Juge des référés du Conseil d’État, le 7 février 2025, n°500809

Le Conseil d’État, statuant en référé le 7 février 2025, a examiné une requête tendant à la suspension d’un décret gouvernemental prononçant une déchéance de nationalité.

En 2006, un ressortissant étranger a acquis la nationalité française avant d’être condamné en 2017 pour une participation active à une association de malfaiteurs à visée terroriste. Les faits reprochés concernaient un départ vers l’étranger en 2012 pour rejoindre des factions combattantes ainsi que le maintien de contacts réguliers avec des individus radicalisés. Le tribunal correctionnel de Paris a statué le 17 janvier 2017 et la Cour d’appel de Paris a rendu son arrêt définitif le 23 octobre suivant. Par un décret du 7 août 2024, l’autorité administrative a prononcé la déchéance de sa nationalité, décision dont le requérant sollicite aujourd’hui la suspension immédiate. Le juge devait déterminer si la gravité des faits et le comportement postérieur de l’intéressé justifiaient le maintien de cette mesure de police de souveraineté. L’analyse portera sur la validation de la déchéance fondée sur la gravité des faits avant d’étudier l’incidence limitée de la mesure sur les libertés fondamentales.

I. La validation de la déchéance de nationalité fondée sur la gravité des faits

A. La caractérisation d’une atteinte caractérisée aux intérêts de la Nation

Le juge des référés relève que l’individu a participé à un groupement formé en vue de la préparation d’actes de terrorisme sur un territoire en guerre. La condamnation pénale devenue définitive justifie légalement l’usage de la déchéance, conformément aux dispositions précises prévues par le Code civil et par le Code pénal. L’administration a respecté les délais légaux puisque les activités terroristes se sont produites seulement six ans après l’acquisition de la nationalité française par le requérant étranger.

B. Le contrôle de proportionnalité face aux impératifs de réinsertion

Le requérant a invoqué sa réinsertion sociale et professionnelle pour contester la proportionnalité de la sanction prise par décret gouvernemental après l’avis conforme de la juridiction. La haute juridiction considère que le moyen tiré de ce que « la sanction de déchéance de la nationalité française ne serait pas légalement justifiée » manque de sérieux. La sévérité des actes commis prime sur les arguments relatifs au comportement exemplaire observé par l’intéressé depuis sa sortie de l’établissement pénitentiaire situé sur le territoire.

La gravité des faits criminels justifie ainsi la rupture du lien national malgré les efforts récents de réinsertion manifestés par l’individu dans sa vie civile habituelle. Au-delà de la validation de la sanction, le juge évalue également les conséquences concrètes de cette mesure sur l’exercice effectif des droits fondamentaux garantis aux administrés.

II. L’incidence limitée de la mesure sur l’exercice des libertés fondamentales

A. La distinction entre la perte de nationalité et l’éloignement effectif

Le juge administratif précise qu’un décret de déchéance « est par lui-même dépourvu d’effet sur la présence sur le territoire français de celui qu’il vise ». Cette distinction juridique permet d’écarter le grief fondé sur la protection de la vie familiale alors même que la famille du requérant est composée de nationaux. La mesure de déchéance n’emporte pas par elle-même l’expulsion immédiate, laquelle doit faire l’objet d’une procédure distincte soumise à un contrôle juridictionnel indépendant et propre.

B. La protection restreinte de l’identité face à la souveraineté étatique

La juridiction admet que ce décret « affecte un élément constitutif de l’identité de la personne concernée » et peut ainsi porter atteinte à sa vie privée protégée. Le juge estime néanmoins que l’ingérence causée par la perte de la nationalité française n’est pas disproportionnée au regard des buts légitimes de protection de la sécurité. Le rejet de la suspension illustre la prévalence de l’intérêt général sur le droit individuel au maintien d’un statut acquis par une déclaration de volonté initiale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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