ses avocats déposèrent des conclusions d’incident pour demander qu’il soit entendu à la barre, hors du box, invoquant notamment une atteinte à ses droits et un handicap auditif non documenté. La cour d’assises rejeta cette demande par un arrêt incident motivé, estimant la mesure nécessaire et proportionnée au regard de la dangerosité de l’accusé, de son risque de fuite et de la gravité des faits reprochés, tout en constatant que l’intéressé pouvait communiquer avec ses conseils et suivre les débats. Après l’épuisement des voies de recours internes, le condamné saisit la Cour de Strasbourg, alléguant une violation de son droit à un procès équitable et de la présomption d’innocence. Il convenait donc de déterminer si le maintien d’un accusé dans un box vitré, malgré sa demande d’en être extrait, portait une atteinte injustifiée à l’article 6 de la Convention. La Cour européenne, tout en déclarant irrecevable le grief relatif aux droits de la défense faute de preuves, jugea sur le fond qu’il n’y avait pas eu violation de la présomption d’innocence. Si la Cour valide en l’espèce le dispositif contesté en se fondant sur une appréciation concrète de sa nécessité (I), elle en rappelle fermement le caractère exceptionnel, dont la portée doit être strictement encadrée (II).
I. La validation d’une mesure de sécurité justifiée par une appréciation *in concreto*
La Cour de Strasbourg opère une analyse en deux temps pour conclure à l’absence de violation. Elle écarte d’abord le grief tiré d’une atteinte aux droits de la défense en raison de son caractère insuffisamment étayé (A), avant de légitimer la mesure au regard de la présomption d’innocence en s’appuyant sur les justifications sécuritaires spécifiques à l’affaire (B).
A. Le rejet d’une atteinte aux droits de la défense faute de grief étayé
La Cour européenne des droits de l’homme se montre pragmatique en refusant de statuer sur la base d’allégations générales. Elle relève que le requérant n’a soulevé la question de son placement en box qu’à un stade avancé de la procédure d’appel, sans jamais avoir auparavant fait état de difficultés concrètes. Surtout, l’argumentation relative à un handicap auditif n’a été accompagnée d’aucun commencement de preuve. La Cour souligne que l’intéressé « ne s’explique pas sur la nature de son handicap allégué et ne développe pas dans quelle mesure ce handicap aurait compromis sa capacité de comprendre les questions posées ». Faute d’éléments factuels probants, le grief ne pouvait prospérer. Cette approche confirme que la charge de la preuve d’une entrave effective à la participation au procès pèse sur l’accusé. La seule présence dans un box, même vitré, ne suffit pas à caractériser une violation des droits de la défense si les conditions matérielles de communication avec les avocats et de suivi des débats sont assurées, ce que la cour d’assises avait pris le soin de vérifier en l’espèce. Le rejet pour défaut de fondement manifeste de ce grief permet à la Cour de concentrer son analyse sur le principe même de la présomption d’innocence.
B. La légitimation du placement en box au nom d’impératifs sécuritaires prépondérants
Concernant l’atteinte alléguée à la présomption d’innocence, la Cour admet que des mesures de contrainte physique peuvent être nécessaires. Pour ce faire, elle examine si la décision des juridictions internes reposait sur une base objective et raisonnable. En l’occurrence, l’arrêt incident de la cour d’assises avait précisément motivé sa décision de refus. Elle avait relevé que l’accusé était poursuivi pour des « assassinats en bande organisée », qu’il encourait une peine de réclusion criminelle à perpétuité et, surtout, qu’il « s’est soustrait à la justice pendant plus de quatre années ». Ces éléments, tenant à la nature des faits et au comportement passé de l’accusé, constituaient des motifs pertinents et suffisants pour justifier une mesure de sécurité renforcée. La Cour de Strasbourg entérine ce raisonnement en jugeant que « le refus opposé à la demande du requérant (…) a été le fruit d’une appréciation in concreto du risque que cela présentait ». Le placement dans le box n’était donc pas une mesure arbitraire, mais une réponse proportionnée à un risque de fuite avéré et à la nécessité de sécuriser l’audience.
Cette solution, strictement cantonnée aux faits de l’espèce, ne saurait toutefois être interprétée comme un blanc-seing accordé à l’usage généralisé des box vitrés. La Cour en profite pour en délimiter la portée.
II. Une portée limitée encadrant strictement le recours au box vitré
L’arrêt, s’il conclut à une non-violation, n’en demeure pas moins un avertissement. La Cour prend soin de distinguer le dispositif en cause de mesures jugées par nature attentatoires (A) et met en garde contre tout automatisme qui viderait de sa substance l’exigence d’un examen individualisé (B).
A. La distinction entre le box vitré et les dispositifs intrinsèquement dégradants
La jurisprudence européenne a déjà eu à connaître de situations où des accusés étaient placés dans des cages métalliques. Dans de telles affaires, notamment contre la Russie, la Cour a souvent conclu à une violation de l’article 3 de la Convention, jugeant le traitement humiliant et dégradant. En l’espèce, la Cour relève que le dispositif est différent : il s’agit d’un « enclos vitré sans plafond suffisamment spacieux et équipé », qui « ne présente pas l’aspect rebutant des cages métalliques ». Cette distinction matérielle est essentielle. Le box vitré, bien que restrictif, n’emporte pas en soi le même stigmate d’infamie que la cage. En se référant à son analyse dans l’affaire *Auguste c. France*, la Cour confirme qu’un tel aménagement peut être acceptable s’il est justifié par des impératifs de sécurité et ne prive pas l’accusé de ses facultés de communication. La valeur de la décision réside ainsi dans cette appréciation graduée des mesures de contrainte, qui ne sont pas toutes jugées équivalentes au regard de la dignité humaine et de la présomption d’innocence.
B. L’avertissement contre une systématisation de la mesure au détriment d’un examen individualisé
Le point le plus prospectif de l’arrêt concerne la critique implicite du caractère permanent de ces installations. La Cour s’interroge ouvertement sur leur généralisation dans les salles d’audience. Elle note que « l’inamovibilité d’une telle structure suscite des interrogations (…) sur la possibilité des juridictions internes d’effectuer une appréciation *in concreto* de la nécessité pour la personne accusée de comparaître dans un box ». Cet *obiter dictum* est un message clair adressé aux États membres. Un recours systématique à de tels dispositifs, fondé sur des considérations générales de sécurité plutôt que sur les spécificités d’une affaire, pourrait se révéler contraire à la Convention. En filigrane, la Cour rappelle que la comparution libre est le principe et le placement dans un box l’exception. La portée de cet arrêt est donc de renforcer l’obligation pour le juge national de motiver de manière circonstanciée toute dérogation à ce principe. Chaque décision de maintenir un accusé dans un box doit faire l’objet d’un contrôle de nécessité et de proportionnalité effectif, ce qui fut le cas en l’espèce, mais ne saurait être présumé dans toutes les situations futures.
