Juge des référés du Conseil d’État, le 8 avril 2025, n°503153

L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat du 8 avril 2025 traite d’une demande d’effacement de données personnelles au sein d’un fichier européen de police. Un ressortissant étranger sollicitait la suppression de mentions enregistrées suite à une mesure d’éloignement assortie d’une interdiction de retour sur le territoire national. Après avoir saisi l’autorité de contrôle compétente sans obtenir de résultat, le requérant a déposé une requête fondée sur l’article L. 521-2 du code. Il demandait d’enjoindre à cette autorité de mettre en demeure l’administration de procéder à la radiation des informations le concernant dans les fichiers informatiques. Le litige repose sur la question de savoir si la production d’un justificatif pour l’obtention d’un titre de séjour étranger caractérise une urgence manifeste. Le juge rejette la demande au motif que cette situation ne justifie pas une mesure provisoire nécessaire dans un très bref délai. Ce commentaire examinera d’abord l’appréciation restrictive de la condition d’urgence avant d’analyser l’invitation faite au requérant d’utiliser les recours de droit commun.

I. Une appréciation rigoureuse de la condition d’urgence

A. L’insuffisance des nécessités administratives rencontrées à l’étranger

Le juge rappelle que le demandeur doit démontrer des circonstances particulières justifiant l’octroi rapide d’une mesure de sauvegarde d’une liberté fondamentale. Il estime que « la seule circonstance que les autorités [étrangères] aient demandé […] de justifier de son absence de mention […] ne suffit pas à caractériser une situation d’urgence ». Cette solution manifeste une exigence de gravité concrète dépassant les simples désagréments rencontrés par un administré lors de ses démarches administratives quotidiennes. La mention dans un fichier ne suffit pas à caractériser une atteinte immédiate à la vie privée sans risque réel de mesure de contrainte imminente. L’existence d’une procédure de régularisation en cours ne permet pas de déroger aux règles strictes régissant l’intervention exceptionnelle du juge des référés.

B. Le maintien du caractère exceptionnel de la procédure de liberté

Le juge de la haute juridiction administrative veille à ne pas transformer le référé-liberté en une procédure de droit commun pour tout litige informatique. L’absence d’urgence interdit au magistrat d’ordonner des mesures provisoires dont la nécessité ne s’impose pas dans les délais extrêmement brefs prévus par la loi. Cette position protège la nature spécifique de l’article L. 521-2, lequel exige une illégalité manifeste d’une gravité telle qu’elle impose une réaction judiciaire immédiate. En l’espèce, le requérant ne démontre aucun danger imminent pour sa liberté de circulation ou sa situation personnelle actuelle sur le territoire de son établissement. Dès lors, l’absence de péril immédiat conduit le juge à orienter le requérant vers des voies de recours plus adaptées au fond du litige.

II. L’orientation vers des voies de recours de droit commun

A. La subsidiarité du référé face au recours pour excès de pouvoir

L’ordonnance précise qu’il est « loisible au requérant, s’il s’y croit fondé, de saisir le tribunal administratif compétent du refus implicite opposé à sa demande ». Cette indication souligne que l’action dirigée contre l’autorité de contrôle ne doit pas permettre de contourner le recours direct contre l’administration responsable du fichier. Le juge administratif rappelle ainsi la primauté du recours pour excès de pouvoir pour contester les décisions individuelles portant sur le droit à l’effacement. La procédure de fond permet un examen approfondi de la légalité de la conservation des données sans la contrainte de l’urgence propre aux référés. Ce rappel à l’ordre procédural garantit une bonne administration de la justice en évitant l’usage détourné des formations de jugement d’urgence.

B. Le refus de sanctionner les lenteurs d’instruction de l’autorité de contrôle

Le refus de faire droit à la demande d’injonction contre l’autorité de contrôle montre que le juge refuse de pallier les délais administratifs ordinaires. L’autorité de contrôle dispose de pouvoirs de mise en demeure dont l’exercice relève de son pouvoir d’appréciation sous le contrôle du juge compétent. Le juge des référés ne saurait se substituer à cette autorité pour accélérer le traitement d’une réclamation individuelle en l’absence de péril majeur identifié. Cette décision réaffirme la cohérence du système contentieux en maintenant chaque recours dans ses limites fixées par le code de justice administrative. Elle confirme que le juge de l’urgence n’est pas le régulateur des relations quotidiennes entre les citoyens et les diverses autorités publiques.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture