1
Les dispositions du 1° de
l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales (LPF), dénommées « procédure de rescrit général », constituent une
extension de la garantie prévue par le premier alinéa de l’article L. 80 A du LPF.
Elles ouvrent au contribuable la possibilité d’opposer à l’administration ses prises de position
formelle sur l’appréciation de situations de fait au regard d’un texte fiscal.
Les dispositions instaurées par
l’article
5 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ont renforcé ce dispositif en assortissant d’un délai de trois mois, la réponse de l’administration lorsqu’elle est saisie
d’une demande écrite, précise et complète par un contribuable de bonne foi (II-D § 250).
I. Champ d’application de la garantie
10
Aux termes du 1° de
l’article L. 80 B du LPF, il ne peut être procédé à aucun rehaussement d’impositions si la cause du rehaussement
poursuivi par l’administration est un différend sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal par un contribuable de bonne foi et s’il est démontré que l’appréciation faite
par le contribuable a été antérieurement formellement admise par l’administration.
20
La garantie prévue au 1° de l’article L. 80 B du LPF ne peut être utilement invoquée lorsque
l’imposition contestée constitue une imposition primitive.
La jurisprudence a régulièrement rappelé et précisé ce point :
– un contribuable n’est pas fondé à se prévaloir à l’appui de sa contestation de la taxe
foncière à laquelle il a été assujetti, s’agissant d’une imposition primitive, des dispositions précitées de l’article L. 80 B du LPF, qui ne visent que le cas de rehaussements d’impositions
antérieures (CE, décision du 2 octobre 2006,
n° 270954) ;
– une position prise en vertu de l’article L. 80 B du LPF n’emporte par elle-même aucun
effet de droit sur l’assujettissement ou non d’un contribuable à une imposition primitive quelle qu’elle soit
(CE, décision du 26 mars 2008, n° 278858).
30
Comme le premier alinéa de
l’article L. 80 A du LPF, le 1° de l’article L. 80 B du LPF :
– est applicable à tous les impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu des
dispositions du code général des impôts (CGI), ainsi qu’aux taxes dont tout ou partie des règles d’assiette et de recouvrement sont précisées par référence à des règles définies par le CGI ;
– ne s’applique pas aux taxes affectées qui ne figurent pas dans le CGI, auparavant dénommées
taxes parafiscales (BOI-SJ-RES-10-10-20 au I-A § 1 et suivants), ni aux taxes dont les règles d’assiette et de recouvrement ne sont pas
précisées par référence à des règles définies par le CGI.
II. Conditions d’application de la garantie
A. Existence d’une prise de position formelle de l’administration
1. Caractéristiques de la prise de position
a. La prise de position doit être formelle
40
L’existence d’une position formellement admise par l’administration au sens du 1° de
l’article L. 80 B du LPF résulte d’une réponse écrite signée par un fonctionnaire qualifié pour engager
l’administration fiscale.
50
Il s’agira, en pratique, d’un agent ayant au moins le grade de contrôleur au sein de la
direction générale des Finances publiques (DGFiP). En effet, seuls ces agents peuvent fixer les bases d’imposition ou notifier des rehaussements
(CGI, ann. III, art. 350 terdecies).
60
La prise de position peut être considérée comme formelle dès lors qu’elle est suffisamment
explicite, précise et non-équivoque (CE,
décision du 29 décembre 2004, n° 255831 ;
CE, décision du 4 août 2006, n° 271525
et CE, décision du 30 mai 2007,
n° 274477).
70
De plus, la prise de position doit avoir été portée officiellement à la connaissance du
contribuable.
80
Les courriers électroniques (courriels) de l’administration en réponse aux questions formulées
par un contribuable ne peuvent pas, en principe, être invoqués par ce dernier sur le fondement de l’article L. 80 B du LPF (BOI-SJ-RES-10-10-20
au I-E-2-a § 270 et suivants).
90
La jurisprudence permet de préciser la notion de prise de position formelle au sens du 1° de
l’article L. 80 B du LPF.
