L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État, rendue le 7 août 2025, porte sur la protection de la liberté syndicale d’un agent public. Un professeur d’éducation physique exerçant à l’étranger a fait l’objet d’une rupture anticipée de son contrat de résident le 3 juillet 2025. L’administration invoquait des manquements répétés aux obligations déontologiques ainsi qu’un comportement jugé incompatible avec la bonne marche de l’établissement scolaire concerné. L’intéressé a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Sa demande de suspension de l’exécution de la mesure a été rejetée par une ordonnance numéro 2512142 en date du 18 juillet 2025. Le requérant a donc formé un appel devant la juridiction administrative suprême pour obtenir l’annulation de cette première ordonnance de justice. Il soutenait que la décision litigieuse portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale garantie par le Préambule constitutionnel. La question posée consistait à déterminer si le licenciement pour faute masquait en réalité une discrimination illégale liée à l’exercice d’un mandat. Le Conseil d’État rejette la requête en estimant que l’agent n’apporte pas d’éléments suffisants pour contester la réalité des nombreux griefs professionnels. L’étude de cette solution conduit à analyser la matérialité des motifs disciplinaires avant d’examiner les limites de la protection syndicale en référé.
I. L’appréciation souveraine de la matérialité des griefs disciplinaires
A. La diversité des motifs justifiant la rupture du lien contractuel
Le juge administratif vérifie si la décision de mettre fin au contrat repose sur des faits matériellement exacts et suffisants pour agir. L’administration s’est fondée sur des « manquements répétés de l’intéressé à ses obligations professionnelles et déontologiques » pour justifier son éviction immédiate. Ces manquements incluent la tenue de propos clivants ainsi que la diffusion d’informations erronées visant à décrédibiliser la hiérarchie de l’école. L’employeur public a également souligné un défaut de probité concernant des rémunérations non déclarées et le non-paiement de certains frais de scolarité. Ces éléments factuels constituent ainsi une base solide pour une mesure de fin de contrat motivée par l’intérêt légitime du service public. La juridiction écarte l’idée d’une décision arbitraire en s’appuyant sur un faisceau d’indices concordants et documentés par l’administration dans son rapport.
B. L’insuffisance probatoire de la discrimination syndicale alléguée
Le requérant affirmait que la mesure avait été prise pour le seul motif discriminatoire tiré de ses activités syndicales quotidiennes au sein de l’établissement. Le Conseil d’État précise qu’il ne résulte d’aucune pièce du dossier que la décision aurait été motivée par l’appartenance syndicale de l’agent. Les témoignages de collègues dénonçant un comportement « humiliant, dénigrant et clivant, proche du harcèlement moral » ont été jugés suffisamment précis par les magistrats. L’intéressé ne parvient donc pas à démontrer que ces preuves auraient été forgées de toutes pièces pour déguiser une volonté de répression. La chronologie des faits invoquée par le salarié ne suffit pas à renverser la présomption de légalité attachée à l’acte de l’autorité administrative. Cette validation des motifs de rupture contractuelle permet au juge de préciser les contours de la liberté d’expression des agents publics syndiqués.
II. Les limites de la protection fonctionnelle au stade du référé-liberté
A. La nécessaire conciliation entre mandat syndical et obligations déontologiques
Les agents publics bénéficiant d’un mandat syndical disposent d’une liberté d’expression particulière nécessaire à la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent. Le juge rappelle toutefois que « cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques » au sein de l’établissement d’accueil. La protection liée aux fonctions syndicales ne saurait accorder une immunité totale face à des comportements perturbant gravement la cohésion de l’équipe pédagogique. L’exercice du droit syndical doit s’inscrire dans le cadre juridique local tout en respectant les principes de neutralité et d’impartialité scolaire. Les propos clivants tenus devant les élèves ou les collègues dépassent les limites acceptables de la contestation sociale autorisée par les textes. La liberté syndicale ne permet pas de s’affranchir des règles de courtoisie et de respect mutuel indispensables à l’exercice de l’enseignement.
B. Le constat de l’absence d’atteinte manifestement illégale à la liberté fondamentale
La procédure de référé-liberté exige la preuve d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale pour prospérer utilement devant le juge. Le magistrat constate que les conditions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ne sont pas remplies dans la présente espèce. L’administration n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le maintien de l’agent était incompatible avec le bon fonctionnement du service. Les arguments relatifs à la vie privée et aux contraintes financières du requérant ne permettent pas de caractériser une situation d’urgence absolue. Le Conseil d’État confirme dès lors l’ordonnance de première instance et rejette les conclusions tendant à la suspension de la décision litigieuse. Cette solution illustre la rigueur du contrôle exercé sur les mesures de gestion du personnel dès lors que l’intérêt général est menacé.