Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 25 avril 2025, une ordonnance précisant les contours de l’urgence en matière de séjour. Un ressortissant étranger, parent d’un enfant français, sollicitait le renouvellement de son titre de séjour auprès de la préfecture compétente. Après avoir bénéficié de plusieurs récépissés, l’intéressé s’est rendu en Espagne sans document de voyage valide pour un séjour à caractère touristique. Les autorités espagnoles ont alors décidé son placement en centre de rétention administrative pour une durée de soixante jours. Saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a statué le 9 avril 2025. La juge des référés a enjoint au préfet la délivrance d’un nouveau récépissé de demande de titre de séjour dans un délai bref. Le ministre de l’intérieur a alors interjeté appel de cette ordonnance devant la haute juridiction administrative. La question posée au juge consistait à savoir si l’inertie administrative justifiait une mesure de sauvegarde malgré le comportement fautif du demandeur. Le Conseil d’État annule l’ordonnance de première instance en estimant que la condition d’urgence n’était pas satisfaite en l’espèce.
I. La rigueur de l’appréciation de l’urgence dans le cadre du référé-liberté
A. Le rappel des critères objectifs de la situation d’urgence
« La condition d’urgence posée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances ». Cette exigence impose au requérant de démontrer la nécessité d’une intervention juridictionnelle dans un délai de quarante-huit heures seulement. La simple existence d’une atteinte à une liberté fondamentale ne suffit pas à caractériser, à elle seule, une situation d’urgence. Le juge doit analyser globalement la situation du demandeur pour vérifier si un péril imminent nécessite réellement une mesure de sauvegarde immédiate. En l’espèce, le retard mis par l’administration pour instruire la demande de renouvellement était manifeste mais insuffisant pour déclencher cette procédure.
B. L’imputabilité de la situation critique au comportement du requérant
Le Conseil d’État souligne que l’intéressé s’est rendu à l’étranger sans être « en possession d’un document l’autorisant à voyager hors du territoire ». L’absence de démarches pour obtenir un nouveau récépissé et la falsification du document expiré pèsent lourdement dans l’appréciation du juge. Le demandeur s’est délibérément placé dans une situation irrégulière lors de son passage de la frontière vers un autre État membre. Cette imprudence manifeste affaiblit la légitimité de la demande de protection urgente adressée au juge administratif français pour remédier à la rétention. La juridiction administrative refuse ainsi de compenser par une injonction les conséquences prévisibles d’un comportement illégal ou négligent de la part du justiciable.
II. L’absence de lien de causalité entre l’omission administrative et la privation de liberté
A. La pluralité des causes du placement en rétention administrative
Le placement en rétention en Espagne ne résultait pas uniquement de l’absence d’un titre de séjour français valide au moment du contrôle. « Le placement en rétention de l’intéressé ne trouve pas sa seule justification dans l’irrégularité de sa situation au regard du séjour ». Les motifs d’ordre public, liés à la possession d’une arme blanche et à des condamnations pénales, constituaient le fondement autonome de cette mesure. La privation de liberté subie à l’étranger trouvait sa source principale dans les agissements délictueux commis par le requérant sur le territoire espagnol. Par conséquent, le silence gardé par la préfecture française ne pouvait être regardé comme la cause directe et exclusive de la situation dénoncée.
B. L’inefficacité prévisible de l’injonction sur la situation internationale
« Il n’apparaît ainsi pas établi que la délivrance d’un nouveau récépissé » soit de nature à mettre fin à la mesure de rétention espagnole. Le juge des référés souligne l’absence d’utilité d’une mesure française pour influencer une procédure administrative ou judiciaire relevant de la souveraineté étrangère. L’injonction prononcée en première instance par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 9 avril 2025 était dépourvue d’objet pratique immédiat. Le Conseil d’État rejette les conclusions du requérant tout en qualifiant de « regrettable » le délai de traitement de son dossier par l’administration. Cette décision confirme que le référé-liberté ne constitue pas un remède automatique aux difficultés nées de la propre turpitude du demandeur.