Le Conseil d’État a indiqué que cette dernière ne pouvait être retenue dans les cas
suivants :
– lorsque l’administration établit l’imposition primitive conformément à la déclaration
souscrite par le contribuable et procède ultérieurement à un rehaussement : l’établissement de l’imposition primitive ne saurait être assimilé à une prise de position formelle sur l’appréciation d’une
situation de fait (CE, décision du 22
janvier 1982, n° 17856) ;
– la décision du comptable des impôts de procéder, lors de l’enregistrement d’une
convention de quasi-usufruit portant reconnaissance d’un don manuel, à la liquidation du seul droit fixe, n’a pas constitué une prise de position opposable à l’administration privant celle-ci du droit
d’exiger et de percevoir les droits de mutation au moment de la déclaration du donataire
(Cass., décision du 4 décembre 2007,
n° 06-19251) ;
– la circonstance que pour des années prescrites ou lors d’une précédente vérification
l’administration n’ait pas relevé des irrégularités ne saurait constituer une appréciation formelle d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal
(CE, décision du 19 décembre 1969,
n° 74612 ; CE, décision du 9 mai 1973,
n° 86128 ; CE, décision du
24 février 1988, n° 65430 et CE,
décision du 26 novembre 2007, n° 276262). Voir toutefois le BOI-CF-PGR-30-25 ;
– le visa apposé par l’administration fiscale sur le certificat prévu à l’article 242
terdecies I de l’annexe II au CGI pour les acquisitions intracommunautaires de moyens de transport, délivré sur le fondement d’un contrôle de forme des documents présentés, pour les seuls besoins de
l’immatriculation ou de la francisation d’un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur
ajoutée (TVA), n’emporte pas prise de position formelle sur le fondement de l’article L. 80 B du LPF opposable par un contribuable sur l’appréciation de sa situation de fait au regard de la loi
fiscale (CE, décision du 29 octobre 2008, n°
292894).
b. La prise de position doit être antérieure
100
La prise de position dont se prévaut le contribuable pour contester l’imposition
supplémentaire mise à sa charge doit avoir été exprimée antérieurement à la date d’expiration du délai de déclaration dont il disposait ou, en l’absence d’obligation déclarative, antérieurement à la
date de mise en recouvrement de l’imposition primitive à laquelle est assimilée la liquidation spontanée de l’impôt.
110
Il est fait exception à cette règle pour l’ensemble des impôts locaux, y compris la cotisation
foncière des entreprises (CFE), à l’exception de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), pour lesquels la condition d’antériorité doit être appréciée à la date du fait générateur
de l’impôt. Les mêmes règles s’appliquent pour la cotisation minimale des entreprises qui était affectée au budget de l’État.
c. La prise de position doit concerner le contribuable lui-même
120
Un contribuable ne peut se prévaloir, pour son cas personnel, de l’appréciation d’une
situation de fait concernant d’autres contribuables (CE, décision du 15 janvier 1982, n° 22923), sauf s’il a participé à l’acte ou à l’opération qui a donné naissance à cette situation
(CE, décision du 17 juin 1996, n° 145594
; CE, décision du 17 février 1997,
n° 165538 et CE, décision du
20 octobre 2004, n° 249978).
2. Auteur de la prise de position
130
La prise de position peut émaner du service auprès duquel le contribuable est tenu de
souscrire ses obligations déclaratives, de la direction dont dépend ce service, comme des services centraux de la DGFiP.
Les exemples qui suivent ne sont pas limitatifs.
a. Cas où il peut y avoir prise de position formelle
140
L’administration est conduite à apprécier les situations de fait dans les cas suivants :
– au titre du rescrit général : par une réponse particulière individuelle
(II-D § 250) ;
– dans le cadre du contrôle fiscal, les propositions de rectification ou les réponses aux
observations du contribuable peuvent constituer des supports d’une prise de position formelle. Ainsi, les rehaussements proposés par le vérificateur, ceux qu’il maintient et ceux qu’il abandonne à la
suite de l’acceptation expresse des arguments du contribuable, formalisent des prises de position qui engagent l’administration. Dans les conditions prévues au deuxième alinéa de
l’article L. 80 A du LPF et au second alinéa de
l’article L. 49 du LPF, il en va de même des points du contrôle n’ayant pas donné lieu à rectification
(BOI-CF-PGR-30-25) ;
– dans les conditions prévues au 10° de
l’article L. 80 B du LPF (BOI-CF-PGR-30-20), le contribuable peut solliciter, au cours
d’une vérification ou d’un examen de comptabilité, une prise de position de l’administration sur des sujets pour lesquels elle n’envisage aucun rehaussement ;
– la jurisprudence a précisé que la fixation par taxation d’office d’une imposition mise en
recouvrement constitue, quand bien même elle aurait été suivie d’un dégrèvement, une imposition antérieure qui permet à un contribuable d’opposer à l’administration fiscale qui entend la rehausser la
position qu’elle avait formellement prise sur l’appréciation de sa situation de fait au regard de la loi fiscale ;
– lors de la procédure contentieuse. Ainsi, lorsque l’administration indique expressément
qu’elle entend retenir les observations d’un contribuable selon lesquelles certaines dépenses contestées avaient été engagées pour la sauvegarde de son revenu imposable et que les sommes avaient
effectivement bénéficié à la société, elle prend une position formelle sur une situation de fait du contribuable à la date de leur engagement
(CAA Nantes, décision du
30 décembre 2005, n° 03NT01032).
