Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 28 mars 2025, une ordonnance relative aux conditions de recrutement des magistrats de la hiérarchie judiciaire. L’administration avait refusé d’autoriser une candidate à participer aux épreuves d’un concours professionnel pour l’accès au second grade de la magistrature. Cette dernière contestait la décision en invoquant une longue carrière dans la fonction publique et l’obtention passée d’autorisations pour d’autres concours. Saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge administratif devait apprécier l’existence d’un doute sérieux sur la légalité. La question portait sur l’évaluation des compétences acquises par la requérante au regard des exigences posées par le statut organique de la magistrature. Le juge des référés rejette la requête en considérant que l’administration n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation. L’étude de cette ordonnance suppose d’envisager la reconnaissance d’un large pouvoir ministériel avant d’analyser l’absence de doute sérieux sur la légalité du refus.
I. La reconnaissance d’un large pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative
A. La spécificité des conditions d’accès au concours professionnel
L’ordonnance du 22 décembre 1958 exige que les candidats justifient d’au moins sept années d’exercice les « qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ». Cette exigence de qualification particulière distingue ce recrutement des voies d’accès classiques fondées sur la seule possession d’un diplôme ou d’une ancienneté administrative. Le juge administratif souligne que cette condition doit être remplie « au plus tard à la date de la première épreuve du concours » concerné. L’appréciation des services rendus nécessite une analyse qualitative des missions exercées par l’agent au sein de ses différentes affectations dans la sphère publique.
B. L’étendue de la marge de manœuvre ministérielle dans l’examen des carrières
L’autorité compétente dispose d’un « large pouvoir d’appréciation » pour évaluer si le parcours d’un candidat répond aux attentes spécifiques du corps judiciaire. Cette latitude est renforcée par les dispositions de la loi organique du 20 novembre 2023 visant à moderniser la responsabilité et l’ouverture du corps. Le juge des référés limite son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation afin de respecter la liberté de choix de l’autorité de nomination. Une admission antérieure à un concours complémentaire ne saurait lier l’administration pour une session organisée sur un « fondement et selon des modalités distinctes ».
II. L’absence de doute sérieux quant à la légalité de la décision de rejet
A. Le caractère inopérant de la durée globale de l’expérience administrative
La requérante invoquait plus de vingt ans de services en qualité d’attachée principale pour démontrer son aptitude à intégrer la hiérarchie judiciaire. Le magistrat examine cependant la « teneur et la durée de chacune de ses fonctions » pour vérifier l’adéquation réelle avec les exigences du poste. Les responsabilités exercées en préfecture ou comme cheffe de cabinet ne suffisent pas nécessairement à établir une qualification juridique ou judiciaire probante. Le moyen tiré de l’erreur manifeste ne paraît pas de nature à créer un doute sérieux car l’expérience n’était pas assez ciblée.
B. La validation d’une motivation suffisante au regard des exigences du référé
Le juge écarte également le moyen relatif à l’insuffisance de motivation en considérant qu’il n’est pas propre à entacher la légalité du refus. La décision contestée reprenait les termes légaux sans mentionner de circonstances propres à la situation personnelle de la candidate de manière détaillée. Cette pratique administrative ne constitue pas une irrégularité manifeste dès lors que le motif de fond apparaît clairement identifié dans l’ordonnance de rejet. La requête est finalement rejetée selon la procédure de l’article L. 522-3 sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence.