Le Conseil d’État a rendu, le vingt-cinq juillet deux mille vingt-cinq, une ordonnance précisant les conditions de saisine du juge des référés en matière d’éloignement. Un ressortissant comorien a fait l’objet d’un contrôle routier puis d’une obligation de quitter le territoire français avec placement en rétention le sept mai deux mille vingt-cinq. Le tribunal administratif de La Réunion, par ordonnance du vingt-deux mai deux mille vingt-cinq, a suspendu l’exécution de cet arrêté en raison d’un projet de mariage. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur a alors saisi la haute juridiction administrative pour obtenir l’annulation de cette suspension et le rejet de la demande initiale. Le litige porte sur la possibilité d’invoquer, dans le cadre d’un référé-liberté, des éléments factuels préexistants mais non révélés lors de la phase administrative. Le juge administratif considère que le silence volontaire de l’intéressé empêche de qualifier ces faits de changement de circonstances de nature à écarter la procédure spéciale. L’étude de cette solution exige d’analyser l’exclusivité de la procédure de contestation (I) avant d’examiner l’appréciation restrictive des changements de circonstances (II).
I. L’articulation juridictionnelle entre le contentieux spécial de l’éloignement et le référé-liberté général
A. La consécration du principe d’exclusivité de la procédure prévue par le code de l’entrée et du séjour
Le Conseil d’État rappelle d’abord que le législateur a organisé une procédure spécifique pour contester les mesures d’éloignement forcé accompagnées d’un placement en rétention administrative. Cette voie de recours, prévue à l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, prime sur les référés de droit commun. L’ordonnance souligne que « cette procédure particulière est exclusive de celles prévues par le livre V du code de justice administrative » pour garantir la célérité du traitement. Le justiciable doit donc impérativement respecter les délais très brefs impartis pour saisir le juge compétent sous peine de voir ses demandes ultérieures rejetées comme irrecevables.
B. La délimitation stricte du changement de circonstances autorisant l’intervention du juge des référés
Une exception demeure toutefois possible si les modalités d’exécution de la mesure emportent des effets excessifs en raison de changements de circonstances de droit ou de fait. Ces modifications doivent nécessairement survenir après l’intervention de la décision administrative contestée ou après que le premier magistrat saisi a statué sur la légalité du dossier. Cette ouverture jurisprudentielle permet de concilier l’efficacité des mesures d’éloignement avec la protection effective des droits fondamentaux des individus susceptibles d’être renvoyés dans leur pays. Le juge des référés peut ainsi intervenir de manière résiduelle pour suspendre un éloignement dont l’exécution deviendrait manifestement illégale au regard d’une situation nouvelle imprévisible.
II. La sanction du silence de l’administré quant à l’appréciation du changement de circonstances
A. L’impossibilité d’invoquer des faits connus antérieurement pour caractériser une nouveauté de fait
La solution retenue par le juge des référés du Conseil d’État repose sur l’origine des éléments invoqués par le requérant lors de la procédure de suspension. Le demandeur, qui avait gardé le silence lors de sa garde à vue, tentait de justifier son droit au séjour par une relation amoureuse préexistante stable. Le Conseil d’État estime que l’invocation de faits « déjà connus de l’intéressé à la date de la décision » ne saurait constituer un changement de circonstances valide. Le choix délibéré de ne pas révéler ces informations à l’autorité administrative lors du contrôle initial empêche la requalification ultérieure de ces éléments en nouveauté.
B. La confirmation de l’absence d’atteinte caractérisée au droit à une vie privée et familiale
Au-delà de la recevabilité, la haute juridiction examine le fond du droit au respect de la vie privée et familiale invoqué par le ressortissant étranger désormais débouté. Elle juge que les éléments produits ne démontrent pas une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale garantie par la convention européenne de sauvegarde. Le projet de mariage avec une ressortissante française ne suffit pas, en l’espèce, à caractériser une illégalité manifeste justifiant l’usage des pouvoirs exceptionnels du juge. En annulant l’ordonnance du tribunal administratif de La Réunion, le Conseil d’État réaffirme la rigueur nécessaire pour écarter l’application normale des procédures spéciales de l’éloignement.