b. Absence de prise de position formelle
150
Lorsque le service agit sur le plan gracieux, la décision prise à ce titre ne constitue pas
une prise de position formelle sur l’appréciation d’une situation de fait.
Il en est ainsi par exemple d’une décision de dégrèvement gracieux ou d’une proposition de
transaction ou d’un abandon non motivé des redressements envisagés à l’encontre d’autres entreprises ayant participé à la même transaction que le contribuable
(CE, décision du 14 janvier 2008,
n° 297221).
160
Une réponse apportée par l’administration fiscale ne peut être considérée comme formelle dès
lors qu’elle n’est pas suffisamment précise, explicite, ferme et non équivoque.
Le Conseil d’État a, par exemple, précisé qu’une lettre par laquelle un directeur des
services fiscaux, en réponse à une demande de l’expert-comptable du contribuable, qualifie de commerciale l’activité informatique exercée par ce dernier, tout en indiquant que la frontière entre
commercial et non-commercial n’est pas nette, qu’il faut tenir compte des conditions de fait de l’exercice de l’activité et qu’il appartient au contribuable de se déterminer lui-même, ne constitue
pas, compte tenu de ses termes, une prise de position formelle au sens de l’article L. 80 B du LPF sur la nature commerciale ou non de l’activité exercée
(CE, décision du 29 décembre 2004,
n° 255831).
170
Les simples recommandations internes faites au service ne constituent pas une prise de
position formelle (CE, décision du
19 février 1986, n° 58488).
180
Il en est de même concernant les visas de l’administration fiscale quand il s’agit d’un
document purement déclaratif (CAA Bordeaux,
décision du 23 novembre 2006, n° 03BX01693 et
CAA Bordeaux, décision du 5 juillet 2007,
n° 05BX02091).
B. Existence de l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte
190
Il y a appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte quand l’administration tire
les conséquences juridiques d’une situation donnée.
À partir des éléments portés à sa connaissance, l’administration donne un avis juridique qui
l’engage dès lors que le contribuable qui l’a sollicité se conforme à la présentation sincère des faits qu’il lui a faite.
Il s’agit d’une relation quasi-contractuelle entre le contribuable et l’administration
fiscale, celle-ci pouvant même être amenée dans sa prise de position formelle à déterminer les conditions que doit satisfaire le contribuable qui l’a saisie pour que sa situation de fait entre dans le
champ des dispositions dont il sollicite le bénéfice. Seul le respect de ces conditions lui permet alors de se prévaloir de la prise de position formelle.
L’approche du principe d’égalité par le Conseil d’État (CE, décision du 9 juillet 2007, n°
288720) peut utilement être adaptée à l’approche de la procédure de rescrit par l’administration fiscale : le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’administration fiscale règle de façon
différente des situations différentes ni qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l’un comme l’autre cas, en
rapport avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situations susceptibles de la justifier.
1. Cas où il peut y avoir appréciation d’une situation de fait qui engage l’administration
200
Les exemples qui suivent ne sont pas limitatifs.
Exemple 1 : Qualification d’une activité
– détermination du régime applicable en fonction de la catégorie des revenus ;
– fixation des conditions de taxation des profits tirés d’une opération immobilière.
À cet égard, un rescrit spécifique a été créé permettant au contribuable de demander à
l’administration de prendre position :
– soit sur la catégorie de revenus dont relève son activité professionnelle (bénéfices
industriels et commerciaux [BIC] ou bénéfices des professions non commerciales [BNC]) ;
– soit sur la nature de l’impôt dû, s’agissant d’une société civile.
