Juge des référés du Conseil d’État, le 7 août 2025, n°506861

Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 7 août 2025, une ordonnance relative à la dissolution d’un groupement de fait. Cette décision concerne la mise en œuvre de la police administrative spéciale contre les groupements provoquant à des agissements violents contre les personnes.

Un décret adopté le 12 juin 2025 a prononcé la dissolution d’un groupement sur le fondement du code de la sécurité intérieure. Les membres de cette entité ont alors saisi la juridiction administrative pour obtenir la suspension de l’exécution de cette mesure de police.

La requête en référé a été enregistrée le 3 août 2025, soit près de deux mois après l’intervention de l’acte administratif contesté. Les requérants invoquaient une atteinte aux libertés d’association et de manifestation pour justifier la suspension immédiate de la mesure de dissolution.

Le juge des référés devait déterminer si la dissolution d’un groupement caractérise systématiquement l’urgence, en dépit d’une saisine tardive de la juridiction. Il devait également évaluer l’influence de la célérité prévisible du jugement au fond sur le caractère impérieux de la suspension demandée.

La haute juridiction rejette la requête car la condition d’urgence n’est pas remplie au vu des circonstances particulières de l’espèce. Elle souligne le délai de saisine et la programmation prochaine de l’audience au fond pour écarter la nécessité d’une suspension provisoire.

L’examen de cette ordonnance commande d’analyser d’abord l’appréciation concrète de l’urgence par le juge des référés. Il conviendra ensuite d’étudier la conciliation opérée entre la sauvegarde de l’ordre public et l’exercice du droit au recours.

I. L’appréciation concrète de l’urgence par le juge des référés

A. La remise en cause de la présomption d’urgence attachée à la dissolution

L’urgence justifie la suspension quand l’exécution porte atteinte, de « manière suffisamment grave et immédiate », à la situation du requérant. En principe, l’atteinte portée à la liberté d’association par une dissolution est « constitutive d’une situation d’urgence » selon une jurisprudence constante.

Le juge administratif opère ici une appréciation souveraine des circonstances de l’espèce pour écarter cette présomption habituelle en faveur des requérants. Il considère que les éléments invoqués ne sont pas de nature à caractériser une urgence justifiant la suspension immédiate de l’acte.

B. L’incidence déterminante du délai de réaction des requérants

Le Conseil d’État relève que le groupement n’a présenté sa requête que le 3 août 2025, soit deux mois après le décret. Cette carence dans la célérité de la saisine affaiblit la démonstration d’un péril imminent nécessitant une intervention urgente du juge.

L’ordonnance précise que l’urgence doit être appréciée « objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce » au jour de la décision. Le comportement des requérants, marqué par une attente prolongée, contredit la thèse d’une atteinte insupportable exigeant une mesure de sauvegarde immédiate.

La rigueur temporelle imposée par la juridiction illustre la volonté de limiter le recours aux procédures d’urgence aux seules situations de péril imminent. Cette exigence permet d’assurer l’équilibre entre la sauvegarde de l’ordre public et la protection effective des libertés fondamentales.

II. La conciliation entre sauvegarde de l’ordre public et droit au recours

A. La primauté de la police administrative en l’absence de péril imminent

Le juge refuse de suspendre le décret sans avoir besoin de se prononcer sur l’existence d’un « doute sérieux quant à la légalité ». Cette approche procédurale permet de maintenir l’efficacité de la mesure de dissolution prise pour prévenir des troubles à l’ordre public.

Les arguments relatifs au service d’ordre du groupement sont jugés insuffisants pour contrebalancer les nécessités de la sécurité intérieure. Le juge estime que l’entrave aux activités de l’association ne présente pas, en l’état, un caractère de gravité justifiant le référé.

B. La garantie d’un jugement au fond dans une perspective temporelle brève

Le juge fonde également son refus sur la capacité de la section du contentieux à inscrire l’affaire au rôle « sous trois mois ». Cette perspective d’un jugement rapide sur la légalité du décret rend moins nécessaire l’octroi d’une mesure de suspension provisoire.

L’existence d’un recours au fond imminent assure le respect du droit à un procès équitable tout en préservant les prérogatives administratives. La solution retenue confirme que le référé-suspension demeure une procédure exceptionnelle subordonnée à une nécessité impérieuse de protection immédiate.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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