Par un arrêt en date du 6 avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a été amenée à se prononcer sur la compatibilité avec le droit au respect de la correspondance d’une pratique pénitentiaire imposant la remise des courriers destinés à un avocat dans une enveloppe ouverte.
En l’espèce, un détenu condamné pour des faits de terrorisme s’est vu restituer une lettre adressée à son avocat au motif que celle-ci avait été présentée à l’administration pénitentiaire dans une enveloppe fermée. La commission disciplinaire de la prison a fondé sa décision sur le règlement intérieur, précisant que le courrier devait être remis dans une enveloppe ouverte pour permettre une vérification physique. Le détenu a exercé plusieurs recours. Une plainte pour abus de pouvoir devant le procureur de la République a été classée sans suite, décision confirmée par la cour d’assises. Parallèlement, un recours contre la décision de l’administration a été rejeté par le juge de l’exécution. Sur appel du requérant, la cour d’assises a infirmé cette décision et annulé la mesure. Saisie d’un pourvoi dans l’intérêt de la loi par le ministère de la Justice, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’assises, lui reprochant de ne pas avoir apprécié la nécessité de la vérification physique. Statuant de nouveau, la cour d’assises a finalement rejeté le recours du détenu, jugeant que la lettre pouvait faire l’objet d’une vérification physique sans être lue et devait donc être remise dans une enveloppe ouverte.
Il était ainsi demandé à la Cour de déterminer si l’exigence faite à un détenu de remettre sa correspondance à destination de son avocat dans une enveloppe ouverte, aux fins de vérification matérielle, constituait une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de la correspondance garanti par l’article 8 de la Convention, en l’absence de garanties procédurales suffisantes contre la lecture de son contenu.
La Cour européenne des droits de l’homme répond par l’affirmative et conclut à une violation de l’article 8 de la Convention. Elle considère que, si une vérification physique peut être nécessaire, la pratique consistant à exiger la remise des courriers dans une enveloppe ouverte, sans prévoir de garantie contraignante empêchant leur lecture par l’administration, telle que l’ouverture en présence du détenu, porte une atteinte disproportionnée au secret des correspondances entre un avocat et son client. Si la Cour admet le principe d’un contrôle de la correspondance des détenus (I), elle en sanctionne fermement les modalités lorsqu’elles ne sont pas assorties de garanties suffisantes (II).
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I. La légitimité reconnue du contrôle sur la correspondance des détenus
La Cour reconnaît que l’ingérence dans la correspondance du requérant repose sur une base légale et poursuit des objectifs légitimes, tout en opérant une distinction fondamentale entre la vérification physique du courrier et la lecture de son contenu. Elle admet ainsi une justification de principe à l’ingérence (A) tout en en circonscrivant précisément la portée (B).
A. Une ingérence justifiée par les impératifs d’ordre et de sécurité
L’ingérence dans le droit du requérant au respect de sa correspondance était prévue par la législation nationale, notamment par la loi no 5275 et son règlement d’application. Le Gouvernement défendeur soutenait que cette mesure visait des buts légitimes, à savoir la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales, ce que la Cour n’a pas contesté. Le statut particulier du requérant, condamné pour des actes de terrorisme, a été un élément de contexte relevé par les juridictions internes pour justifier un contrôle renforcé, et la Cour elle-même a déjà admis que de telles considérations pouvaient fonder la nécessité d’une surveillance.
L’État dispose en effet d’une marge d’appréciation pour organiser son système pénitentiaire et y maintenir la sécurité. Dans ce cadre, le contrôle de la correspondance peut apparaître comme un outil nécessaire pour empêcher la transmission d’objets ou d’informations illicites. La Cour ne remet donc pas en cause le principe même d’une surveillance, mais s’attache à en vérifier la proportionnalité. Elle accepte que l’objectif de sécurité puisse justifier une forme de contrôle, même sur les échanges avec un avocat.
B. Une distinction admise entre la vérification matérielle et la lecture du contenu
La Cour assoit son raisonnement sur une distinction essentielle, déjà établie dans sa jurisprudence antérieure. Elle dissocie clairement la simple vérification physique d’une enveloppe et de son contenu, visant à s’assurer qu’ils ne recèlent aucun élément illicite matériel, de la lecture de la correspondance elle-même. La Cour se déclare « prête à admettre que le contrôle consistant en la vérification physique de la correspondance des détenus y compris avec leurs défenseurs pouvait répondre à un besoin social impérieux ».
Cette analyse permet de concilier les impératifs de sécurité de l’établissement pénitentiaire et la protection des droits fondamentaux du détenu. Le contrôle matériel est jugé acceptable, car il répond de manière proportionnée à l’objectif de prévention des infractions. En revanche, la lecture du courrier est d’une toute autre nature, puisqu’elle porte directement atteinte à la substance même du secret des échanges. C’est donc sur les modalités de cette vérification physique, et sur les risques de dérive vers une lecture abusive, que le contrôle de la Cour va se concentrer.
L’acceptation du principe d’une vérification physique ne vaut donc pas blanc-seing. Elle impose au contraire de s’interroger sur les garanties qui doivent l’encadrer pour préserver l’essence du droit protégé, particulièrement lorsque la correspondance met en jeu le secret professionnel de l’avocat.
II. La sanction d’une pratique attentatoire au secret des échanges avec l’avocat
La Cour conclut à la violation de l’article 8 en se fondant sur le statut particulier des correspondances avec un avocat et sur l’absence de mécanismes de protection effectifs contre les abus. Elle rappelle le caractère privilégié de cette correspondance (A) avant de sanctionner le défaut de garanties adéquates et suffisantes dans le système national (B).
A. Le statut privilégié de la correspondance entre un détenu et son conseil
La Cour réaffirme avec force un principe cardinal de sa jurisprudence : la correspondance entre un détenu et son avocat bénéficie d’un statut privilégié. Ce principe implique que « les autorités pénitentiaires ne peuvent ouvrir une lettre échangée entre un détenu et son avocat que si elles ont des motifs plausibles de penser qu’il y figure un élément illicite ». Plus important encore, même dans cette hypothèse, elles ne peuvent en aucun cas la lire. La confidentialité de ces échanges est une composante essentielle des droits de la défense.