Pour plus d’informations, il convient de se reporter au
BOI-SJ-RES-10-20-20-60.
Exemple 2 : Détermination de la base d’imposition
– admission d’une déduction supplémentaire pour frais professionnels
(CE, décision du 17 décembre 1980, n°
19221) ;
– acceptation formelle d’un taux d’amortissement ou du mode de calcul d’une provision
(CE, décision du 3 novembre 1978, n°
05782).
Exemple 3 : Localisation du domicile fiscal : reconnaissance de la qualité de
résident ou non-résident
Exemple 4 : Traitement d’une réclamation contentieuse
– les motifs d’une décision de dégrèvement peuvent caractériser l’appréciation d’une situation de
fait qui engage l’administration dès lors que la motivation est suffisamment explicite et sans ambiguïté ;
– la proposition de rectification par laquelle l’administration admet que le contribuable
peut compter à sa charge les enfants de sa concubine, constitue une prise de position formelle au sens de l’article L. 80 B
du LPF (CAA Nancy, décision du 27
novembre 2003, n° 99NC00844) ;
– la réponse par laquelle l’administration statuant sur une demande de plafonnement de la
contribution économique territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée, admet d’exclure de la production de l’exercice certaines subventions constitue une prise de position formelle sur
l’appréciation de la situation de fait du contribuable au sens de l’article L. 80 B du LPF (
CE, décision du 29 décembre 2000,
n° 199296).
2. Cas où il n’y a pas d’appréciation d’une situation de fait emportant prise de position formelle
210
L’administration ne se livre pas à l’appréciation d’une situation de fait par exemple dans les
cas non limitatifs suivants :
Exemple 1 : En matière d’assiette de l’impôt
– en remboursant un crédit de taxe à la demande d’un contribuable, l’administration ne se livre
pas à une appréciation de la situation de fait du contribuable et n’est donc pas engagée par le remboursement réalisé ;
– une décision du comptable de la DGFiP de procéder, lors de l’enregistrement d’une
convention de quasi-usufruit portant reconnaissance d’un don manuel, à la liquidation du seul droit fixe, n’a pas constitué une prise de position opposable à l’administration privant celle-ci du droit
d’exiger et de percevoir les droits de mutation au moment de la déclaration du donataire
(Cass. décision du 4 décembre 2007, n°
06-19251).
Exemple 2 : En matière contentieuse
– une décision de dégrèvement prise à la suite d’une procédure irrégulière : un dégrèvement
prononcé aux motifs de l’irrégularité de la procédure menée à l’encontre du contribuable ne constitue pas une appréciation de la situation de fait dans laquelle se trouvait ce contribuable. Dès lors,
des rehaussements peuvent à nouveau être notifiés au contribuable en cause, d’une part, pour la même période (sous réserve du délai de reprise) et d’autre part, s’il y a lieu, pour les années
suivantes ;
– une décision de dégrèvement ne comportant aucune motivation
(CE, décision du 8 mars 2002, n° 221667
; CE, décision du 18 mai 2005, n° 264718
et CE, décision du 25 mai 2005,
n° 253199) ;
– une décision de dégrèvement d’office
(CE, décision du 18 février 2008, n°
295460) ;
– la suite donnée à un jugement de première instance : le fait pour l’administration de ne
pas avoir relevé appel d’un jugement de première instance ayant donné satisfaction au contribuable ne peut pas être regardé comme une prise de position formelle de la situation de fait de ce
contribuable au regard d’un texte fiscal (en ce sens,
CE, décision du 2 juin 1976, n° 89361).
3. Une situation strictement identique à celle formellement appréciée
220
Dans les cas où l’administration a tiré les conséquences fiscales de l’appréciation d’une
situation de fait, la garantie prévue par le 1° de l’article L. 80 B du LPF ne peut être invoquée par le contribuable
concerné, pour une imposition postérieure à la prise de position de l’administration, que si la situation en cause est strictement identique à celle qui a été formellement appréciée par
l’administration et si le contribuable satisfait l’ensemble des conditions d’application de l’interprétation qu’elle a admis appliquer dans sa rédaction littérale et dans tous ses termes portant sur
un même objet. Le contribuable doit donc se conformer, sans restriction, à la solution admise.
