Juge des référés du Conseil d’État, le 11 avril 2025, n°503288

Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 11 avril 2025, une ordonnance relative aux conditions d’engagement du référé-liberté par un organisme de formation professionnelle. Un organisme privé, dont l’activité dépend exclusivement des fonds du compte personnel de formation, sollicitait l’enregistrement forcé de ses nouvelles coordonnées bancaires auprès de l’établissement public gestionnaire. Le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande le 7 avril 2025, au motif que la condition d’urgence n’était pas remplie. La requérante a alors saisi la haute juridiction administrative pour obtenir l’annulation de cette décision et l’injonction de procéder au déblocage des fonds nécessaires à ses paiements. Le litige soulève la question de la caractérisation de l’urgence lorsqu’un retard administratif menace prétendument la survie économique d’une entité privée dans le cadre d’un service dématérialisé. La juridiction administrative rejette la requête en confirmant que l’imminence du péril financier n’était pas suffisamment documentée par les pièces produites par la société lors de l’instance. Cette décision conduit à examiner la rigueur du contrôle de l’urgence avant d’analyser les exigences probatoires imposées aux requérants en matière de démonstration du péril financier imminent.

I. La rigueur du contrôle de la condition d’urgence

A. L’exigence impérieuse d’un péril imminent pour la liberté fondamentale

Le juge rappelle qu’il appartient au requérant de « justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité de bénéficier, dans le très bref délai prévu, d’une mesure provisoire ». Cette exigence textuelle de l’article L. 521-2 du code de justice administrative impose une démonstration concrète de l’immédiateté du risque encouru par la liberté invoquée. En l’espèce, la société invoquait une atteinte grave à sa liberté d’entreprendre ainsi qu’à son droit de propriété sur les fonds publics qui lui étaient dus. Le Conseil d’État souligne que l’urgence doit être appréciée globalement, en tenant compte des diligences de l’administration et des difficultés réelles rencontrées par l’organisme de formation. La mesure sollicitée doit apparaître comme le seul remède possible pour prévenir un dommage irréversible à très brève échéance, ce qui justifie la sévérité du contrôle juridictionnel.

B. L’appréciation souveraine des circonstances factuelles par le juge du fond

L’ordonnance confirme l’analyse du premier juge concernant l’historique des demandes d’enregistrement effectuées par la société auprès de l’établissement public chargé de la gestion du dispositif. Le tribunal administratif de Melun avait relevé qu’un premier traitement avait eu lieu, mais que les versements subséquents avaient été rejetés par l’établissement bancaire de la société. Cette circonstance factuelle affaiblit la thèse d’une inaction fautive de l’administration et incite le juge à une prudence accrue dans l’octroi d’une mesure d’urgence impérieuse. Le juge des référés estime que les éléments fournis ne permettent pas de caractériser une situation d’urgence exceptionnelle, malgré les difficultés de trésorerie alléguées par la requérante. La persistance d’une procédure de traitement en cours limite la portée de l’urgence, dès lors que l’administration n’a pas manifesté d’opposition de principe au versement.

II. Les exigences probatoires relatives au péril financier

A. La nécessité d’une documentation exhaustive de la situation économique

Le Conseil d’État précise que la requérante « ne produit pas d’élément permettant de documenter la globalité et la réalité de sa situation financière » pour justifier sa mise en péril. Une simple capture d’écran montrant le blocage d’un compte bancaire ou des mises en demeure de créanciers s’avère insuffisante pour convaincre le juge du référé-liberté. La preuve du péril imminent nécessite la production de bilans comptables récents ou d’états de trésorerie certifiés permettant d’évaluer l’équilibre financier général de l’entreprise concernée. Le juge refuse de déduire l’urgence de la seule existence de dettes fournisseurs, si la viabilité globale de l’organisme de formation n’est pas précisément établie par des pièces probantes. Cette exigence de transparence financière protège l’usage de la procédure de référé contre des demandes insuffisamment étayées ou prématurées au regard des délais administratifs normaux.

B. L’indifférence des erreurs matérielles dénuées d’influence sur le litige

La société soutenait que le premier juge avait commis une erreur matérielle concernant la date d’éligibilité de ses formations au dispositif du compte personnel de formation. Le Conseil d’État écarte ce moyen en soulignant que cette erreur alléguée « porte sur un motif surabondant de l’ordonnance attaquée » et ne saurait entrainer son annulation. La solution du litige repose exclusivement sur l’absence de caractérisation de l’urgence, indépendamment des considérations techniques liées au calendrier réglementaire des formations dispensées par l’organisme. Le juge refuse ainsi de s’attarder sur des éléments périphériques dès lors que la condition essentielle de l’imminence du péril financier fait radicalement défaut au dossier. Cette approche pragmatique confirme que la démonstration d’une urgence avérée constitue le préalable indispensable et incontournable à tout examen au fond de la légalité de l’action administrative.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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