Première chambre civile de la Cour de cassation, le 25 juin 2025, n°24-50.005

La Cour de cassation, première chambre civile, 25 juin 2025, n° 462 F-D, n° Z 24-50.005, rejette une requête en responsabilité d’un avocat aux Conseils. Le litige porte sur des manquements allégués lors d’un pourvoi antérieur, visant la structure du mémoire ampliatif et l’omission d’un moyen tiré du contradictoire, assortis d’une demande indemnitaire.

La saisine intervient selon l’article 13 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 et l’article R. 411-3 du code de l’organisation judiciaire, après avis ordinal. Le requérant invoquait une perte de chance d’obtenir la cassation et d’améliorer son sort devant la juridiction de renvoi, en réparation morale et financière. L’avocat contestait toute faute et toute causalité pertinente, soutenant la clarté des moyens et l’inefficacité d’un grief de contradictoire. La question posée tenait aux critères d’engagement de la responsabilité d’un avocat aux Conseils pour la conduite d’un pourvoi et la rédaction du mémoire ampliatif. La Cour rejette successivement les trois griefs, rappelant l’examen effectif des moyens, l’impuissance du contradictoire invoqué et l’irrecevabilité d’un grief non soumis à l’organe ordinal.

« En premier lieu, le mémoire ampliatif déposé par l’avocat dans les délais légaux comportait, outre un exposé détaillé de la procédure et un dispositif non critiqué, trois moyens de cassation ». La Cour ajoute que « Même si ce mémoire ne comportait pas de partie consacrée à la discussion, le conseiller rapporteur a procédé à un examen des moyens de droit […] de sorte que ce grief peut être écarté ». L’analyse conduit d’abord au sens de la solution, puis à son appréciation en valeur et en portée.

A. Absence de discussion dans le mémoire ampliatif

La Cour retient qu’un mémoire ampliatif peut ne pas comporter de section formalisée de discussion, dès lors que les moyens sont articulés et juridiquement opérants. Le rappel selon lequel le mémoire « comportait […] trois moyens de cassation » éclaire l’exigence de substance, non de forme, dans la mise en état du pourvoi. La motivation souligne l’office du rapporteur et de la formation, centrés sur la pertinence des moyens plutôt que sur l’appareil rhétorique.

Le passage selon lequel « le conseiller rapporteur a procédé à un examen des moyens de droit […] de sorte que ce grief peut être écarté » confirme la neutralité du contrôle. L’absence de discussion autonome ne suffit pas à caractériser une faute, si l’examen au fond a effectivement eu lieu. La production d’un mémoire complémentaire avec discussion, examiné ensuite par la formation, achève de priver le grief d’efficacité.

B. Grief tiré de la violation du contradictoire

La Cour affirme que « le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire ne pouvait prospérer », en raison de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la connaissance des pièces. Elle rappelle que « la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties », peut statuer sans reprendre chaque argument. La méconnaissance alléguée n’est dès lors ni caractérisée, ni décisive.

Ce raisonnement isole la faute prétendue de son efficacité procédurale, en soulignant le filtre probatoire et l’autorité de l’appréciation souveraine. Il rend vaine toute démonstration abstraite de violation, faute d’incidence déterminante sur l’issue du pourvoi initial. La critique se heurte ainsi au standard exigeant de preuve d’un grief opérant.

A. Irrecevabilité du grief nouveau devant l’ordre

Sur le troisième grief, la Cour consacre une exigence procédurale claire d’antériorité devant l’organe ordinal compétent. Elle énonce que « le grief de non transmission du projet de mémoire ampliatif, qui n’a pas été présenté devant le conseil de l’ordre […] est irrecevable (1re Civ., 31 janvier 2024, pourvoi n° 22-50.023) ». L’avis préalable et obligatoire délimite ainsi l’office de la Cour et canalise les moyens recevables.

Ce rappel procédural ordonne la matière du recours en responsabilité de l’avocat aux Conseils, en imposant une loyauté dans la présentation des griefs. Il vise la complétude du débat devant l’organe consultatif, dont la mission d’éclairage serait vidée si les doléances pouvaient se renouveler ensuite. La sanction d’irrecevabilité s’inscrit dans un ordre public de bonne administration.

B. Exigence d’un lien causal et portée de la décision

La solution dégage en creux l’exigence d’un lien causal réel entre la faute alléguée et une perte de chance sérieuse d’obtenir un résultat différent. La Cour insiste sur l’examen effectif des moyens et sur l’inanité du contradictoire invoqué, ce qui affaiblit la démonstration d’un dommage certain. L’argumentation ne franchit ni le seuil de la faute caractérisée, ni celui de la causalité utile.

Le dispositif confirme la cohérence d’ensemble de ce cadre méthodique et restrictif, hostile aux griefs formels dépourvus d’incidence. « PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE la requête ». La portée est doublement normative et pratique, car la solution encourage une présentation précise des moyens et des griefs recevables, et recentre la responsabilité sur l’efficacité juridique concrète.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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