Le juge des référés du Conseil d’État, par une ordonnance du 22 janvier 2025, a examiné la légalité du refus d’accès d’un candidat au corps de la magistrature. Un étudiant, dont les notes permettaient l’admission, a été écarté par l’autorité ministérielle en raison d’un manquement supposé à l’exigence de bonne moralité statutaire. Ce refus se fondait sur une condamnation à une mesure éducative intervenue durant sa minorité, alors que son comportement ultérieur était demeuré parfaitement exemplaire et irréprochable. Saisi sur le fondement de l’urgence, le juge devait apprécier si cette seule circonstance passée suffisait à justifier légalement l’exclusion définitive du candidat de la profession judiciaire. Le magistrat a censuré la position de l’administration en considérant que l’erreur d’appréciation commise créait un doute sérieux sur la validité de l’acte administratif. La présente étude examinera la limitation du pouvoir discrétionnaire de l’autorité de nomination avant d’analyser les mesures de sauvegarde ordonnées pour préserver l’avenir du candidat.
I. L’encadrement de l’appréciation administrative de la moralité du candidat
A. La prééminence d’un examen global et actuel de la probité
L’ordonnance du 22 décembre 1958 impose aux candidats de « jouir de leurs droits civiques et être de bonne moralité » pour accéder aux fonctions judiciaires. Le juge précise que cette condition doit s’apprécier concrètement en tenant compte de la « nature et de l’ancienneté des faits » ayant motivé une condamnation pénale ancienne. L’administration ne saurait se borner à constater l’existence d’une sanction passée sans rechercher si celle-ci reflète encore la personnalité présente de l’intéressé lors de sa candidature. En l’espèce, le requérant bénéficiait de rapports élogieux et d’une « absence d’aucun autre élément défavorable susceptible de mettre en cause sa bonne moralité » à la date du concours. Cette approche impose une analyse dynamique de la conduite humaine qui interdit de figer le destin d’un citoyen sur ses seules erreurs de jeunesse.
B. La neutralisation jurisprudentielle des erreurs de jeunesse
La juridiction relève que la mesure éducative de réparation, prononcée alors que l’intéressé était mineur, ne saurait constituer un obstacle insurmontable à son recrutement ultérieur. Les « avis unanimement favorables émis par les autorités consultées » ainsi que par la direction de l’école soulignaient la pleine réinsertion sociale et professionnelle du candidat évincé. Le juge considère ainsi que le motif invoqué par le ministre procède d’une vision excessivement rigide et erronée des garanties de moralité attendues d’un futur magistrat. Cette solution protège efficacement le droit à l’oubli des fautes commises durant l’enfance tout en préservant l’intégrité de l’accès aux fonctions de souveraineté. La reconnaissance de cette erreur d’appréciation manifeste conduit nécessairement le juge à s’interroger sur l’opportunité de suspendre l’exécution de la décision litigieuse.
II. L’effectivité de la protection juridictionnelle par le juge de l’urgence
A. La reconnaissance d’une atteinte grave et immédiate au parcours professionnel
La suspension d’un acte administratif exige que son exécution porte atteinte « de manière suffisamment grave et immédiate » à la situation personnelle du requérant ou à ses intérêts. Le juge constate que le candidat, ayant consacré une année entière à sa préparation, se trouvait privé de toute ressource financière suite à la perte de sa bourse. L’imminence de la formation commençant en février 2025 rendait impossible toute intégration ultérieure, même en cas d’annulation définitive du refus par le juge du fond. Cette situation de précarité, aggravée par l’impossibilité de s’inscrire dans un autre cursus universitaire, justifiait pleinement le recours à une mesure de sauvegarde immédiate. L’urgence est ici appréciée au regard du risque de rupture irréversible du projet de carrière d’un individu dont les mérites avaient été reconnus.
B. La portée des injonctions de réintégration provisoire
Le magistrat ordonne la suspension de la décision contestée et enjoint à la présidente du jury de statuer sur l’inscription provisoire de l’intéressé sur la liste d’admission. Cette mesure garantit que le candidat pourra débuter sa formation auprès de ses pairs, le cas échéant « en surnombre », sans attendre l’issue prolongée du contentieux principal. L’autorité ministérielle est également tenue de procéder à la nomination de l’auditeur de justice à titre provisoire afin de donner son plein effet à l’ordonnance rendue. Cette décision illustre la volonté du juge administratif de ne pas laisser subsister des situations injustes pouvant compromettre définitivement la vie professionnelle d’un futur agent public. La protection ainsi accordée assure le respect de la hiérarchie des normes tout en permettant une gestion équitable et humaine des procédures de recrutement national.