Juge des référés du Conseil d’État, le 4 avril 2025, n°503038

Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 4 avril 2025, une ordonnance relative à la fermeture administrative d’un établissement pour des faits de travail illégal.

Une société spécialisée dans le ravalement de façades contestait l’arrêté du préfet de la Moselle ordonnant la clôture de son activité pour une durée de trente jours.

Les services d’inspection avaient révélé un système de détachement frauduleux impliquant des travailleurs vulnérables originaires d’États tiers à l’Union européenne sans aucune autorisation de travail.

Le tribunal administratif de Strasbourg, dans son ordonnance n° 2502400 du 28 mars 2025, avait refusé de suspendre cette mesure en raison de la gravité des faits.

La requérante invoquait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ainsi qu’une méconnaissance flagrante des droits de la défense lors de la phase contradictoire de procédure.

La question posée au juge suprême consiste à déterminer si la fermeture temporaire d’un établissement constitue une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales de nature économique.

La haute juridiction rejette le pourvoi en estimant que la sanction est justifiée par l’implication active de la personne morale dans un vaste schéma de fraude sociale.

Cette analyse portera d’abord sur l’établissement des manquements à la législation sociale pour ensuite examiner le contrôle de proportionnalité exercé par le juge du référé-liberté.

I. L’établissement de manquements graves à la législation du travail

A. La caractérisation des infractions de travail dissimulé et de marchandage

L’article L. 8272-2 du code du travail autorise la fermeture d’un établissement « lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction » de travail dissimulé.

L’autorité préfectorale s’est appuyée sur un rapport administratif signalant que la société utilisait des structures étrangères pour éluder les règles protectrices de la sécurité sociale française.

Le Conseil d’État valide l’appréciation selon laquelle l’employeur ne pouvait ignorer que les travailleurs détachés « méconnaissaient la législation du travail » par leur situation juridique totalement irrégulière.

La participation consciente à un système de prestations de services internationales illicites justifie le recours à une mesure de police administrative particulièrement contraignante pour l’unité économique.

B. La préservation des garanties liées aux droits de la défense

La société requérante soutenait que l’impossibilité de solliciter la communication des rapports de contrôle portait une atteinte grave à sa propre liberté du commerce et de l’industrie.

Le juge des référés relève par ailleurs que les griefs avaient été portés à sa connaissance par un courrier du préfet de la Moselle reçu le 20 janvier 2025.

Le conseil de l’entreprise a pu formuler des observations dès le 31 janvier suivant, ce qui garantit le respect effectif du principe fondamental du contradictoire en matière administrative.

L’atteinte aux libertés invoquées ne présente donc pas le caractère manifeste exigé par le code de justice administrative pour déclencher une intervention immédiate de la juridiction des référés.

II. La proportionnalité de la sanction au regard des libertés fondamentales

A. Une atteinte nécessaire à la liberté d’entreprendre

La mesure de fermeture est contestée au motif qu’elle compromettrait la survie d’une structure déjà placée sous le régime protecteur de la procédure de sauvegarde judiciaire depuis 2021.

Le juge administratif considère néanmoins que la durée de la sanction demeure proportionnée « eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés » par l’administration.

La protection de la main-d’œuvre vulnérable constitue un objectif d’intérêt général prévalant sur les difficultés financières passagères rencontrées par la personne morale mise en cause par le rapport.

Les éléments comptables produits lors de l’appel ne permettent pas de démontrer que la mesure administrative conduirait inévitablement à la liquidation immédiate de l’entreprise de bâtiment concernée.

B. L’efficacité du contrôle juridictionnel en matière de référé-liberté

Le juge du référé-liberté exerce un contrôle sur l’adéquation de la décision administrative pour ne censurer que les atteintes les plus grossières portées aux diverses libertés fondamentales économiques.

En l’espèce, l’arrêté de fermeture ne présente pas une « atteinte grave et manifestement illégale » aux principes constitutionnels de la liberté d’entreprendre ainsi qu’à la liberté contractuelle classique.

Cette solution confirme la fermeté du Conseil d’État face aux montages frauduleux organisés pour contourner les obligations légales incombant normalement à tout employeur sur le territoire de la République.

La protection des libertés économiques s’efface devant la nécessité de réprimer des pratiques de marchandage préjudiciables à la loyauté de la concurrence entre les différents acteurs du marché.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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