Cette protection renforcée se justifie par le fait que les échanges avec un conseil sont fondamentaux pour permettre au justiciable, même détenu, d’exercer ses droits et de contester les mesures qui le frappent. Toute entrave à la confidentialité de cette relation est susceptible de dissuader le détenu de communiquer librement avec son défenseur et, par conséquent, de vider de leur substance les garanties d’un procès équitable. Une dérogation à ce principe ne peut donc être envisagée que de manière exceptionnelle et strictement encadrée.
B. L’exigence de garanties adéquates et suffisantes contre les abus
C’est sur le terrain des garanties procédurales que la pratique litigieuse est jugée défaillante. La Cour constate que la seule exigence de remettre la lettre dans une enveloppe ouverte ne s’accompagne d’aucune assurance que le contenu ne sera pas lu. Le Gouvernement n’a démontré l’existence d’aucune mesure empêchant l’administration pénitentiaire de prendre connaissance du courrier lors de la vérification.
La Cour note certes avec intérêt que la cour d’assises, dans sa dernière décision, a évoqué la possibilité que « la vérification physique se fasse en présence du détenu concerné » afin de lever toute suspicion. Elle juge cependant cette mention insuffisante, relevant que « cette possibilité n’apparaît aucunement avoir été formulée de manière contraignante par la cour d’assises à l’endroit de l’administration pénitentiaire ». Une simple faculté laissée à la discrétion de l’administration ne constitue pas, aux yeux de la Cour, une garantie adéquate et suffisante. Pour être effective, la garantie, telle que l’ouverture du courrier en présence du détenu, doit être une obligation pour l’administration et un droit pour le détenu.
En l’absence de telles garanties, la pratique crée un risque d’abus que le détenu n’a aucun moyen de prévenir ou de contester efficacement. L’ingérence résultant de l’exigence de l’enveloppe ouverte devient alors disproportionnée au regard du but légitime poursuivi. La Cour conclut ainsi que l’équilibre entre les impératifs de sécurité et le droit du requérant au respect de sa correspondance a été rompu.
Par une décision en date du 12 décembre 2023, la Cour européenne des droits de l’homme a statué sur la recevabilité d’une requête introduite par un ressortissant turc. La haute juridiction a ainsi été amenée à se prononcer sur les conséquences procédurales d’une violation de la confidentialité inhérente à la procédure de règlement amiable.
En l’espèce, un individu incarcéré s’était vu refuser la remise d’un livre à caractère religieux par l’administration pénitentiaire. Après avoir épuisé sans succès un premier recours devant le juge d’exécution de Kayseri, il obtint gain de cause devant la cour d’assises de Kayseri, laquelle annula les décisions défavorables. Toutefois, cette décision de justice demeura inexécutée pendant une période d’au moins cent vingt jours. Face à cette inertie, l’intéressé forma un recours individuel devant la Cour constitutionnelle, qui le déclara irrecevable par une décision sommaire du 4 septembre 2020. Il saisit alors la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant une violation de l’article 9 de la Convention. Après avoir communiqué l’affaire au gouvernement défendeur, la Cour a engagé une procédure de règlement amiable. C’est dans ce contexte que les termes de la proposition de règlement ont été divulgués dans un quotidien national, l’article de presse précisant que le requérant était la source de cette information. Le gouvernement a alors soulevé une exception d’irrecevabilité pour abus du droit de recours, et le conseil du requérant, bien qu’invité à présenter ses observations, n’a pas donné suite.
Il était ainsi demandé à la Cour si la divulgation délibérée par un requérant des conditions d’un règlement amiable confidentiel constituait un abus du droit de recours individuel de nature à entraîner l’irrecevabilité de sa requête.
La Cour européenne des droits de l’homme répond par l’affirmative et déclare la requête irrecevable en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention. Elle juge que le comportement de l’intéressé « constitue une violation de la règle de confidentialité qui doit également être considéré comme un abus du droit de recours ». La Cour fonde sa décision sur la caractérisation d’une faute procédurale (I), réaffirmant par là même l’importance fondamentale de la confidentialité dans le mécanisme de règlement des litiges (II).
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I. La sanction procédurale de la violation de la confidentialité des négociations
La décision d’irrecevabilité repose sur la constatation d’un manquement factuel du requérant à ses obligations (A), manquement que la Cour qualifie juridiquement d’abus du droit de recours (B).
A. La divulgation avérée des termes confidentiels du règlement amiable
La Cour fonde sa décision sur un élément factuel non contesté. Le gouvernement défendeur a produit un article de presse dont le contenu démontrait sans équivoque la publicisation des pourparlers confidentiels. L’article lui-même attribuait explicitement la fuite au requérant. La juridiction européenne souligne que le conseil de ce dernier, bien qu’ayant eu connaissance des allégations du gouvernement, a gardé le silence. Cette absence de contestation a permis à la Cour de tenir pour acquis le manquement à la confidentialité.
Elle relève en effet qu’« il n’est pas contesté par les parties que les termes de la déclaration de règlement amiable ont paru dans les médias nationaux et que le requérant a divulgué ceux-ci ». La charge de la preuve, initialement supportée par le gouvernement qui soulevait l’exception, se trouve ainsi satisfaite. Le silence du requérant face à une allégation précise et documentée a été interprété par la Cour comme une reconnaissance implicite des faits. Cette approche pragmatique permet à la juridiction de ne pas s’attarder sur l’établissement des faits pour se concentrer sur leur qualification juridique et les conséquences qui en découlent.
B. La qualification d’abus du droit de recours individuel
À partir de ce fait établi, la Cour procède à une qualification juridique rigoureuse. Elle rappelle que la confidentialité des négociations en vue d’un règlement amiable est une règle fondamentale, explicitement prévue par l’article 39 § 2 de la Convention et l’article 62 § 2 de son règlement. La violation de cette obligation n’est pas un simple manquement formel ; elle constitue un acte de nature à vicier la procédure.
La Cour réitère sa jurisprudence constante selon laquelle « une violation intentionnelle par un requérant de l’obligation de confidentialité imposée aux parties par ces dispositions peut être qualifiée d’abus du droit de recours ». En l’espèce, la divulgation des termes de la négociation à un journal est considérée comme une manœuvre visant à exercer une pression extérieure sur le processus, ce qui est l’antithèse de l’esprit du règlement amiable. Par conséquent, l’acte du requérant sort du cadre de l’exercice légitime de son droit de saisine pour entrer dans le champ de l’abus, justifiant l’application de l’article 35 § 3 a) de la Convention qui prévoit le rejet de toute requête considérée comme abusive. Cette sanction, bien que sévère, s’explique par la fonction essentielle que remplit la confidentialité dans le système conventionnel.
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II. La portée de la règle de confidentialité au sein du système conventionnel
La décision commentée réaffirme le rôle cardinal de la confidentialité pour garantir l’intégrité du processus de règlement amiable (A), tout en servant de rappel des devoirs qui incombent aux justiciables européens (B).
A. La protection de l’intégrité du processus de règlement amiable
La confidentialité n’est pas une simple règle de procédure, mais une condition essentielle de l’efficacité et de l’équité des règlements amiables. La Cour souligne que cette règle « vise à préserver les parties et la Cour elle-même de toute tentative de pression politique ou de quelque autre ordre que ce soit ». En garantissant que les négociations se déroulent à l’abri des regards extérieurs, la Convention cherche à créer un espace de confiance où les parties peuvent discuter librement, sans craindre que leurs propositions ou concessions soient utilisées contre elles publiquement ou politiquement.
Cette protection est cruciale pour le gouvernement, qui pourrait hésiter à reconnaître une éventuelle violation et à proposer une réparation s’il craignait une instrumentalisation politique. Elle l’est également pour le requérant, dont la situation personnelle ne doit pas devenir un enjeu public. En sanctionnant fermement sa violation, la Cour protège un outil indispensable à la bonne administration de la justice et à la gestion de son propre contentieux, le règlement amiable permettant de clore de nombreuses affaires sans examen au fond.
B. Le rappel des obligations procédurales incombant au requérant
Cette décision illustre que le droit de recours individuel, bien que fondamental, n’est pas dépourvu de contreparties. Les requérants ne sont pas de simples bénéficiaires de droits, mais aussi des acteurs de la procédure judiciaire qui doivent en respecter les règles. La Cour rappelle que les règles de procédure, qu’elles soient internes ou propres au système de la Convention, « visent à assurer la bonne administration de la justice et le respect du principe de sécurité juridique ».
En déclarant la requête irrecevable, la juridiction européenne envoie un message clair : le respect de la loyauté procédurale est une condition sine qua non de l’examen d’une requête. Le comportement du requérant a été perçu comme une tentative de contourner le cadre judiciaire pour déplacer le débat sur la scène médiatique. Un tel acte est considéré comme une remise en cause de l’autorité et de la fonction même de la Cour. La sanction de l’abus du droit de recours agit ainsi comme un mécanisme de régulation, assurant que le dialogue entre le justiciable et la justice européenne se maintienne dans un cadre de confiance et de respect mutuel des règles établies.
Par un arrêt en date du 12 mai 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a été amenée à se prononcer sur la compatibilité d’une condamnation pénale pour publication de déclarations d’une organisation terroriste avec les exigences de la liberté d’expression.
En l’espèce, le propriétaire et rédacteur en chef d’un périodique a été poursuivi en Turquie pour avoir publié, dans une édition de mai 2004, un article rapportant les déclarations d’une organisation qualifiée de terroriste par le droit interne. Le 24 juin 2010, la cour d’assises d’Istanbul l’a reconnu coupable de publication de déclarations d’une organisation terroriste et l’a condamné à une amende judiciaire, précisant que cette décision était définitive. Une loi postérieure a permis de surseoir à l’exécution de cette peine. Le pourvoi en cassation formé par l’intéressé fut rejeté le 14 janvier 2013, au motif que la décision de condamnation n’était pas susceptible d’un tel recours. Invoquant une atteinte à son droit à la liberté d’expression, le requérant a saisi la Cour européenne des droits de l’homme.
La question de droit soumise à la Cour était donc de savoir si la condamnation pénale du responsable d’une publication, au seul motif que celle-ci reproduit des déclarations émanant d’une organisation qualifiée de terroriste, sans que les juridictions nationales n’aient examiné si le contenu de ces propos constituait une incitation à la violence, représente une ingérence proportionnée et nécessaire dans une société démocratique au sens de l’article 10 de la Convention.
La Cour européenne des droits de l’homme répond par la négative et conclut à la violation de l’article 10. Elle juge que les autorités nationales n’ont pas mis en balance de manière adéquate le droit à la liberté d’expression et les buts légitimes poursuivis. La condamnation prononcée, fondée exclusivement sur l’origine du texte et non sur une analyse de sa teneur, ne répondait pas à un besoin social impérieux et n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique.
Cette solution conduit à examiner la méthode par laquelle la Cour contrôle la conventionalité de l’ingérence (I), avant d’analyser la portée du principe qu’elle réaffirme à cette occasion (II).
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I. La condamnation pour publication de déclarations d’un groupe terroriste : une ingérence injustifiée dans la liberté d’expression
La Cour européenne des droits de l’homme reconnaît d’abord l’existence d’une ingérence dans la liberté d’expression avant de sanctionner la motivation insuffisante des juridictions internes. Elle rappelle ainsi que le prononcé d’une condamnation pénale, même assortie d’un sursis, constitue une ingérence (A), puis elle constate que les juges nationaux n’ont pas procédé à un examen suffisant du contenu du texte litigieux pour justifier cette ingérence (B).
A. La caractérisation de l’ingérence en dépit du sursis à l’exécution de la peine
L’ingérence dans le droit à la liberté d’expression du requérant, bien que contestée par le gouvernement défendeur, est établie sans équivoque par la Cour. Celle-ci considère que la procédure pénale diligentée pendant plusieurs années et la condamnation qui en a résulté, quand bien même l’exécution de la peine d’amende fut suspendue, suffisent à caractériser une telle ingérence. La Cour estime en effet que ces mesures ont pu provoquer un « effet dissuasif » sur le requérant, de nature à le décourager d’exercer sa liberté d’expression à l’avenir. Cette approche confirme que l’atteinte ne réside pas seulement dans l’exécution effective d’une sanction, mais aussi dans le prononcé même de la condamnation et l’incertitude juridique qu’elle engendre pour un professionnel des médias.
La Cour accepte ensuite que cette ingérence était prévue par la loi, en l’occurrence l’article 6 de la loi turque sur la lutte contre le terrorisme, et qu’elle poursuivait des buts légitimes tels que la protection de la sécurité nationale, la défense de l’ordre et la prévention du crime. Toutefois, le cœur de son analyse réside dans l’examen de la nécessité de cette ingérence dans une société démocratique. C’est sur ce terrain que la décision des juridictions internes est jugée défaillante, en raison d’une application mécanique de la loi pénale.
