Juge des référés du Conseil d’État, le 24 septembre 2025, n°507799

Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 24 septembre 2025, une ordonnance relative à la légalité des méthodes de chasse traditionnelle. Cette décision s’inscrit dans un contentieux récurrent opposant la préservation de la biodiversité aux usages cynégétiques anciens. L’autorité ministérielle avait autorisé par arrêté la capture d’alouettes des champs au moyen de filets horizontaux dans plusieurs départements du sud-ouest. Deux associations de protection de la nature ont saisi la juridiction administrative afin d’obtenir la suspension de l’exécution de cet acte réglementaire. Elles invoquent notamment l’état de conservation préoccupant de l’espèce et la méconnaissance flagrante du droit de l’Union européenne. Le magistrat devait déterminer si l’exécution de l’arrêté portait une atteinte grave justifiant une mesure de suspension immédiate. Il devait également évaluer l’existence d’un doute sérieux quant à la conformité du dispositif avec la directive relative aux oiseaux sauvages. L’ordonnance fait droit à la demande de suspension en retenant l’urgence et l’illégalité probable de la dérogation accordée. Il convient d’analyser la reconnaissance de la condition d’urgence (I) avant d’étudier le doute sérieux pesant sur la légalité du dispositif (II).

**I. La caractérisation de l’urgence face au déclin de l’espèce aviaire**

L’urgence constitue une condition cumulative indispensable au prononcé d’une mesure de suspension en application du code de justice administrative. Le juge administratif doit apprécier si l’acte contesté nuit de manière suffisamment grave aux intérêts défendus par les requérants.

**A. La reconnaissance d’une atteinte grave aux intérêts environnementaux**

Le juge relève que l’arrêté autorise la capture d’un nombre important d’oiseaux migrateurs sur une période temporelle particulièrement brève. L’ordonnance précise qu’il est constant que l’alouette des champs est en déclin et a subi une forte diminution durant les vingt dernières années. Bien que l’espèce soit classée en préoccupation mineure au niveau européen, sa situation demeure fragile sur le territoire national. Le magistrat souligne que l’exécution de l’arrêté litigieux est de nature « à porter une atteinte grave et immédiate aux intérêts que les requérantes entendent défendre ». Cette appréciation objective tient compte de la difficulté à exclure les populations nichant localement des prélèvements autorisés par l’administration.

**B. L’absence d’intérêt public supérieur justifiant le maintien de l’acte**

La suspension nécessite une mise en balance entre les intérêts de la protection de la nature et les nécessités de l’action publique. L’administration n’invoque aucun motif de nature à faire obstacle au prononcé de la suspension de l’exécution des arrêtés contestés. En l’absence de nécessité publique impérieuse, la préservation de l’état de conservation de la population aviaire prime sur le maintien de l’autorisation. Le juge considère donc que la condition d’urgence est remplie sans qu’il soit besoin de prolonger davantage l’instruction sur ce point. Cette première étape franchie, le Conseil d’État s’attache à examiner le fond du droit et la validité des dérogations accordées.

**II. L’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la dérogation**

Le droit de l’Union européenne interdit par principe les méthodes de capture non sélectives mais prévoit des dérogations strictement encadrées par la directive. Le juge des référés relève un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté au regard des exigences de transposition nationales.

**A. Le caractère insuffisant de la tradition comme motif autonome de capture**

La directive oiseaux de 2009 proscrit le recours aux filets sauf s’il n’existe aucune autre solution satisfaisante pour les États membres. Le juge rappelle que « l’objectif de préserver ces méthodes ne constitue pas un motif autonome de dérogation » au sens de la législation européenne. Le caractère ancestral d’une pratique cynégétique ne suffit pas à justifier son maintien face aux impératifs de protection environnementale. Le magistrat s’appuie ici sur l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne donnée dans une décision du 17 mars 2021. L’argument fondé sur l’art qui entoure la capture ne permet pas de déroger valablement aux interdictions générales de la directive.

**B. La présence d’une solution alternative satisfaisante par la chasse au tir**

Le juge des référés identifie la chasse au tir comme une alternative viable répondant au même objectif de consommation humaine locale. Cette méthode est expressément autorisée par le code de l’environnement et respecte les conditions de sécurité fixées par les textes. L’ordonnance souligne l’absence d’autre objectif susceptible de justifier sérieusement le recours à cette méthode de capture traditionnelle et dérogatoire. Le moyen tiré de la méconnaissance des objectifs de la directive paraît donc de nature à créer un doute sérieux sur la légalité. Le Conseil d’État confirme ainsi sa jurisprudence restrictive concernant les dérogations aux modes de chasse interdits par le droit communautaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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