L’interprétation dont le contribuable entend se prévaloir ne peut pas être étendue à
d’autre(s) situation(s) que celle(s) qu’elle vise. Ainsi, par exemple, l’interprétation qu’il invoque n’est opposable à l’administration que pour autant qu’elle concerne l’impôt contesté et, au sein
de cet impôt, le même texte fiscal.
C. Notion de texte fiscal
230
Le texte fiscal est celui qui se rapporte à l’assiette, au taux, à la liquidation de
l’impôt ou aux règles de prescription (CE,
décision du 28 novembre 1997, n° 125920 et
CE, décision du 28 novembre 1997, n°
165287). Il peut s’agir d’une convention internationale, d’un texte législatif ou réglementaire ou de l’interprétation que l’administration en a fait connaître au sens du troisième alinéa de
l’article L. 80 A du LPF.
240
Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État
(BOI-SJ-RES-10-10-20 au I-B-3-b §140) rendue pour l’application de l’article L. 80 A du
LPF mais transposable en ce qui concerne l’article L. 80 B du LPF, ne constituent pas des « textes fiscaux » pour
l’application de l’article L. 80 B du LPF, notamment, les prises de position relatives :
– à la procédure d’imposition
(CE, décision du 29 juillet 1983, n°
31761) : sans qu’il soit possible d’établir une liste exhaustive, la procédure d’imposition s’entend, par exemple, de la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre
d’affaires ou de la mise en demeure préalable. Le Conseil d’État a rappelé dans une
décision du 31 mars 2006, n° 265953 que
l’article L. 80 A du LPF n’était pas applicable en matière de procédure d’imposition notamment lors d’une mise en demeure préalable à la procédure de taxation d’office pour défaut de déclaration ;
– au recouvrement de l’impôt (CE, 24 avril 1981, n° 16130);
– aux modalités d’application des pénalités
(CE, décision du 11 décembre 1974, n°
88718 ; CE, décision du
30 novembre 2001, n° 234654 et CE,
décision du 27 juillet 2001, n° 211758) (majorations et intérêts de retard) ;
– à la procédure contentieuse
(CE, décision du 12 janvier 1987, n°
47517) ;
– et aux obligations comptables des contribuables.
D. Délai de réponse
250
L’article
5 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a instauré de nouvelles possibilités pour le contribuable qui veut demander l’appréciation de l’administration fiscale sur sa
situation de fait au regard des dispositions générales.
260
Cette demande est désormais assortie d’un délai de réponse de l’administration fiscale de
trois mois. Le contribuable doit pour cela déposer une demande écrite selon des modalités particulières (LPF, art. R*.
80 B-11 ; LPF, art. R*. 80 B-12 ;
LPF, art. R*. 80 B-13 ; LPF, art.
R*. 80 B-14).
1. Saisine écrite de l’administration
a. Contenu de la demande
270
Les dispositions de
l’article R*. 80 B-11 du LPF prévoient que la demande doit préciser le nom ou la raison sociale et l’adresse de son
auteur. De plus, elle doit comporter une présentation précise complète et sincère de la situation de fait en distinguant, le cas échéant, selon les dispositions concernées, les catégories
d’informations nécessaires pour permettre à l’administration fiscale d’apprécier si les conditions requises par la loi sont effectivement satisfaites.
280
Le contribuable qui saisit l’administration fiscale doit indiquer les dispositions qu’il
entend appliquer.
b. Modalités de dépôt de la demande
290
Les dispositions de
l’article R*. 80 B-12 du LPF prévoient que la demande doit être adressée par tout moyen permettant d’apporter la
preuve de sa réception.
Il est précisé que les courriers électroniques (courriels) ne sont, en principe, pas
assimilés à des demandes écrites et signées (BOI-SJ-RES-10-10-20 au I-E-2-a § 270).
c. Lieu de dépôt
300
Les dispositions de
l’article R*. 80 B-12 du LPF prévoient que la demande doit être adressée à la direction dont dépend le service
auprès duquel le contribuable est tenu de souscrire ses obligations déclaratives en fonction de l’objet de la demande. Elle peut également faire l’objet d’un dépôt auprès des services centraux de la
direction générale des Finances publiques (DGFiP).
