REC – Mise en œuvre du recouvrement forcé – Saisies mobilières de droit commun – Saisie des rémunérations – Principes généraux

1

En raison du caractère principalement alimentaire des rémunérations, le champ
d’application de la saisie des rémunérations est strictement déterminé par la loi, dans un souci de protection du débiteur. Les règles édictées s’imposent à tous les créanciers.

I. Généralités

10

Le législateur a entendu, d’une part, protéger davantage la vocation alimentaire
du salaire en instituant notamment une fraction absolument insaisissable et, d’autre part, accroître la simplicité et la rapidité de la procédure.

20

Aux termes de
larticle L. 3252-1 du code du travail (C. trav.), cette
procédure est applicable « aux sommes dues à titre de rémunération à toutes les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs,
quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme et la nature de leur contrat ».

Cette définition assez vaste englobe le salaire au sens strict et ses
accessoires (II-A § 80). Par ailleurs, certaines prestations sociales sont instituées par des textes qui précisent qu’elles sont saisissables dans les mêmes conditions que les
salaires (BOI-REC-FORCE-10).

30

Cette procédure suppose que la saisie soit opérée auprès de l’employeur, avant
qu’il n’ait versé les rémunérations. Ainsi, lorsque ces sommes ont déjà été virées sur un compte de dépôt, le créancier ne pourra recourir qu’à la saisie de créance (saisie-attribution ou saisie
administrative à tiers détenteur sur le compte sur lequel le virement est intervenu). Cela étant, ces sommes continueront alors de bénéficier des dispositions spéciales de protection des
rémunérations, la quotité insaisissable se reportant sur le solde du compte en application de
l’article R. 112-5 du code des procédures civiles d’exécution (CPC exéc.). Il convient de se reporter au
BOI-REC-FORCE-20-10-20.

40

Enfin, le législateur a édicté une interdiction de pratiquer une saisie
conservatoire en matière de rémunération (C. trav., art. L. 3252-7). Cette interdiction répond à un souci particulier de protection
du débiteur en évitant de rendre indisponible la rémunération du salarié.

II. Sommes saisissables

A. Rémunération et accessoires

50

La procédure de saisie est applicable à toute personne dont la rémunération
est soumise aux règles du code du travail.

Tel est le cas des salariés sous contrat de droit commun à durée indéterminée,
mais aussi des salariés sous contrat à durée déterminée (C. trav., art. L. 1242-2 et suivants), sous contrat de
professionnalisation (C. trav., art. L. 6325-1), des apprentis (C.
trav., art. L. 6221-1
), des artistes intermittents du spectacle (C. trav., art. L. 7121-1 et suivants), des salariés sous
contrat aidés par exemple dans le cadre d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi (C. trav., art. L. 5134-20).

60

La position dans l’entreprise n’est pas de nature à modifier ce principe.
C’est ainsi qu’un gérant salarié de société à responsabilité limitée (SARL), un président-directeur général d’une société anonyme, le conjoint salarié du chef d’entreprise peuvent faire l’objet d’une
saisie de rémunérations.

70

Les indemnités de licenciement (prévues par
l’article L. 1234-9 du C. trav., une convention collective ou une négociation individuelle) ne sont pas saisissables par voie de
saisie des rémunérations, que le licenciement soit abusif ou non.

En effet, cette indemnité répare un préjudice causé à la personne licenciée
et ne rémunère pas le travail (Cass. soc., 22
mai 1986, pourvoi n° 83-42341
). Ces indemnités peuvent cependant être appréhendées par voie de saisie-attribution (ou de saisie administrative à tiers détenteur) et sont intégralement
saisissables.

80

A la rémunération proprement dite, il convient d’ajouter les sommes qui en
constituent l’accessoire, telles que les avantages en nature, ainsi que toutes les indemnités qui constituent des compléments de salaires.

C’est ainsi qu’il convient de prendre en compte, par exemple, les majorations
pour heures supplémentaires, l’indemnité de congés payés, l’indemnité compensatrice de congés payés, l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de non-concurrence, les allocations diverses
versées par l’employeur lors de la survenance d’un événement familial.

D’une manière générale, les primes et indemnités accordées pour tenir compte
des circonstances particulières dans lesquelles s’effectue le travail (primes d’insalubrité, de nuit, etc) sont également saisissables.

B. Prestations sociales

90

Diverses indemnités versées par les régimes de sécurité sociale sont
saisissables dans les mêmes conditions que les rémunérations (BOI-REC-FORCE-10) dont les indemnités journalières versées en cas d’accident du travail
(Code de la sécurité sociale (CSS), art. L. 433-3).

100

Il en est de même des indemnités de chômage
(C. trav., art. L. 5428-1).

110

Les pensions de retraite sont, sauf cas particuliers, également saisissables
dans les mêmes conditions que les rémunérations (BOI-REC-FORCE-10). Il convient d’y inclure les allocations de préretraite, les allocations et rentes servies par les
sociétés mutualistes à leurs adhérents et les pensions et rentes d’invalidité et de vieillesse lorsque le texte qui les institue précise qu’elles sont saisissables dans les mêmes conditions et limites
que les salaires.