B. Le défaut d’analyse du contenu du texte litigieux par les juridictions internes
Le grief principal que la Cour adresse aux autorités nationales est l’absence de mise en balance concrète des intérêts en présence. La cour d’assises d’Istanbul a condamné le requérant au seul motif qu’il avait publié un écrit émanant d’une organisation qualifiée de terroriste, estimant que ce seul fait suffisait à constituer l’infraction. Or, la Cour européenne rappelle que les juges internes ne sauraient se dispenser d’analyser la teneur même des propos incriminés. En l’espèce, elle relève que le texte portait sur les résultats d’élections locales et contenait des critiques internes au fonctionnement de l’organisation.
La Cour souligne surtout que les juridictions nationales n’ont pas démontré que les écrits litigieux constituaient une menace réelle et sérieuse pour les buts légitimes invoqués. Elle énonce ainsi que « l’élément essentiel à ses yeux [est] que l’écrit litigieux pris dans son ensemble [ne] contînt un appel à l’usage de la violence, à la résistance armée ou au soulèvement ou qu’il constituait un discours de haine ». En l’absence d’une telle démonstration, la condamnation apparaît disproportionnée. La sanction ne peut être justifiée par la seule qualité de l’auteur des déclarations rapportées ; elle doit se fonder sur une analyse matérielle du discours lui-même.
En censurant cette approche formaliste, la Cour ne se contente pas de trancher le cas d’espèce. Elle réaffirme une exigence fondamentale qui s’impose aux États dans leur lutte, pourtant légitime, contre le terrorisme.
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II. La réaffirmation du principe de l’analyse matérielle du discours face à la lutte contre le terrorisme
La décision commentée s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse de faire prévaloir de manière abstraite les impératifs de sécurité sur la liberté d’expression. Elle rejette ainsi toute forme de responsabilité pénale automatique fondée sur la source du propos (A), ce qui renforce les obligations de motivation pesant sur les juges nationaux (B).
A. Le refus d’une responsabilité pénale fondée sur la seule origine du propos
Cet arrêt réitère avec force qu’en matière de liberté de la presse, le contenu prime sur le contenant. En d’autres termes, la simple reproduction de déclarations émanant d’un groupe terroriste ne saurait, à elle seule et sans autre examen, justifier une condamnation pénale. Une telle approche reviendrait à créer une infraction de « délit d’opinion par association », incompatible avec les principes d’une société démocratique. La Cour protège ici le rôle de la presse qui est d’informer le public sur des questions d’intérêt général, y compris lorsque ces informations concernent les activités ou les positions d’organisations illégales. Le public a en effet le droit d’être informé de la réalité politique et sociale, même dans ses aspects les plus dérangeants.
Cette solution n’équivaut cependant pas à accorder une immunité totale à la presse. La Cour prend soin de tracer la ligne rouge à ne pas franchir : l’incitation à la violence, à la haine ou au soulèvement armé. La publication qui se borne à rapporter des propos, même ceux d’un groupe terroriste, à des fins informatives, reste protégée par l’article 10. En revanche, celle qui relaie ou fait sienne une justification du terrorisme ou un appel à la violence tombe hors du champ de cette protection. La Cour impose donc une distinction subtile mais essentielle entre la publication d’une information et l’acte de propagande.
B. La portée de la solution : une exigence de motivation renforcée pour les juges nationaux
La portée de cet arrêt est avant tout pédagogique. Il ne crée pas un principe nouveau mais rappelle avec fermeté aux juridictions nationales l’étendue de leur office lorsqu’elles sont confrontées à des discours potentiellement dangereux. Elles ne peuvent se retrancher derrière la qualification de « terroriste » pour s’abstenir de procéder à l’analyse concrète que requiert l’article 10 de la Convention. Le juge national doit expliquer en quoi le texte publié, dans son contexte spécifique, constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale justifiant une restriction à la liberté d’expression.
Cette exigence de motivation renforcée est un garde-fou contre les abus potentiels des législations antiterroristes, qui pourraient être utilisées pour museler des voix critiques ou dissidentes sous couvert de sécurité. La Cour rappelle ainsi que le contexte de la lutte contre le terrorisme ne saurait dispenser les États de respecter les libertés fondamentales. Si la marge d’appréciation des États est généralement large en matière de sécurité nationale, elle n’est pas illimitée et reste soumise au contrôle européen. La décision *Güllü c. Turquie* s’analyse donc comme une décision de principe, non par sa nouveauté, mais par la réaffirmation d’une exigence fondamentale de l’État de droit dans un domaine particulièrement sensible.
Par un arrêt en date du 23 juin 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a examiné les griefs de plusieurs ressortissants turcs relatifs à l’intervention des forces de l’ordre lors d’une manifestation. En l’espèce, un groupe d’individus, menacés d’expulsion de leurs logements sociaux, avait tenté d’interpeller le Premier ministre lors d’un rassemblement politique. Empêchés d’accéder au lieu de l’événement, ils s’étaient allongés sur la chaussée en signe de protestation, bloquant ainsi la circulation. Les forces de l’ordre les avaient alors évacués par la force, portés jusqu’à des véhicules de police et placés en état d’arrestation avant de les libérer le jour même. Plusieurs manifestants présentaient des lésions constatées par des rapports médicaux. Une plainte déposée par les intéressés contre les policiers avait été classée sans suite par le procureur, décision confirmée par la cour d’assises, au motif que l’usage de la force n’avait pas été excessif. Parallèlement, les poursuites engagées contre les requérants pour manifestation illégale avaient également fait l’objet d’un non-lieu. Saisie de l’affaire, la Cour devait déterminer si le traitement infligé aux manifestants et le défaut d’enquête approfondie caractérisaient une violation de l’article 3 de la Convention. Il lui appartenait également d’apprécier si la dispersion du rassemblement portait une atteinte disproportionnée à la liberté de réunion et d’association garantie par l’article 11. La Cour conclut à la violation de l’article 3 pour une partie des requérants en raison de l’usage excessif de la force et d’une enquête interne défaillante. Elle constate par ailleurs une violation de l’article 11 pour l’ensemble des requérants, l’ingérence dans leur liberté de manifester n’étant pas nécessaire dans une société démocratique.
La décision de la Cour européenne sanctionne ainsi un usage de la force jugé inapproprié face à des manifestants pacifiques, tout en critiquant l’absence d’une enquête nationale effective pour élucider les circonstances de l’intervention (I). Au-delà du traitement physique des protestataires, c’est l’entrave même à leur droit de réunion qui est condamnée, l’ingérence de l’État étant jugée disproportionnée au regard des impératifs de l’ordre public (II).
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I. La sanction d’un usage disproportionné de la force et d’une enquête lacunaire
La Cour examine l’intervention policière sous le double prisme de l’article 3 de la Convention, en évaluant d’une part la nécessité du recours à la force physique (A) et d’autre part l’effectivité de l’enquête menée subséquemment par les autorités nationales (B).
A. La condamnation du recours à une force non strictement nécessaire
La Cour rappelle que si l’article 3 n’interdit pas en soi l’usage de la force, notamment lors d’une arrestation, celle-ci doit demeurer strictement nécessaire au regard du comportement de l’individu. En l’espèce, elle constate que les requérants avaient adopté une attitude de résistance passive en s’allongeant sur la route, et que « rien dans le dossier n’indique qu’ils aient été virulents ou dangereux au moment des faits ». Dans ces conditions, les lésions constatées par les rapports médicaux, telles que des ecchymoses, des marques rouges et des égratignures, ne sauraient s’expliquer par le simple fait d’avoir porté les manifestants pour les évacuer. La Cour juge que l’argumentaire du gouvernement, qui se limite à invoquer un transport des corps, « n’explique qu’insuffisamment la présence de ces multiples marques et lésions ». En réaffirmant que « toute conduite des forces de l’ordre à l’encontre d’une personne qui porte atteinte à la dignité humaine constitue une violation de l’article 3 de la Convention », elle conclut que la force employée, n’étant pas justifiée par une nécessité absolue, a violé les exigences de cette disposition dans son volet matériel.
B. La censure de l’ineffectivité de l’enquête interne
Outre l’aspect matériel, la Cour se penche sur l’obligation procédurale qui incombe aux États de mener une enquête effective lorsqu’une personne formule une allégation défendable de mauvais traitements. Or, l’examen de la procédure interne révèle de graves lacunes. La décision de non-lieu du procureur se fonde sur une analyse sommaire, sans offrir d’« explication individualisée sur l’origine des traces physiques décelées sur les requérants ». La Cour déplore que le magistrat instructeur n’ait procédé à aucune diligence sérieuse pour établir les faits : « le procureur semble s’être contenté des procès-verbaux versés au dossier ; rien ne permet en effet de dire qu’il a interrogé les policiers mis en cause ni qu’il a recueilli les dépositions des requérants ou recherché des témoins ». Une telle enquête, limitée à l’examen des documents fournis par les forces de l’ordre elles-mêmes, ne répond pas aux critères d’indépendance, d’impartialité et de minutie requis. En ne cherchant pas à faire la lumière sur les circonstances précises de l’intervention, les autorités nationales ont failli à leur devoir de garantir que les responsables d’éventuels actes illicites répondent de leurs agissements, ce qui constitue une violation distincte de l’article 3 sous son volet procédural.
II. La protection de la liberté de manifestation face à une ingérence non justifiée
La Cour analyse ensuite la conventionalité de l’interdiction et de la dispersion de la manifestation au regard de l’article 11. Si elle admet que l’ingérence répondait formellement à un cadre légal et à des objectifs légitimes (A), elle conclut néanmoins à son caractère disproportionné dans une société démocratique (B).
A. L’existence d’une ingérence fondée sur une base légale et un but légitime
La Cour applique son test traditionnel en trois étapes pour évaluer l’ingérence dans la liberté de réunion. Elle reconnaît sans difficulté que les mesures litigieuses, à savoir l’empêchement d’accéder au lieu de rassemblement et la dispersion des manifestants, étaient « prévues par la loi », en l’occurrence la loi nationale sur les réunions et manifestations publiques. De même, elle admet que cette ingérence pouvait se justifier par la poursuite de buts légitimes énumérés au second paragraphe de l’article 11, soit « la défense de l’ordre et la protection des droits d’autrui », notamment en raison de la perturbation de la circulation. Cependant, la satisfaction de ces deux premières conditions ne suffit pas à rendre l’ingérence compatible avec la Convention. L’enjeu principal de l’analyse réside dans l’examen de sa nécessité et de sa proportionnalité, étape décisive du contrôle exercé par la Cour.
B. Le caractère disproportionné de l’intervention au sein d’une société démocratique
La Cour écarte l’argument du gouvernement selon lequel la présence du Premier ministre justifiait l’intervention pour des raisons de sûreté. Elle note que « le procureur dans la motivation de sa décision de non-lieu n’a aucunement mentionné l’existence d’un risque éventuel d’atteinte à la sûreté ou de perturbation de l’ordre public ». La manifestation, bien que non autorisée et perturbatrice pour le trafic routier, était demeurée pacifique. Or, la jurisprudence constante de la Cour accorde une protection particulière aux rassemblements de cette nature. Elle réitère ainsi sa position de principe selon laquelle « l’intervention précipitée des forces de l’ordre pour disperser des manifestations pacifiques ne présentant pas un danger pour l’ordre public (…) n’étaient pas nécessaires à la défense de l’ordre public et qu’il s’agissait de mesures disproportionnées ». En l’absence de toute violence ou menace émanant des requérants, la dispersion forcée et leur arrestation constituaient une réaction radicale et excessive. L’État n’a pas démontré en quoi une approche plus tolérante, permettant à une protestation pacifique de se dérouler, aurait mis en péril un intérêt public supérieur. L’ingérence n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique.
