L’ordonnance rendue par le Conseil d’État le 10 mars 2025 traite de l’accès à l’exercice de la médecine pour des praticiens diplômés hors de l’Union européenne. Plusieurs candidats ayant échoué aux épreuves de vérification des connaissances de la session 2024 ont contesté les délibérations des jurys devant le juge administratif. Ils invoquaient des atteintes graves aux libertés fondamentales, notamment la liberté de travailler et le droit de mener une vie familiale normale après cet échec professionnel. Saisi en première instance, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête par une ordonnance du 19 février 2025. Les requérants ont alors formé un appel devant la haute juridiction administrative sur le fondement de la procédure de référé-liberté prévue au code de justice administrative. Les demandeurs soutenaient que le jury était incompétent pour fixer une note minimale d’admission et avait méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats. La question posée au juge consistait à savoir si la situation de précarité induite par l’échec au concours caractérisait l’urgence particulière requise par les textes. Le Conseil d’État rejette l’appel en considérant que les circonstances avancées ne justifient pas une mesure de sauvegarde devant intervenir en quarante-huit heures. L’analyse portera d’abord sur l’appréciation rigoureuse de la condition d’urgence particulière puis sur le maintien de la souveraineté des jurys de sélection.
I. Une appréciation rigoureuse de la condition d’urgence particulière
A. L’exigence de célérité inhérente à la procédure de référé-liberté
L’usage des pouvoirs prévus par le code de justice administrative est « subordonné à la condition qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention dans les quarante-huit heures ». Cette exigence impose aux requérants de prouver qu’une mesure de sauvegarde immédiate est indispensable pour protéger une liberté fondamentale gravement menacée par l’administration. Les candidats soutenaient que l’échec aux épreuves de vérification entraînait une précarité administrative majeure susceptible de compromettre leur maintien régulier sur le territoire national. Cependant, le juge maintient une interprétation restrictive de la notion d’urgence afin de préserver le caractère exceptionnel de cette voie de droit très rapide.
B. La neutralisation de l’urgence par l’existence de mesures administratives dérogatoires
La caractérisation de l’urgence se trouve ici neutralisée par l’existence de mesures administratives dérogatoires visant à sécuriser le parcours des praticiens hospitaliers n’ayant pas été admis. L’ordonnance mentionne une instruction ministérielle incitant les autorités régionales à délivrer « une attestation temporaire d’exercice aux praticiens ayant échoué » sous réserve de certains engagements. Cette faculté d’obtenir une autorisation provisoire permet d’atténuer les conséquences professionnelles immédiates pour les médecins concernés par les résultats de la session 2024. En conséquence, « les circonstances avancées par les requérants ne caractérisent pas une situation d’urgence » impliquant que le juge doive statuer dans un délai bref. Le rejet fondé sur l’absence d’urgence permet au juge de ne pas sanctionner les griefs portant sur la légalité interne de la sélection opérée.
II. Le maintien de la souveraineté des jurys face aux griefs de légalité
A. La validation implicite des critères de sélection fixés par les autorités
Le Conseil d’État confirme la légalité des délibérations en rejetant les critiques relatives à la fixation des seuils de réussite par les jurys nationaux de spécialité. Les requérants dénonçaient une atteinte à l’égalité de traitement en raison de la différenciation des notes minimales d’admission selon les catégories de candidats présentés. Or, le juge considère que les éléments fournis ne permettent pas d’établir une illégalité manifeste commise par l’administration lors des opérations de sélection des praticiens. Cette position préserve la souveraineté du jury dans l’appréciation des aptitudes professionnelles des candidats sans que le juge ne puisse substituer sa propre évaluation.
B. L’absence d’obligation de pourvoir l’intégralité des postes ouverts au concours
L’ordonnance écarte également le grief selon lequel l’administration serait tenue de pourvoir l’intégralité des postes ouverts par les textes réglementaires en vigueur pour l’année. Les requérants estimaient que le jury ne pouvait légalement laisser des postes vacants alors que des candidats restaient aptes à être recrutés selon leurs résultats. Le juge des référés valide toutefois la pratique consistant à limiter le nombre de lauréats en fonction du niveau d’exigence requis pour la sécurité. En précisant que les requérants « ne sont pas fondés à se plaindre du rejet de la demande », la haute juridiction administrative protège l’organisation des concours.