Juge des référés du Conseil d’État, le 29 mars 2025, n°502424

Le juge des référés du Conseil d’État, dans une ordonnance du 29 mars 2025, statue sur la légalité d’un refus d’admission à un concours. Une candidate a sollicité la suspension de la décision ministérielle lui interdisant de participer aux épreuves de recrutement des magistrats du premier et second grade. L’intéressée justifiait d’une expérience de direction générale de plus de dix-huit ans au sein de deux structures spécialisées dans le transport sanitaire. Elle invoquait également sa qualité de vice-présidente d’un conseil de prud’hommes pour démontrer sa qualification particulière à exercer des fonctions judiciaires au sens organique. Le ministre de la Justice avait rejeté sa candidature le 3 mars 2025, avant de confirmer sa position suite à un recours gracieux le 20 mars. Le litige repose sur l’interprétation des articles 23 et 24 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature. La question de droit consiste à déterminer si la gestion opérationnelle des ressources humaines en entreprise constitue une activité qualifiante pour intégrer le corps judiciaire. Le juge des référés accueille la requête en considérant que les fonctions exercées permettaient d’acquérir une maîtrise technique suffisante de plusieurs branches du droit.

I. L’élargissement de la notion d’expérience professionnelle qualifiante par le juge administratif

L’ordonnance commentée précise les critères d’admission aux concours professionnels de la magistrature en valorisant les parcours issus du secteur privé et de la gestion d’entreprise.

A. L’identification d’une compétence juridique réelle à travers la gestion des ressources humaines

Le juge administratif examine concrètement la nature des responsabilités exercées par la requérante pour vérifier si elles répondent aux exigences de l’ordonnance de 1958. Le magistrat relève que les fonctions de direction générale impliquaient d’assurer de manière « habituelle, autonome et opérationnelle l’ensemble de la gestion des ressources humaines ». Cette mission suppose une « grande maîtrise technique de plusieurs branches du droit et des procédures contentieuses » devant les juridictions civiles et sociales compétentes. Le Conseil d’État reconnaît ainsi que l’expérience acquise en entreprise peut conférer une aptitude juridique équivalente à celle attendue pour les fonctions judiciaires. La qualification professionnelle ne dépend pas uniquement du titre occupé mais de la réalité des dossiers traités durant le parcours professionnel antérieur.

B. La sanction d’une rupture injustifiée dans l’appréciation de la carrière de la candidate

L’administration avait opéré une distinction injustifiée entre deux périodes de direction successives au sein de deux sociétés distinctes malgré la similitude des tâches. Le juge censure ce raisonnement en soulignant que le contenu des fonctions exercées pendant près de seize ans ne présentait « aucune différence substantielle » avec l’expérience validée. Le ministre avait accepté de prendre en compte trois années d’activité mais refusait d’intégrer la période la plus longue effectuée dans une structure similaire. Cette contradiction constitue un défaut de cohérence flagrant dans l’analyse des pièces fournies par la candidate lors de son inscription au concours. L’erreur manifeste d’appréciation est donc retenue car le ministre ne pouvait raisonnablement écarter une partie de la carrière reposant sur des compétences identiques.

II. L’exercice rigoureux du contrôle des référés sur les actes préparatoires aux concours

La décision illustre l’efficacité de la procédure d’urgence pour protéger les droits des candidats face à des décisions administratives pouvant compromettre durablement leur avenir.

A. La reconnaissance de l’urgence face à l’imminence des épreuves de recrutement

La condition d’urgence est appréciée au regard du calendrier des épreuves d’admissibilité dont le début était fixé seulement quelques jours après l’introduction de la requête. Le juge souligne « l’imminence des épreuves du concours » et « l’irréversibilité » des effets préjudiciables que produirait l’exécution de la décision de refus d’admission. Une annulation tardive par le juge du fond n’aurait pas permis à la candidate de participer à la session de recrutement organisée pour l’année. La situation de la requérante, qui avait démissionné pour se consacrer à sa préparation, justifiait une intervention immédiate afin de préserver ses chances. L’intérêt du service ne saurait s’opposer à la participation d’une candidate dont le profil semble remplir les conditions légales de l’ordonnance organique.

B. L’injonction de réexamen comme garantie effective du droit d’accès à la fonction publique

Le juge des référés tire les conséquences de l’illégalité apparente en ordonnant des mesures concrètes pour rétablir la candidate dans ses droits avant le concours. Il enjoint au ministre de la Justice de procéder au réexamen de la situation de l’intéressée dans un délai extrêmement bref de vingt-quatre heures. Cette célérité est indispensable pour permettre à la candidate de se présenter aux épreuves d’admissibilité prévues le 2 avril suivant la décision rendue. La solution garantit le respect du principe d’égalité d’accès aux emplois publics en évitant qu’une erreur d’appréciation administrative ne devienne une sanction définitive. La portée de l’ordonnance confirme que la gestion d’entreprise constitue désormais une voie de reconversion solide et reconnue pour intégrer la magistrature.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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