Article D112-28 du Code pénal
Définition et application par la jurisprudence
Texte de loi
Article D112-28
Toutefois, en l’absence de maison d’arrêt ou de quartier maison d’arrêt dans le ressort d’une cour d’assises ou d’un tribunal judiciaire, les personnes prévenues, accusées ou appelantes ressortissant à ces juridictions, sont détenues dans une maison d’arrêt ou un quartier maison d’arrêt d’un autre ressort. Les listes des cours d’assises et des tribunaux judiciaires concernés auprès desquels il n’y a pas de maison d’arrêt ou de quartiers maison d’arrêt ainsi que les maisons d’arrêt ou quartiers maison d’arrêt où sont détenues les personnes prévenues, accusées ou appelantes ressortissant à ces juridictions, sans préjudice des dispositions de l’article D. 211-4, figurent dans les tableaux ci-dessous. LISTE DES COURS D’ASSISES AUPRES DESQUELLES IL N’Y A PAS DE MAISON D’ARRET OU DE QUARTIERS MAISON D’ARRET ET MENTIONNANT LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES OU SONT DETENUES LES PERSONNES ACCUSEES RESSORTISSANT A CES JURIDICTIONS COURS D’ASSISES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES DE RATTACHEMENT Finistère (Quimper) Maison d’arrêt de Brest Quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur Gers (Auch) Maison d’arrêt d’Agen Lot (Cahors) Maison d’arrêt de Montauban Orne (Alençon) Quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Caen Maison d’arrêt du Mans-les-Croisettes Haut-Rhin (Colmar) Quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach Haute-Savoie (Annecy) Maison d’arrêt de Bonneville Seine-et-Marne (Melun) Quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis LISTE DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES AUPRES DESQUELS IL N’Y A PAS DE MAISON D’ARRET OU DE QUARTIERS MAISON D’ARRET ET MENTIONNANT LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES OU SONT DETENUES LES PERSONNES PREVENUES OU APPELANTES RESSORTISSANT A CES JURIDICTIONS COURS D’APPEL JURIDICTIONS ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES DE RATTACHEMENT Agen Auch Maison d’arrêt d’Agen Cahors Maison d’arrêt de Montauban Aix-en-Provence Tarascon Centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet Amiens Saint-Quentin Centre pénitentiaire de Laon Senlis Centre pénitentiaire de Liancourt Soissons Centre pénitentiaire de Laon Angers Saumur Maison d’arrêt d’Angers Bordeaux Bergerac Maison d’arrêt de Périgueux Libourne Centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan Caen Alençon Maison d’arrêt du Mans-Les Croisettes Argentan Quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Caen Maison d’arrêt de Le Mans-Les Croisettes Lisieux Quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Caen Chambéry Annecy Maison d’arrêt de Bonneville Thonon-les-Bains Maison d’arrêt de Bonneville Colmar Saverne Maison d’arrêt de Strasbourg Colmar Centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach Dijon Mâcon Centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand Douai Boulogne-sur-Mer Centre pénitentiaire de Longuenesse Cambrai Maison d’arrêt de Douai Grenoble Bourgoin-Jallieu Centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier Limoges Brive-la-Gaillarde Maison d’arrêt de Tulle Lyon Roanne Centre pénitentiaire de Villefranche-sur-Saône Centre pénitentiaire de Saint-Etienne-La Talaudière Metz Thionville Centre pénitentiaire de Metz-Queuleu Montpellier Narbonne Maison d’arrêt de Carcassonne Nancy Val de Briey Centre pénitentiaire de Metz-Queuleu Verdun Maison d’arrêt de Bar-le-Duc Nîmes Alès Maison d’arrêt de Nîmes Carpentras Centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet Orléans Montargis Centre pénitentiaire d’Orléans-Saran Centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis Paris Fontainebleau Centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers Centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis Melun Centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers Centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis Sens Maison d’arrêt d’Auxerre Pau Dax Maison d’arrêt de Bayonne Centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan Poitiers Les Sables-d’Olonne Maison d’arrêt de La Roche-sur-Yon Maison d’arrêt de Fontenay-le-Comte Rennes Quimper Maison d’arrêt de Brest Centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur Saint-Nazaire Centre pénitentiaire de Nantes-Carquefou Riom Cusset Centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure Centre pénitentiaire de Riom Rouen Dieppe Maison d’arrêt de Rouen Centre pénitentiaire du Havre Toulouse Castres Maison d’arrêt d’Albi Centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses Saint-Gaudens Centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses Versailles Chartres Centre pénitentiaire d’Orléans-Saran
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Nota bene — je n’ai pas identifié de décisions publiées citant expressément l’article D.112‑28 dans vos bases ni en accès public immédiat. En pratique, lorsqu’un texte réglementaire du Code pénitentiaire fonde une mesure, le juge en contrôle la légalité (compétence, procédure, motivation) et l’absence d’erreur manifeste, dans le cadre du contentieux administratif des décisions pénitentiaires. Le contrôle s’articule aussi avec les principes européens relatifs aux droits des personnes détenues (dignité, proportionnalité, voies de recours effectives), qui irriguent l’interprétation des dispositions réglementaires du Code pénitentiaire. Si vous le souhaitez, je peux cibler une recherche Légifrance/Jurica sur les occurrences exactes de “D.112‑28”.
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Prendre rendez-vousArticle D112-27 du Code pénal
Définition et application par la jurisprudence
Texte de loi
Article D112-27
Une maison d’arrêt ou un quartier maison d’arrêt est implanté auprès de chaque cour d’assises et de chaque tribunal judiciaire. Un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, fixe la liste des maisons d’arrêt et des quartiers maison d’arrêt. Cet arrêté est annexé au présent code.
Source : Légifrance (DILA) – Licence Ouverte 2.0
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Nota bene — en pratique, l’article D112-27 du Code pénitentiaire est invoqué comme base réglementaire des décisions de l’administration pénitentiaire, et les juges en contrôlent surtout la légalité externe et la proportionnalité au regard des droits fondamentaux. Le contentieux relève majoritairement du juge administratif, qui vérifie la motivation, l’adéquation de la mesure au but poursuivi et l’absence d’erreur manifeste d’appréciation, à l’image des décisions récentes du Conseil d’État sur les régimes de détention spécialisés et les affectations. À ce jour, peu d’arrêts publiés citent expressément D112-27, mais il est appliqué de façon « infra-textuelle » dans le cadre du contrôle normal des mesures d’exécution pénitentiaire.
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Prendre rendez-vousArticle L112-3 du Code pénal
Définition et application par la jurisprudence
Texte de loi
Article L112-3
Une maison d’arrêt est située près de chaque tribunal judiciaire, de chaque cour d’appel et de chaque cour d’assises, sauf auprès des tribunaux et des cours qui sont désignés par décret. Dans ce dernier cas, le décret détermine la ou les maisons d’arrêt où sont retenues les personnes prévenues, appelantes ou accusées ressortissant à chacune de ces juridictions.
