Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 11 juin 2025, une ordonnance précisant les limites de son office en matière de protection des lanceurs d’alerte. Un administré sollicitait la transmission forcée de ses signalements à diverses autorités étatiques ainsi que la reconnaissance officielle de sa qualité de lanceur d’alerte. Ce requérant arguait qu’une précédente décision juridictionnelle n’ayant pas transmis ses alertes constituait une carence fautive grave de la part de l’administration. Le juge des référés du Conseil d’État devait ainsi déterminer s’il pouvait légalement ordonner des mesures de communication administrative sous le régime de l’urgence. L’ordonnance rejette la requête en considérant qu’« il n’appartient pas au juge des référés du Conseil d’Etat de transmettre une alerte, ni de connaître de telles demandes ».
**I. L’incompétence manifeste du juge des référés pour les mesures non juridictionnelles**
**A. Le rejet d’une demande de transmission administrative d’alerte**
Le requérant souhaitait que le juge ordonne la notification de ses alertes au premier président de la Cour de cassation et à plusieurs membres du Gouvernement. Toutefois, le cadre du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative impose une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté. La mission du juge administratif consiste à censurer des actes ou comportements administratifs et non à se substituer aux autorités dans leur correspondance administrative. Le juge souligne fermement qu’il n’est pas habilité à devenir un organe de transmission des alertes professionnelles ou citoyennes vers les autres institutions de l’État. L’exercice d’un tel pouvoir sortirait du champ juridictionnel pour entrer dans une gestion purement administrative des signalements dont le juge n’a pas la charge.
**B. L’impossibilité de constater un statut juridique de lanceur d’alerte**
La demande de reconnaissance du statut de lanceur d’alerte dépasse également le champ d’action traditionnellement dévolu au juge statuant dans l’urgence. Ce dernier ne peut délivrer des certificats de statut juridique mais doit seulement ordonner des mesures nécessaires à la sauvegarde immédiate d’une liberté fondamentale. L’ordonnance rappelle par son laconisme que le juge des référés n’est pas une juridiction au fond chargée de qualifier durablement la situation juridique des personnes. Cette prétention est jugée manifestement mal fondée car elle ne répond pas aux conditions strictes d’intervention du magistrat de l’urgence dans le contentieux administratif. Le juge administratif refuse ainsi de s’ériger en autorité de certification des lanceurs d’alerte en dehors d’un litige portant sur une mesure de rétorsion précise.
**II. La stricte délimitation de l’office du juge du référé-liberté**
**A. L’application de la procédure de rejet immédiat de l’article L. 522-3**
Le magistrat a choisi d’utiliser la procédure simplifiée permettant de rejeter une requête sans instruction préalable ni tenue d’une audience publique de référé. Selon l’article L. 522-3 du code de justice administrative, cette faculté est ouverte quand il apparaît manifeste que la demande ne relève pas de sa compétence. L’absence manifeste de base légale pour les mesures sollicitées justifiait ici une décision rapide afin de ne pas encombrer inutilement le rôle de la juridiction. Ce mode de traitement souligne le caractère fantaisiste ou juridiquement erroné de la demande initiale formulée par le requérant devant le Conseil d’État. Le juge peut ainsi rejeter une requête par une ordonnance motivée dès lors que l’irrecevabilité ou le défaut de fondement est flagrant à la lecture.
**B. L’absence d’objet de la contestation relative à la récusation**
Le requérant exigeait parallèlement la récusation d’un magistrat ayant statué sur une précédente affaire, craignant sans doute un manque d’impartialité pour la nouvelle instance. Le Conseil d’État écarte ce moyen en relevant simplement que le magistrat visé par la demande de récusation « n’est pas juge des référés dans la présente instance ». Cette partie de la requête se trouvait donc dépourvue d’objet et ne pouvait qu’aboutir à un rejet formel par le juge statuant souverainement sur la question. La juridiction administrative évite ainsi de se prononcer sur le bien-fondé des griefs d’impartialité dès lors que le lien procédural nécessaire fait défaut entre les deux affaires. Le juge des référés assure par cette solution la protection de la sérénité des débats sans avoir à traiter des demandes devenues inutiles au litige.