Lorsqu’il n’en est pas ainsi, elles peuvent être appréhendées au moyen de la
procédure de saisie‑attribution, sauf si elles sont incessibles et insaisissables.

III. Régime de protection

A. Bénéficiaires du régime de protection

120

La saisie des rémunérations n’est possible que s’il y a un travail pour le
compte d’autrui. L’existence d’un contrat de travail, au sens juridique du terme, n’est pas nécessaire. Mais les critères retenus par le droit du travail pour caractériser l’existence de ce contrat
doivent exister, c’est-à-dire un lien de subordination et une dépendance économique. C’est ainsi que le régime de la saisie des rémunérations est applicable aux travailleurs à domicile, aux
artisans-façonniers, aux pigistes et aux nourrices.

130

Les critères essentiels sont donc, d’une part, le lien de subordination
juridique qui doit exister entre le débiteur et le tiers saisi, ce qui exclut de cette procédure les rémunérations des travailleurs indépendants, des artisans et des professions libérales, et, d’autre
part, un lien de dépendance économique, ce qui exclut la sous-traitance et le contrat d’entreprise.

En cas de contestation sur l’existence d’un contrat de travail, c’est au
créancier d’en apporter la preuve conformément aux principes généraux du droit du travail, l’existence d’un contrat de travail ne se présume pas. Pour autant, il faudra établir le lien de
subordination.

140

S’agissant des indemnités versées aux élus politiques, par un arrêt de la
CAA Paris du 25 mai 1988 n° 87-006338 du répertoire général, la cour d’appel de Paris précise que ces indemnités de fonction, ayant un caractère indemnitaire, ne peuvent être assimilées à un salaire
ou à un traitement en l’absence de tout lien de subordination avec un employeur.

En conséquence, elles ne peuvent pas faire l’objet d’une saisie des rémunérations en
application des articles L. 3252-1 et suivants du C. trav.

En revanche, elles sont saisissables par voie de saisie-attribution ou de saisie
administrative à tiers détenteur (SATD), pour la part excédant la fraction représentative de frais d’emploi
(code général des collectivités territoriales, art. L. 1621‑1).

B. Étendue de la protection

150

L’article
L. 3252-2 du C. trav.
dispose que sous réserve des dispositions relatives aux pensions alimentaires, les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables que dans des proportions et selon
des seuils de rémunération affectés d’un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en Conseil d’État.

1. Sommes insaisissables par nature

160

Le code du travail ne donne pas une liste exhaustive des sommes totalement insaisissables. Il
convient donc de se référer à divers textes particuliers ou à la jurisprudence.

En complément des points développés au
BOI-REC-FORCE-10, sont notamment visées :

– les indemnités représentatives de frais professionnels
(C. trav., art. L. 3252-3) ;

– les allocations ou indemnités versées par l’employeur pour charges de
famille qui ne correspondent pas à une rémunération du fait qu’elles ne dépendent que de la situation de famille du travailleur (à ne pas confondre avec les allocations versées ponctuellement lors de
la survenance d’un événement familial mentionnées au II-A § 80).

170

Par ailleurs, sont insaisissables les sommes correspondant aux cotisations et
contributions sociales obligatoires retenues sur la rémunération ainsi que la retenue à la source prévue à l’article 204 A du
code général des impôts (CGI)
. En effet, conformément à l’article L. 3252-3 du C. trav., la saisie des rémunérations s’effectue sur le salaire net, après déduction de ces cotisations et
contributions sociales obligatoires et de la retenue à la source prévue à l’article 204 A du CGI.

2. Sommes insaisissables dans le cadre de la saisie des rémunérations

180

Certaines sommes, bien qu’elles soient liées au salaire, ne revêtent pas le
caractère de rémunération du travail, et ne peuvent donc être saisies au moyen de la procédure de saisie des rémunérations.

Cependant, elles ne présentent pas un caractère d’insaisissabilité et peuvent
être appréhendées intégralement par voie de saisie-attribution ou de SATD.

Il en est ainsi, notamment, pour :

– les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement qui n’ont pas la
nature juridique d’un salaire (II-A § 80) ;

– les indemnités transactionnelles de licenciement qui ont la même nature de
dommages-intérêts que l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;

– les indemnités transactionnelles forfaitaires de licenciement dans la mesure
où le forfait n’englobe pas des éléments présentant le caractère de salaire, tels qu’indemnités de congés payés ou de préavis ;

– les indemnités allouées pour rupture abusive d’un contrat de travail qui
présentent également un caractère de dommages-intérêts ;

– les indemnités de départ volontaire consécutif à la situation économique de
l’entreprise, destinées à compenser forfaitairement le préjudice résultant de la perte de l’emploi ;

– l’indemnité de clientèle versée aux voyageurs représentants placiers (VRP)
qui a pour objet la réparation d’un préjudice ;

– les sommes versées au titre de l’intéressement ou de la participation des
salariés aux résultats de l’entreprise ;

– les créances purement indemnitaires allouées en réparation d’un dommage
matériel ;

– l’indemnisation pour accident du travail versée par l’employeur pour les
chefs de préjudice que ne garantit pas la sécurité sociale.

