Par une ordonnance du 26 juin 2025, le juge des référés du Conseil d’État se prononce sur l’attribution des frais de justice après un non-lieu. Une ressortissante étrangère a contesté un arrêté portant obligation de quitter le territoire français devant le tribunal administratif de Mayotte en juin 2025. Le préfet a retiré l’acte contesté en cours d’instance, ce qui a conduit le premier juge à constater l’extinction du litige sur ce point. Le conseil de la requérante a toutefois maintenu ses conclusions tendant au versement d’une somme au titre des frais exposés durant l’instance de référé. Le tribunal ayant rejeté cette demande de frais, l’avocat a saisi la juridiction administrative suprême pour obtenir l’annulation de cette partie de l’ordonnance. Le Conseil d’État doit alors déterminer si le retrait de l’acte administratif fait obstacle à la condamnation de l’État au paiement des frais de procédure. La haute juridiction confirme que le retrait de l’acte n’empêche pas l’octroi des frais tout en rejetant le recours formé par le conseil de la requérante.
I. La recevabilité maintenue des conclusions relatives aux frais irrépétibles
A. L’absence d’obstacle lié à la disparition de l’objet du litige
L’article L. 761-1 du code de justice administrative permet au juge de condamner la partie perdante au paiement des frais non compris dans les dépens. Dans cette affaire, le préfet de Mayotte a retiré l’arrêté litigieux avant que le juge des référés du tribunal administratif ne statue sur le fond. Le juge administratif considère que « la circonstance que le préfet de Mayotte a procédé au retrait de l’arrêté litigieux ne conduit pas à regarder » la requérante « comme la partie perdante ». Cette solution protège le justiciable contre les manœuvres de l’administration qui chercherait à éviter une condamnation aux frais par un retrait tardif de l’acte. Le retrait de la décision administrative est ici assimilé à une reconnaissance implicite du bien-fondé de la requête déposée par l’administré devant la juridiction. Le Conseil d’État valide ainsi la persistance du litige sur les frais accessoires malgré la disparition de l’acte contesté durant la procédure de référé.
B. La mise en œuvre de la protection financière de l’avocat commis d’office
Le conseil de la requérante invoquait également l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique pour soutenir sa demande d’indemnisation. Ces dispositions permettent à l’avocat d’un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle de demander une somme supérieure à la part contributive versée par l’État français. La juridiction administrative rappelle que ce mécanisme de majoration des honoraires reste applicable même lorsque le magistrat prononce un non-lieu à statuer sur l’action. Le texte prévoit que le juge condamne la partie qui perd son procès à payer à l’avocat une somme qu’il détermine selon des critères légaux. En l’espèce, le retrait de l’arrêté par le préfet de Mayotte ouvrait théoriquement la voie à une telle condamnation pécuniaire au profit de l’auxiliaire de justice. L’ordonnance confirme que le droit à obtenir une rémunération équitable n’est pas éteint par l’abandon de la décision administrative contestée en urgence par la partie.
II. La liberté d’appréciation du juge quant à l’opportunité de la condamnation
A. L’exercice d’une faculté discrétionnaire guidée par l’équité
Bien que la demande soit recevable, « il appartient dans tous les cas au juge des référés d’apprécier, en fonction des circonstances de l’espèce, s’il y a lieu d’y faire droit ». Le Conseil d’État souligne ici le pouvoir souverain dont disposent les magistrats pour répartir la charge financière du procès entre les différents plaideurs présents. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée pour décider s’il convient d’accorder une somme d’argent déterminée. Cette règle permet d’éviter des condamnations automatiques qui ne tiendraient pas compte de la complexité réelle de l’affaire ou du comportement respectif des parties en cause. Dans le cadre d’une procédure de référé-liberté, la rapidité de l’intervention de l’administration peut justifier l’absence de condamnation de l’État au paiement des frais. La haute assemblée refuse de substituer sa propre appréciation à celle du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte concernant l’opportunité de cette sanction.
B. L’exigence d’une motivation probante au soutien des prétentions financières
Le requérant fondait son appel sur l’extrême urgence du dossier et sur l’importance du travail accompli dans des délais particulièrement brefs devant le tribunal. Le juge des référés du Conseil d’État estime cependant que ces arguments ne suffisent pas à démontrer une erreur d’appréciation de la part du premier juge. L’ordonnance précise que le conseil « n’apporte pas d’élément de nature à remettre en cause le rejet de sa demande par l’ordonnance attaquée » précédemment. Le rejet de la demande de frais est jugé suffisamment motivé par la juridiction de première instance, sans qu’une analyse exhaustive de chaque critère ne s’impose. L’avocat n’ayant pas réussi à convaincre la juridiction de l’iniquité de la décision initiale, sa requête est rejetée selon la procédure de tri des appels. Cette décision confirme la difficulté de contester avec succès le refus d’octroi de frais irrépétibles lorsque le juge du fond a exercé son pouvoir d’appréciation.