Le juge des référés du Conseil d’Etat a rendu, le 18 juin 2025, une ordonnance relative à l’application d’une loi du pays en Polynésie française. Une norme locale du 15 mai 2025 prévoyait le versement d’une prime exceptionnelle aux bénéficiaires du régime de retraite des travailleurs salariés. Un justiciable a saisi la haute juridiction administrative afin d’obtenir la suspension de ce texte ou sa nouvelle publication pour méconnaissance des formes prescrites. Le requérant invoquait une atteinte à la sécurité juridique tout en soulignant l’impact financier de la mesure sur son patrimoine personnel. La question posée au juge porte sur la réunion des conditions d’urgence et d’utilité nécessaires au prononcé d’une mesure d’injonction. Le magistrat rejette la requête en considérant que l’utilité de la mesure et l’urgence de la situation ne sont nullement établies par le demandeur. L’examen des conditions de recevabilité du référé conservatoire précédera l’analyse de la sanction du défaut de caractérisation de l’urgence.
I. L’exigence de conditions cumulatives propres au référé conservatoire
A. Le fondement textuel de la compétence du juge des référés
L’article L. 521-3 du code de justice administrative permet au juge d’ordonner « toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision ». Cette procédure suppose que le demandeur justifie d’une situation de fait nécessitant une intervention rapide pour préserver ses droits éventuels. Le juge vérifie si la mesure sollicitée présente un caractère d’utilité réelle au regard de l’objectif de protection juridique poursuivi par le requérant. En l’espèce, la demande visait à suspendre l’exécution d’une loi du pays, acte administratif à valeur législative dans l’ordonnancement juridique de la collectivité. Cette prétention suppose une démonstration particulièrement solide de la nécessité d’interrompre l’application d’une norme générale et impersonnelle dûment promulguée.
B. L’appréciation souveraine du caractère utile de la mesure
Le juge doit s’assurer que l’injonction demandée est de nature à remédier efficacement à l’illégalité invoquée par la partie requérante. La requête tendait subsidiairement à obtenir une « nouvelle publication de cette loi en respectant strictement les exigences de forme imposées » par les textes. Cette demande d’ordre structurel se heurte souvent à la difficulté de démontrer qu’une simple régularisation formelle présente une utilité immédiate pour le justiciable. Le Conseil d’Etat maintient une interprétation stricte de cette condition afin d’éviter que le juge des référés ne s’immisce trop lourdement dans l’activité normative. L’absence de démonstration probante conduit le juge à écarter la demande sans engager d’instruction contradictoire approfondie.
II. La sanction du défaut de caractérisation de l’urgence et de l’utilité
A. L’insuffisance des arguments relatifs aux effets patrimoniaux
Le requérant soutenait que la condition d’urgence était remplie au motif que la loi contestée avait « déjà produit des effets sur son patrimoine ». Le juge des référés considère souverainement que cette seule affirmation ne suffit pas à établir la réalité d’un péril imminent justifiant une mesure. L’impact financier doit être précisément quantifié et documenté pour permettre au magistrat d’évaluer la gravité des conséquences de l’acte administratif attaqué. Une simple référence à la modification de la situation patrimoniale reste trop vague pour caractériser l’urgence requise par les dispositions du code. La solution retenue confirme que la charge de la preuve pèse intégralement sur le demandeur lors de l’introduction de son instance.
B. Le rejet manifeste fondé sur les pouvoirs de l’article L. 522-3
Le magistrat utilise la procédure simplifiée pour rejeter la requête en relevant que le demandeur « n’établit nullement l’utilité de cette mesure ni même l’urgence ». L’ordonnance est rendue sans instruction ni audience publique, ce qui témoigne du caractère manifestement infondé des prétentions soumises à la haute juridiction. Cette célérité procédurale protège l’administration contre les recours manifestement voués à l’échec tout en garantissant une bonne administration de la justice administrative. Le rejet total des conclusions, y compris celles portant sur les frais exposés, clôt définitivement cette tentative de contestation de la prime exceptionnelle. La décision souligne ainsi la rigueur nécessaire à la rédaction des recours formés devant le juge de l’urgence.