Juge des référés, formation collégiale du Conseil d’État, le 18 juin 2025, n°504842

Le juge des référés du Conseil d’État a rendu, le 18 juin 2025, une décision relative à la suspension d’une limitation de traitements médicaux. Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre du référé-liberté afin de protéger le droit à la vie et le droit du patient de consentir aux soins. Un médecin hospitalier avait décidé, le 25 février 2025, de limiter les thérapeutiques actives pour un patient souffrant de graves défaillances après une ischémie myocardique. La famille de l’intéressé a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe pour s’opposer à cette décision de limitation des soins. Par une ordonnance du 16 mai 2025, la juridiction de premier ressort a ordonné la suspension de la décision médicale et la poursuite des traitements. Le centre hospitalier a interjeté appel devant la haute assemblée en invoquant une irrégularité procédurale ainsi que l’état de santé dégradé de la personne hospitalisée.

Le Conseil d’État doit déterminer si le défaut de convocation à l’audience invalide l’ordonnance et comment apprécier l’existence d’une obstination déraisonnable dans un contexte clinique incertain. Le juge des référés annule la décision de première instance pour vice de procédure avant d’ordonner une expertise médicale collégiale pour évaluer les perspectives d’évolution du patient.

I. L’annulation d’une procédure irrégulière au service d’une expertise médicale renforcée

A. La sanction de la méconnaissance du principe du contradictoire en référé

Le Conseil d’État censure l’ordonnance du tribunal administratif de la Guadeloupe en raison d’une violation grave des règles régissant la procédure orale du référé-liberté. L’article L. 522-1 du code de justice administrative dispose que « le juge des référés informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique ». L’instruction révèle que les parties n’ont pas été régulièrement averties de l’audience tenue le 15 mai 2025, les empêchant ainsi de présenter leurs observations orales. Cette irrégularité entraîne l’annulation de la décision de premier ressort car le juge doit garantir le caractère contradictoire des échanges durant l’instance de référé.

La haute juridiction décide alors d’évoquer l’affaire afin de statuer immédiatement sur la demande de suspension initialement présentée par les membres de la famille du patient. La sécurité juridique impose de corriger ce vice de forme tout en assurant une réponse rapide à un litige portant sur la fin de vie.

B. Le recours indispensable à une triple expertise pour éclairer la décision juridictionnelle

La complexité médicale du dossier conduit le Conseil d’État à ordonner une mesure d’instruction approfondie avant de se prononcer sur le fond de l’obstination déraisonnable. Trois experts praticiens sont désignés pour décrire l’état clinique actuel et déterminer la possibilité pour le patient de recouvrer une autonomie respiratoire sans assistance artificielle. Cette démarche s’appuie sur l’article L. 1110-5 du code de la santé publique exigeant que les soins soient appropriés « au regard des connaissances médicales avérées » du moment. Le juge nécessite des indications précises sur le degré de souffrance et les perspectives raisonnables d’évolution de la pathologie pour trancher le litige de manière éclairée.

L’accord des parties recueilli lors de l’audience permet aux experts d’échanger avec l’équipe soignante et la famille par des moyens de vidéo-conférence si cela s’avère nécessaire. Cette expertise constitue le préalable nécessaire à l’équilibre entre les principes éthiques et les réalités biologiques observées par le corps médical.

II. La conciliation délicate des libertés fondamentales face à l’obstination déraisonnable

A. L’encadrement du contrôle du juge des référés sur les décisions médicales de fin de vie

Le juge des référés exerce un contrôle particulier sur les décisions prises par les médecins au titre du refus de l’obstination déraisonnable défini par la loi. Il doit veiller à ce que l’exécution de l’arrêt des traitements ne porte pas une « atteinte irréversible à la vie » en dehors des hypothèses prévues par le législateur. La mission du magistrat consiste à concilier le droit au respect de la vie avec le droit de ne pas subir un traitement inutile ou disproportionné. L’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique interdit la poursuite d’actes qui n’auraient pour seul effet que le maintien artificiel de la vie humaine.

Cette jurisprudence rappelle que le médecin demeure responsable de la décision de limitation après avoir respecté une procédure collégiale rigoureuse et consulté les proches ou la famille. Le juge s’assure ainsi que la volonté du patient est respectée ou que le témoignage de ses proches est dûment pris en compte dans le processus.

B. La sauvegarde provisoire de la vie dans l’attente d’une évaluation clinique stabilisée

Dans l’attente du rapport d’expertise, le Conseil d’État ordonne la suspension de la décision de limitation des traitements pour prévenir toute conséquence fatale et définitive durant l’instruction. Cette mesure de sauvegarde est indispensable dès lors que l’exécution de la décision médicale entraînerait le décès du patient avant que le juge n’ait statué. Le juge des référés peut ainsi ordonner « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale » conformément aux prérogatives de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. La suspension protège l’intégrité physique de la personne tant que le caractère déraisonnable de la poursuite des soins n’est pas médicalement établi avec certitude.

Cette solution provisoire garantit l’effectivité du contrôle juridictionnel tout en respectant la dignité de la personne hospitalisée au cours de cette phase d’évaluation technique et humaine. La décision finale dépendra des conclusions des trois experts attendues avant la fin du mois de juin pour clore cette procédure urgente.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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