Le Conseil d’État statuant à Paris a rendu, le 2 avril 2025, une ordonnance de référé précisant les conditions d’urgence relatives à l’inscription d’un médecin. Cette décision s’inscrit dans un contentieux complexe lié au refus d’exercice d’un chirurgien spécialisé au sein de différents ressorts géographiques de l’ordre professionnel.
Le requérant a sollicité son transfert vers un nouveau département après avoir exercé ses fonctions durant plusieurs années dans une autre juridiction ordinale locale. Son inscription a d’abord été acceptée par l’instance départementale avant d’être annulée par la formation restreinte régionale pour défaut de moralité professionnelle.
Le praticien a formé un recours en suspension contre cette annulation en mettant en avant la perte de ses revenus et la rupture du suivi de ses patients. L’instance régionale conteste l’urgence en raison du calendrier de la procédure nationale engagée parallèlement par le médecin devant le conseil supérieur de l’ordre des médecins.
Le juge doit déterminer si l’impossibilité momentanée d’exercer une activité spécialisée constitue une urgence alors qu’une instance administrative doit statuer à brève échéance. Cette question suppose d’évaluer la gravité des préjudices financiers face à la rapidité prévisible de la réponse définitive émanant de l’administration ordinale nationale.
La juridiction rejette la demande de suspension au motif que le délai restant avant la réunion du conseil national ne permet pas de caractériser l’urgence. L’analyse se portera sur la définition rigoureuse de l’urgence avant d’étudier l’incidence de ce rejet sur l’économie du contrôle de la légalité administrative.
I. L’appréciation rigoureuse de la condition d’urgence en référé-suspension.
A. La définition prétorienne d’une atteinte grave et immédiate.
Le magistrat rappelle que l’urgence est justifiée si l’acte « porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public ou à la situation ». Cette exigence impose au juge des référés d’apprécier concrètement les effets de la décision contestée sur la base des seules justifications apportées par le requérant. Le chirurgien soulignait ici la menace de liquidation de sa société ainsi que l’incapacité de subvenir à ses besoins courants et au remboursement de ses dettes.
B. L’incidence du calendrier administratif sur la caractérisation du péril.
L’instance nationale de l’ordre doit examiner le recours du médecin lors d’une séance fixée au 9 avril 2025, soit peu après l’audience de référé. Le juge considère que « la courte période restant à courir jusqu’à cette décision » n’est pas de nature à aggraver significativement la situation déjà précaire de l’intéressé. Cette proximité temporelle neutralise l’urgence de la suspension judiciaire car le temps d’attente administratif n’apparaît pas disproportionné au regard de la nature du contentieux.
II. L’éviction du contrôle de légalité par le défaut d’urgence.
A. Le caractère subsidiaire de l’examen des moyens de droit.
Le code de justice administrative dispose que la suspension exige cumulativement l’urgence et « un moyen propre à créer… un doute sérieux quant à la légalité ». Le constat d’une absence d’urgence permet au juge de rejeter la requête sans avoir à se prononcer sur les griefs de fond soulevés par le requérant. Cette démarche évite de trancher prématurément le débat sur la moralité professionnelle ou sur l’omission de sanctions disciplinaires lors des demandes d’inscription.
B. La préservation de la cohérence du contrôle juridictionnel ordinal.
La solution rendue maintient l’efficacité du recours administratif préalable obligatoire tout en respectant l’autonomie des instances de régulation de la profession médicale dans leurs missions. Elle empêche une immixtion du juge dans un processus administratif en cours qui bénéficiera bientôt d’une décision définitive sur la situation du praticien. Ce rejet protège l’équilibre entre la protection des droits individuels du médecin et l’exigence de probité nécessaire à l’exercice légal de la médecine spécialisée.