310
Conformément à
l’article R*. 80 B-14 du LPF lorsque la demande parvient à un service incompétent, ce service la transmet sans
délai au service compétent et en informe l’auteur de la demande. Dans ce cas, le délai prévu au 1° de l’article L. 80 B du
LPF court à compter de la date de réception par le service compétent saisi.
320
En principe, un contribuable (ou son représentant) de bonne foi, au sens de
l’article L. 80 A du LPF et de l’article L. 80 B du LPF, n’a pas à saisir, pour une même demande ou l’application d’une
même disposition, plusieurs services différents, d’autant que, dans l’hypothèse d’une erreur du contribuable sur le lieu de dépôt, il appartient à l’administration de transmettre sa demande au service
compétent et de l’en informer.
Par conséquent, la saisine par un contribuable (ou son représentant) de plusieurs services,
simultanément ou successivement, sans que chacun en soit expressément informé, pourra, en règle générale, être considérée comme abusive, en particulier, s’il est relevé, par exemple, l’absence
manifeste de tout fondement à agir ainsi ou le caractère malintentionné d’une telle démarche visant notamment à rechercher la multiplication des prises de position de l’administration sur une même
demande. Dans une telle situation, la bonne foi du contribuable, au sens de l’article L. 80 A du LPF et de l’article L. 80 B du LPF ne pourrait être retenue. Sa demande ne pourrait alors recevoir une
suite favorable et les réponses obtenues ne seraient pas opposables.
d. Demande incomplète
330
Les dispositions de
l’article R*. 80 B-13 du LPF prévoient que lorsque la demande adressée par le contribuable est incomplète,
l’administration adresse, par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa réception, un courrier sollicitant les renseignements complémentaires nécessaires à sa prise de position formelle.
340
Les éléments produits par le contribuable doivent être adressés selon les modalités prévues
pour le dépôt de la demande (II-D-1-b § 290).
2. Délai de réponse de l’administration
350
Lorsqu’elle est saisie d’une demande écrite, précise et complète par un contribuable de
bonne foi, l’administration se prononce dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande ou, si la demande était incomplète, à compter de la réception des compléments demandés.
Seule une réponse expresse de l’administration fiscale l’engage.
E. Existence d’un rehaussement
360
Conformément au texte du premier alinéa de
l’article L. 80 A du LPF, le 1° de
l’article L. 80 B du LPF ne concerne que les cas où l’administration procède à un rehaussement d’impositions
antérieures. La garantie prévue par cet article ne peut donc faire échec qu’aux compléments d’imposition venant s’ajouter aux impositions initiales précédemment mises en recouvrement
(BOI-SJ-RES-10-10-20 au I-C § 190 et suivants).
370
La jurisprudence a, à plusieurs reprises, rappelé et confirmé ces principes :
– un contribuable ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’article L. 80 B du LPF
lorsqu’il fait l’objet d’une imposition primitive (notamment,
CE, décision du 3 juin 1998, n° 157667 ;
CE, décision du 2 octobre 2006, n°
270954 ; CE, décision du 6 juin 2007, n°
284826 ; plus récemment, CE, décision du
26 mars 2008, n° 278858) ;
– le rehaussement qui vise à remettre en cause l’exonération de droits de mutation dont
bénéficiait l’opération litigieuse initialement soumise à la TVA ne constitue pas un rehaussement d’impositions antérieures au sens des articles L. 80 A du LPF et L. 80 B du LPF (notamment, CE,
décision du 11 juillet 2006, n° 1016) ;
– un contribuable dont les bénéfices professionnels ont été évalués d’office à défaut de
déclaration ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 80 B du LPF puisque la condition relative au rehaussement d’une imposition primitive n’est pas satisfaite
(CE, décision du 26 octobre 1979, n°
07962). Il en est de même pour les contribuables taxés d’office pour défaut de souscription des déclarations visées à l’article L. 66 du LPF.
380
Il est admis de considérer comme des cas de rehaussement auxquels la garantie du premier
alinéa de l’article L. 80 A du LPF s’applique, le rehaussement d’une base d’imposition régulièrement déclarée mais n’ayant pas fait l’objet d’une imposition, ou la taxation initiale d’un contribuable
de bonne foi placé, conformément à une prise de position formelle de l’administration à la suite d’une demande écrite de sa part, hors du champ d’application de l’impôt et n’ayant en conséquence pas
souscrit de déclaration. Dans ces deux situations dérogatoires, l’interprétation revendiquée par le contribuable doit avoir été exprimée antérieurement à l’expiration du délai de déclaration dont il
disposait.
