Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 13 mai 2025, une ordonnance relative au refus d’inscription d’un praticien au tableau professionnel de l’ordre. Un chirurgien spécialisé contestait la décision de l’instance nationale ayant confirmé l’annulation de son inscription départementale en raison d’un défaut de moralité professionnelle. Le praticien avait essuyé plusieurs refus d’inscription dans différents départements en raison de manquements déontologiques passés et d’un exercice illégal de la médecine. L’instance nationale avait fondé sa décision sur l’omission de sanctions disciplinaires dans le questionnaire d’inscription et sur l’existence de multiples procédures judiciaires. Le requérant a saisi la juridiction administrative d’une demande de suspension, invoquant notamment une méconnaissance du principe de prohibition de la « reformatio in pejus ». Il s’agissait de savoir si l’autorité ordinale peut aggraver les motifs d’un refus d’inscription sans porter atteinte aux droits de la défense de l’appelant. La question portait également sur la qualification des faits cumulés au regard de la condition de moralité exigée par le code de la santé publique. Le juge rejette la requête en soulignant que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-aggravation n’est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux.
I. L’EXCLUSION DU PRINCIPE DE NON-AGGRAVATION DANS LE CONTENTIEUX DE L’INSCRIPTION
A. La nature purement administrative du refus d’inscription au tableau Le juge précise d’emblée que le refus d’inscription au tableau professionnel constitue « une décision administrative qui n’a pas le caractère d’une sanction ». Cette qualification juridique exclut l’application automatique des garanties propres au droit répressif disciplinaire lors de l’examen d’une demande d’accès à la profession. L’inscription ordinale relève d’une mission de police administrative destinée à vérifier que les candidats remplissent les conditions légales de moralité et de compétence. Par conséquent, l’autorité qui se prononce sur cette demande exerce un pouvoir de contrôle sur les conditions d’accès et non un pouvoir de punition. Cette distinction fondamentale justifie que le juge administratif refuse d’étendre les principes généraux du droit pénal à une procédure purement administrative d’autorisation.
B. La licéité de la substitution de motifs par l’instance ordinale supérieure Le requérant invoquait le principe de prohibition de la « reformatio in pejus » pour contester l’ajout de nouveaux griefs par l’instance ordinale d’appel. Le juge estime toutefois qu’un tel moyen est inopérant dès lors que le dispositif de la décision attaquée « a exactement le même effet que celui de la décision initiale ». L’instance nationale peut donc légalement substituer ou compléter les motifs de droit ou de fait pour justifier le maintien du refus d’inscription. Cette solution permet à l’autorité ordinale de garantir la protection de la santé publique en tenant compte de l’ensemble du passé déontologique du candidat. La procédure de référé confirme ainsi que la protection de l’appelant contre l’aggravation de son sort ne s’étend pas au contentieux des autorisations administratives.
II. UNE CONCEPTION RIGOUREUSE DE LA CONDITION DE MORALITÉ PROFESSIONNELLE
A. Le cumul des manquements déontologiques comme obstacle à l’exercice La condition de moralité est appréciée au regard du comportement global du praticien, notamment à travers le nombre et la gravité de ses condamnations antérieures. L’ordonnance relève l’existence de « six sanctions disciplinaires définitives, dont cinq relatives à un comportement contraire à la déontologie médicale à l’égard des patients ». Ce passif professionnel important, accumulé sur une dizaine d’années, constitue un faisceau d’indices concordants permettant de douter de l’intégrité du demandeur. Le juge valide l’analyse de l’instance ordinale qui avait également pris en compte l’exercice illégal de la médecine durant une période de suspension. La répétition de manquements graves aux obligations déontologiques rend alors manifestement légale la décision interdisant l’accès au tableau départemental.
B. La confirmation d’un contrôle restreint du juge sur les exigences déontologiques Le juge administratif opère un contrôle restreint sur l’appréciation portée par les instances ordinales concernant l’exigence de moralité requise pour soigner les malades. Il considère que le moyen tiré d’une inexacte application des dispositions législatives n’est pas de nature à justifier la suspension de l’exécution contestée. La décision souligne que la plupart des procédures en cours « touchent à la déontologie médicale » et renforcent le constat d’une incompatibilité avec l’exercice serein de la profession. Cette sévérité juridictionnelle protège les usagers du système de santé contre des professionnels dont le parcours témoigne d’une méconnaissance persistante des règles éthiques. L’ordonnance confirme finalement que la probité d’un médecin demeure une condition substantielle et permanente dont le respect doit être scrupuleusement vérifié.