Juge des référés du Conseil d’État, le 21 mai 2025, n°504124

Par une ordonnance du 21 mai 2025, le juge des référés du Conseil d’État se prononce sur le contentieux de la délivrance d’un laissez-passer consulaire. Deux ressortissants français ont eu un enfant à l’étranger par gestation pour autrui et sollicitent un document de voyage pour regagner le territoire national. Ils disposent d’un acte de naissance établi par les autorités locales mentionnant leur double paternité mais se heurtent à une demande de pièces complémentaires. Par une ordonnance n° 2511554 du 2 mai 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Paris rejette leur demande d’injonction envers l’administration. Saisi en appel sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la haute juridiction doit déterminer l’existence d’une atteinte illégale. Le Conseil d’État considère que les services administratifs n’ont pas été utilement saisis faute de transmission des documents indispensables à l’instruction de la demande. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’exigence d’une saisine effective de l’administration (I) avant d’envisager l’absence d’atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales (II).

I. L’exigence d’une saisine effective des services administratifs

L’obtention d’un laissez-passer consulaire repose sur une vérification préalable de l’identité et de la nationalité française par les autorités compétentes sur le territoire étranger.

A. La nécessité d’une instruction administrative préalable

Le décret du 30 décembre 2004 encadre strictement la délivrance des titres de voyage exceptionnels pour les ressortissants démunis de documents de circulation officiels. Le juge rappelle qu’un laissez-passer est délivré « après vérification de son identité et de sa nationalité française » conformément aux dispositions réglementaires en vigueur. Cette phase d’instruction constitue une garantie essentielle pour la puissance publique qui doit s’assurer de la licéité des liens de filiation présentés par les parents. L’administration avait invité les requérants à transmettre les documents en leur possession pour procéder à l’analyse de leur demande individuelle de titre de voyage. Cette diligence administrative est le préalable indispensable à la reconnaissance de l’atteinte aux libertés avant de constater toute carence fautive.

B. L’absence de transmission des pièces justificatives essentielles

Le Conseil d’État relève que les requérants n’ont pas transmis aux services administratifs les pièces attestant de l’identité de l’enfant et de la mère porteuse. Bien que des documents fussent produits devant le juge des référés, cette production tardive ne saurait pallier l’absence de diligence initiale auprès de l’administration. La haute juridiction estime ainsi que les services compétents n’avaient pas été « utilement saisis d’une demande » de délivrance d’un document de voyage international. Cette carence des demandeurs empêche l’administration d’exercer son pouvoir d’appréciation et neutralise par conséquent toute critique portant sur un éventuel refus illégal de sa part. L’absence de saisine utile de l’administration fait obstacle à la démonstration d’une atteinte caractérisée aux droits fondamentaux de l’enfant mineur.

II. L’absence d’atteinte caractérisée à une liberté fondamentale

La qualification d’une atteinte grave et manifestement illégale dépend étroitement de la capacité de l’autorité publique à prendre une décision éclairée sur le dossier présenté.

A. Le refus de constater une illégalité manifeste

L’article L. 521-2 du code de justice administrative exige la preuve d’une atteinte grave portée par une personne publique dans l’exercice de ses pouvoirs. Le juge souverain considère qu’il ne peut être établi que les services auraient « porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées ». Le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant ne sont pas méconnus par une simple demande d’instruction. L’illégalité manifeste suppose un comportement administratif qui excède les nécessités du contrôle de la nationalité ou de la régularité des actes de l’état civil.

B. Le maintien de la procédure de référé-liberté dans son cadre subsidiaire

L’ordonnance souligne que le juge des référés ne peut se substituer à l’administration lorsque celle-ci n’a pas encore eu l’occasion d’instruire la demande. La requête est donc rejetée car la condition d’urgence et l’illégalité ne peuvent résulter du seul fait de ne pas recevoir de réponse immédiate. Cette solution protège la mission des services publics tout en rappelant aux administrés leurs obligations documentaires minimales dans le cadre de situations complexes. La décision préserve ainsi l’équilibre entre la protection des droits individuels des citoyens et les prérogatives de contrôle de la puissance publique sur ses ressortissants.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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