3. Détermination de la quotité saisissable

190

La rémunération est divisée en trois fractions : une fraction totalement
insaisissable, même par les créanciers d’aliments, une fraction insaisissable ne pouvant être appréhendée que par les créanciers d’aliments et une fraction saisissable sur laquelle tout créancier peut
faire valoir ses droits, les créanciers alimentaires disposant toutefois d’une priorité.

a. Fraction totalement insaisissable

200

L’article
L. 3252-5 du C. trav
et l’article R. 3252-5 du C. trav. disposent que, dans tous les cas, une fraction de la rémunération est
laissée à la disposition du débiteur, cette fraction est égale au montant forfaitaire mentionné à l’article
L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF)
fixé pour un foyer composé d’une seule personne.

Le législateur a ainsi voulu laisser au débiteur, même lorsqu’il doit verser
une pension alimentaire, une partie de son salaire que l’on peut considérer comme un minimum vital.

b. Fraction insaisissable

210

Les créanciers d’aliments échappent à la règle d’insaisissabilité des salaires
et peuvent saisir la fraction insaisissable du salaire, à l’exception du minimum visé au III-B-3-a § 200.

Selon
l’article L. 3252-5 du C. trav., le prélèvement direct du terme mensuel courant et des six derniers mois impayés des pensions
alimentaires peut être poursuivi sur l’intégralité de la rémunération.

Il est d’abord imputé sur la fraction insaisissable puis, s’il y a lieu, sur
la fraction saisissable.

c. Détermination de la fraction saisissable

220

Le calcul de la quotité saisissable doit tenir compte, après déduction des contributions et
cotisations sociales obligatoires et de la retenue à la source prévue à l’article 204 A du CGI, du montant de la
rémunération, de ses accessoires, ainsi que, le cas échéant, de la valeur des avantages en nature accordés au salarié (C. trav., art.
L. 3252-3
).

Exemple: Soit un salarié sans personne à charge dont la rémunération brute
s’élève à 4 400 €, les contributions et cotisations sociales obligatoires à 1 000 € et la retenue à la source effectuée en application de l’article 204 A du CGI à 270 €. La rémunération nette
mensuelle s’élève à 3 130 € (4 400 € – 1 000 € -270 €). Le montant de son salaire mensuel saisissable ou cessible s’élève à 1 774,15 €, en application du barème 2019 (révisé annuellement) mentionné à
l’article R. 3252-2 du C. trav.

230

Le barème des sommes saisissables est établi sur la rémunération annuelle.
L’article R. 3252‑4 du C. trav. prévoit également une révision annuelle de ce barème.

240

L’article R. 3252-2 du C. trav. détermine la proportion dans laquelle les sommes dues à titre
de rémunération sont saisissables ou cessibles. Les différents seuils sont augmentés d’un montant par personne à la charge du débiteur saisi ou du cédant, sur justification présentée par l’intéressé,
fixé à l’article R. 3252-3 du C. trav..

Ce même article définit les personnes considérées comme à charge :

– le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin du
débiteur, dont les ressources personnelles sont inférieures au montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à
l’article L. 262-2 du CASF, fixé pour un foyer composé d’une seule personne tel qu’il est fixé chaque année
par décret ;

– tout enfant ouvrant droit aux prestations familiales en application de
l’article L. 512-3 du CSS et de l’article
L. 512-4 du CSS
et se trouvant à la charge effective et permanente du débiteur au sens de l’article L. 513-1 du CSS
;

– tout enfant à qui ou pour l’entretien duquel le débiteur verse une pension
alimentaire ;

– l’ascendant dont les ressources personnelles sont inférieures au montant
forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l’article L. 262-2 du CASF, fixé pour un foyer composé d’une seule personne et qui habite avec le débiteur ou auquel le débiteur verse une
pension alimentaire.

d. Cas particulier: pluralité d’employeurs

250

L’article L.
3252-4 du C. trav
. et l’article R. 3252-40 du C. trav. prévoient le cas où le débiteur perçoit des rémunérations de plusieurs
employeurs. Dans cette hypothèse, la fraction saisissable est calculée sur l’ensemble des rémunérations. Les modalités des retenues à effectuer sont fixées par le greffier qui désigne notamment les
employeurs chargés d’opérer les retenues mensuelles (BOI‑REC‑FORCE‑20‑20-20, III-E-1 § 230).

En cas de pluralité d’employeurs, la Cour de cassation a retenu la
compétence du greffier en matière de saisie des rémunérations du travail et assimilées, y compris pour les retenues à effectuer au titre d’un avis à tiers détenteur, qu’une procédure de saisie des
rémunérations soit en cours d’exécution ou non (C. Cass., avis du 5 mai 2014, n° 15006). Cet avis est
transposable à la SATD.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

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