L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État du seize avril deux mille vingt-cinq illustre la délimitation stricte des compétences au sein de l’ordre administratif. Une administrée demandait au juge de mettre fin à une mesure qualifiée de séquestration constituant selon elle un abus d’autorité manifeste de l’État. La requérante invoquait également des préjudices liés à une procédure d’expulsion et à la rétention de documents par un tribunal de proximité. Saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, le magistrat devait statuer sur l’opportunité de telles mesures conservatoires. La procédure de référé engagée directement devant la plus haute juridiction administrative supposait toutefois que le litige principal relève de sa compétence directe. Le juge des référés rejette la requête sans instruction en invoquant l’incompétence manifeste de la juridiction administrative pour connaître de telles conclusions. Se pose alors la question de l’étendue du pouvoir du juge des référés du Conseil d’État face à des prétentions touchant à la liberté individuelle.
I. L’exigence d’une compétence directe du Conseil d’État en matière de référé
A. Le lien nécessaire avec le litige principal au fond
Le juge rappelle que sa saisine en premier et dernier ressort est conditionnée par la nature du litige principal auquel se rattache la mesure. En vertu du code de justice administrative, le juge des référés ne peut agir que si le Conseil d’État est compétent pour le fond. Cette règle de procédure garantit le respect de la hiérarchie juridictionnelle et évite tout contournement des règles habituelles de répartition des compétences territoriales. L’article R. 522-8-1 précise d’ailleurs que le juge doit décliner sa compétence par voie d’ordonnance lorsque ces conditions légales ne sont pas remplies. Dans cette affaire, la requérante n’établissait aucun lien entre sa demande urgente et un recours principal relevant directement de la compétence de la haute juridiction.
B. L’usage de l’ordonnance de rejet pour incompétence manifeste
L’article L. 522-3 du code de justice administrative permet d’écarter les requêtes ne remplissant manifestement pas les conditions de recevabilité ou de compétence. Le juge des référés utilise cette faculté pour rejeter les demandes dont l’objet échappe de façon évidente aux attributions du tribunal administratif. Cette procédure simplifiée assure une bonne administration de la justice en évitant l’encombrement du rôle par des dossiers juridiquement infondés ou mal dirigés. Le magistrat souligne ici qu’une telle demande « ne relève manifestement pas de la compétence du juge administratif » pour justifier l’absence d’audience. Le rejet sans instruction préalable marque ainsi la volonté de sanctionner une erreur manifeste dans le choix de l’ordre de juridiction par l’administré.
II. L’incompétence du juge administratif face aux mesures privatives de liberté
A. L’éviction du contentieux relatif à la liberté individuelle
La demande tendant à mettre un terme à une séquestration alléguée touche directement à la protection de la liberté individuelle des citoyens français. Le bloc de compétence administrative ne s’étend pas aux mesures de contrainte physique qui relèvent traditionnellement et constitutionnellement de la seule autorité judiciaire. Le juge des référés souligne que l’examen d’une situation de séquestration est étranger aux missions de contrôle des actes administratifs dévolues au Conseil d’État. En refusant de se prononcer, la juridiction administrative préserve le domaine réservé au juge judiciaire, gardien naturel des libertés fondamentales selon la Constitution. La qualification d’abus d’autorité par la requérante ne suffit pas à transformer un litige de nature pénale en un recours pour excès de pouvoir.
B. L’insaisissabilité des actes relevant de l’autorité judiciaire
La requérante critiquait également des agissements imputés au juge des contentieux du tribunal de proximité d’Ivry-sur-Seine concernant son logement et ses documents. Les décisions de justice rendues par l’ordre judiciaire ne peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif en raison de la séparation des pouvoirs. Le Conseil d’État réaffirme indirectement que le fonctionnement des services de la justice judiciaire échappe au contrôle du juge des référés de l’ordre administratif. Les griefs portant sur l’exécution d’une décision de la Cour de cassation ou sur des procédures civiles doivent impérativement être portés devant les instances judiciaires. L’ordonnance confirme ainsi l’impossibilité pour le juge administratif d’interférer dans les litiges privés ou les décisions de ses homologues de l’ordre judiciaire.