F. Bonne foi du contribuable
390
La garantie du 1° de
l’article L. 80 B du LPF s’applique si le contribuable concerné est de bonne foi, c’est-à-dire, notamment :
– si sa demande est précise, complète, exacte et sincère ;
– si sa situation est strictement identique à celle sur laquelle l’administration a pris
position (en ce sens, CE, décision du 12
janvier 2005, n° 248627) ;
– et si le contribuable s’est conformé à la solution admise par l’administration lors de sa
prise de position formelle. L’administration ne sera engagée par sa réponse que dans la mesure où le contribuable aura satisfait les conditions qui y sont énoncées.
400
La bonne foi d’un contribuable ne pourra être retenue s’il a saisi plusieurs services d’une
même demande sans les en informer.
III. Étendue de la garantie
410
Le 1° de
l’article L. 80 B du LPF n’a pas pour objet d’empêcher l’administration de modifier son analyse d’une situation de
fait. L’administration peut toujours rapporter une prise de position, mais elle ne peut le faire que pour l’avenir, sans pouvoir revenir rétroactivement sur une appréciation de la situation d’un
contribuable conforme à la position qu’elle avait prise antérieurement.
A. Point de départ de la garantie
420
En cas d’application par le contribuable d’une position prise dans le respect des règles
d’antériorité (II-A-1-b § 100), la garantie commence à courir du jour où le contribuable a appliqué la prise de position de l’administration dans sa
déclaration ou, en l’absence d’obligation déclarative, lors du paiement de l’impôt.
B. Fin de la garantie
1. L’administration modifie l’appréciation antérieurement portée sur une situation de fait au regard d’un texte fiscal
430
L’administration peut toujours revenir sur l’appréciation portée sur les conséquences
fiscales d’une situation de fait concernant un contribuable déterminé. Mais, dans ce cas, l’appréciation antérieure n’est caduque que du jour où le contribuable concerné a été avisé qu’elle était
rapportée et ce même en l’absence d’une nouvelle saisine du contribuable.
2. La législation applicable à la situation de fait sur laquelle l’administration s’est prononcée a évolué
440
Deux situations sont envisageables :
– si la prise de position de l’administration se trouve périmée du fait d’un changement
intervenu dans la législation, la réponse qui en fait état perd toute valeur dès l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, sans que l’administration soit tenue d’en aviser le contribuable
concerné ;
– si la prise de position de l’administration est périmée du fait d’un changement de la
doctrine administrative concernant l’interprétation d’un texte fiscal ou du fait de l’évolution de la jurisprudence, la garantie continue à s’appliquer jusqu’au jour de la publication par
l’administration de la nouvelle doctrine ou des conséquences qu’elle tire d’une décision juridictionnelle.
3. La situation de fait ayant fait l’objet d’une appréciation par l’administration est modifiée
450
D’une part, la garantie prévue par le 1° de
l’article L. 80 B du LPF cesse dès que la situation de fait n’est plus strictement identique à celle ayant fait l’objet
d’une appréciation formelle par l’administration.
460
D’autre part, l’administration n’est engagée par l’appréciation qu’elle porte sur une
situation de fait, qu’au regard du seul texte fiscal en fonction duquel elle a pris position.
À l’occasion d’une vérification, l’administration peut, par exemple, avoir admis
formellement, dans une situation donnée, le bénéfice pour un contribuable d’un droit à déduction en matière de TVA.
Cette prise de position ne lui interdit pas, à l’occasion d’un contrôle ultérieur, de
remettre en cause, dans le délai de reprise, le taux de TVA applicable aux opérations effectuées dans la même situation de fait
(CE, décision du 6 juillet 1983, n°
31863). En effet, la prise de position antérieure sur l’appréciation de la situation de fait n’a été effectuée qu’au regard du texte fiscal relatif au droit à déduction et non au regard du texte
fiscal relatif au taux d’imposition applicable.
En revanche, si ni la situation de fait, ni les textes applicables n’ont évolué, le bénéfice
du droit à déduction ne pourrait être remis en cause que pour l’avenir, après notification au contribuable du changement de l’appréciation que l’administration porte sur sa situation.