Source : Légifrance (DILA) – Licence Ouverte 2.0
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Nota bene — L’article L112-3 fixe un principe d’implantation et de rattachement des maisons d’arrêt aux juridictions, que la jurisprudence mobilise surtout comme norme d’organisation pour contrôler les décisions d’affectation ou de transfert des personnes prévenues, appelantes ou accusées. Les juges admettent des dérogations lorsqu’elles reposent sur un fondement réglementaire ou sur des nécessités objectives de sécurité et de gestion (surpopulation, extractions), mais vérifient qu’elles ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et à l’accès au conseil. En pratique, le contentieux porte donc moins sur un “droit à la proximité” absolu que sur la proportionnalité des éloignements et la continuité des liens avec la juridiction saisie. Lorsque ces garanties ne sont pas assurées, les décisions d’éloignement peuvent être annulées ou adaptées pour rétablir l’effectivité du suivi de la procédure.
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Prendre rendez-vousArticle 706-174 du Code de procédure pénale
Définition et application par la jurisprudence
Texte de loi
Article 706-174
Pour le jugement des accusés majeurs, les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la cour d’assises sont fixées par l’article 698-6 .
Source : Légifrance (DILA) – Licence Ouverte 2.0
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Nota bene — Application de l’article 706-174 CPP
Les juridictions l’appliquent comme un renvoi de compétence « technique »: pour les accusés majeurs visés par ce titre, la cour d’assises doit être composée et fonctionner selon l’article 698-6.
En pratique, les moyens tirés d’une irrégularité de composition sont appréciés au regard de 698-6: si la formation était conforme, le grief est écarté; à l’inverse, une méconnaissance entraîne la nullité de la décision.
Les pourvois qui invoquent 706-174 n’aboutissent donc que s’ils démontrent une violation concrète des règles de 698-6 (composition, participation, quorum), non une simple contestation abstraite.
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Par un arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 18 juin 2025, il est statué sur une désignation de juridiction d’appel d’assises. Une personne, condamnée le 19 mars 2025 par la cour d’assises de la Meurthe‑et‑Moselle pour tentative d’assassinat en récidive et délits connexes, a interjeté appel. Le ministère public a formé appel incident et a déposé des observations écrites. La chambre criminelle, « composée en application de l’article 567‑1‑1 du code de procédure pénale », a délibéré après audience publique, puis a rendu l’arrêt. La question portait sur la détermination de la cour d’assises appelée à connaître de l’appel, en application du mécanisme centralisé de désignation prévu par le code de procédure pénale.
La solution se présente sous une forme brève et normative. La Cour vise d’abord le fondement textuel, énonçant: « Vu l’article 380‑14 du code de procédure pénale : ». Elle fixe ensuite la juridiction d’appel compétente par la formule décisoire: « DÉSIGNE, pour statuer en appel, la cour d’assises de la Moselle ». La décision ne tranche pas le fond de l’action publique. Elle organise le déroulement de la phase d’appel devant une autre cour d’assises territorialement distincte, conformément au régime spécial de l’appel d’assises.
I. Fondement et office de la désignation
A. Le cadre légal de l’appel d’assises
L’appel des arrêts d’assises obéit à des règles spécifiques, issues d’une logique d’égal accès à un second examen et de maîtrise des risques locaux. Le code confie à la Cour de cassation la charge de désigner la juridiction d’appel, pour sécuriser la répartition et prévenir toute prévisibilité stratégique. La chambre criminelle rappelle ainsi le support normatif, en visant le texte pertinent: « Vu l’article 380‑14 du code de procédure pénale : ». Ce visa indique que la désignation n’est ni discrétionnaire ni implicite, mais procède d’un pouvoir encadré par la loi.
La composition de la chambre confirme la nature procédurale et concentrée de l’office. La décision précise qu’elle a été rendue par la chambre criminelle « composée en application de l’article 567‑1‑1 du code de procédure pénale », disposition permettant une formation restreinte pour les actes juridictionnels de répartition. La motivation tient en un rappel sec du fondement légal, ce qui correspond à la pratique constante des arrêts de désignation.
B. La portée juridique de l’office exercé
L’office de la chambre criminelle consiste à assigner l’affaire à une cour d’assises d’appel idoine, distincte de celle du premier ressort, pour une bonne administration de la justice. La formule décisoire, brève et impérative, le manifeste: « DÉSIGNE, pour statuer en appel, la cour d’assises de la Moselle ». Ce choix n’affecte ni la régularité de la déclaration de culpabilité, ni les moyens de fond, qui seront débattus devant la juridiction désignée.
La décision opère un acte d’organisation juridictionnelle, non un contrôle du litige. Elle fixe le cadre territorial du second examen, sans préjuger du traitement des moyens d’appel. Le silence sur les circonstances concrètes est volontaire et conforme à la nature abstraite de la désignation, centrée sur l’ordre judiciaire plutôt que sur l’espèce.
II. Valeur et portée de la désignation opérée
A. Les garanties d’impartialité et de bonne administration
La centralisation de la désignation par la Cour de cassation répond à une exigence de distance institutionnelle et de neutralisation des influences locales. En procédant par un arrêt autonome, la chambre criminelle stabilise l’instance d’appel et réduit les risques de conflits de compétence. La mention « Vu l’article 380‑14 du code de procédure pénale : » crédite la solution d’une assise textuelle explicite, qui évite les contestations accessoires.
Le choix d’une cour d’assises d’un autre département du même ressort géographique ménage un équilibre. Il garantit une séparation suffisante par rapport au premier jugement, tout en préservant la proximité fonctionnelle et la célérité. Le dispositif, normé et routinier, sert la prévisibilité procédurale sans rigidifier le traitement des affaires.
B. Les incidences pratiques et l’appréciation critique
La désignation emporte des effets concrets sur la préparation de l’audience d’appel, la convocation des parties civiles et l’organisation de la défense. Le transfert dans un département voisin limite les charges logistiques, tout en maintenant l’exigence d’un nouveau débat contradictoire devant jurés et magistrats différents. L’économie générale du mécanisme protège ainsi la lisibilité du parcours procédural.
La brièveté de la motivation, concentrée sur l’énoncé légal et le dispositif, peut susciter le souhait d’une traçabilité accrue des critères de choix. Toutefois, l’acte vise exclusivement l’ordonnancement des juridictions et s’inscrit dans une typologie d’arrêts techniques. La formule « DÉSIGNE, pour statuer en appel, la cour d’assises de la Moselle » suffit, car elle circonscrit avec précision la compétence et ferme tout contentieux incident.
Aussi l’arrêt confirme-t-il la cohérence d’un schéma de répartition placé sous l’autorité normative de la Cour de cassation. Le rappel du fondement, la désignation claire et l’économie rédactionnelle assurent la sécurité procédurale attendue, sans empiéter sur le débat de fond réservé à la juridiction d’appel.