Tribunal judiciaire de Aix-en-Provence, le 16 juin 2025, n°23/00642

L’homologation judiciaire d’un accord transactionnel met fin au contentieux bancaire tout en préservant les droits des parties. Le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, par un jugement du 16 juin 2025, illustre cette articulation entre volonté contractuelle et contrôle juridictionnel dans le contexte du recouvrement d’une créance immobilière.

Une banque avait consenti en décembre 2009 un prêt immobilier de 109 100 euros destiné à financer le rachat d’un crédit antérieur pour l’acquisition d’une résidence principale. Le prêt, garanti par un cautionnement, prévoyait un remboursement sur 300 mensualités au taux de 4,30 %. Un avenant du 3 août 2015 réaménagea les conditions : le capital restant de 93 488,64 euros serait remboursé sur 216 mois au taux réduit de 2,37 %. Les échéances demeurèrent impayées à compter de juin 2020. L’emprunteur bénéficia d’un plan de surendettement mis en application le 30 septembre 2020, comportant un moratoire de 24 mois en vue de la vente du bien immobilier. La banque prononça la déchéance du terme le 25 janvier 2023, après mise en demeure infructueuse.

La vente du bien intervint et la banque perçut 62 705,95 euros. Le 3 mai 2024, le créancier et le débiteur conclurent un protocole d’accord réglant définitivement le litige. Une saisie conservatoire pratiquée en mars 2023 avait permis de bloquer 23 011,93 euros. Aux termes de l’accord, le débiteur reconnaissait rester redevable de 22 354,27 euros et acceptait que la saisie produise effet, moyennant réduction à 21 011,93 euros. La banque consentait une remise et libérait 2 000 euros au profit du débiteur. Le paiement emportait libération définitive de la dette issue du prêt.

Devant le tribunal, la banque et le débiteur demandèrent conjointement l’homologation du protocole et le constat du désistement d’instance. La co-emprunteuse, régulièrement assignée, ne constitua pas avocat.

La question posée au tribunal était de déterminer si un protocole transactionnel mettant fin à un litige bancaire pouvait être homologué et recevoir force exécutoire, alors même qu’une partie à l’instance initiale n’avait pas comparu.

Le tribunal homologue l’accord, lui confère force exécutoire et constate le désistement d’instance, retenant que l’absence de constitution de la co-emprunteuse valait acceptation implicite du désistement.

Cette décision illustre le régime de l’homologation des accords transactionnels en matière bancaire (I) et précise les effets procéduraux du désistement d’instance en présence d’une partie défaillante (II).

I. Le régime de l’homologation judiciaire du protocole transactionnel

L’homologation répond à des conditions de fond relatives à l’accord des parties (A) et produit des effets spécifiques quant à la force exécutoire conférée (B).

A. Les conditions de fond de l’homologation

Le tribunal vise les articles 1544 et suivants du code de procédure civile régissant l’homologation des accords issus d’une médiation ou d’une conciliation. Ces dispositions permettent aux parties de soumettre leur accord au juge afin d’obtenir un titre exécutoire. Le contrôle juridictionnel porte sur l’existence d’un consentement réel et sur la licéité de l’objet de l’accord.

En l’espèce, le protocole comportait des concessions réciproques caractéristiques de la transaction au sens de l’article 2044 du code civil. Le débiteur reconnaissait sa dette et acquiesçait à la saisie conservatoire. La banque consentait une réduction de créance de 1 342,34 euros et libérait 2 000 euros au profit du débiteur. Le tribunal relève que le paiement de 21 011,93 euros intervenait « au jour de la signature du protocole d’accord » et libérait le débiteur « de sa dette à l’égard du Crédit Agricole issue du prêt immobilier ».

L’homologation suppose également que l’accord ne heurte pas l’ordre public. Un protocole bancaire prévoyant la reconnaissance de dette, l’acquiescement à une mesure conservatoire et une remise partielle de créance n’encourt aucune critique à cet égard. Le juge n’exerce qu’un contrôle de régularité formelle et de conformité aux règles impératives.

B. Les effets de l’homologation sur la force exécutoire

Le tribunal « confère force exécutoire » au protocole, conformément à la demande des parties. Cette formule signifie que l’accord acquiert la valeur d’un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution. La banque pourra, si nécessaire, poursuivre l’exécution forcée sur le fondement du jugement d’homologation.

Le jugement précise que le protocole « sera annexé » à la décision. Cette annexion matérialise l’incorporation de l’accord au jugement et garantit l’identification précise des obligations exécutoires. La Cour de cassation considère que l’homologation judiciaire ne transforme pas la nature contractuelle de l’accord mais lui adjoint l’autorité du jugement.

La force exécutoire ainsi conférée présente un intérêt pratique considérable. Sans homologation, la transaction constitue un contrat ordinaire dont l’inexécution impose de saisir le juge. Avec homologation, le créancier dispose immédiatement d’un titre permettant de recourir aux voies d’exécution. Le débiteur voit en contrepartie sa dette définitivement liquidée et peut opposer l’autorité de chose jugée à toute nouvelle prétention relative au prêt.

II. Les effets procéduraux du désistement d’instance

Le désistement d’instance produit des effets entre les parties à l’accord (A) et soulève la question du sort de la partie défaillante (B).

A. Le désistement entre les parties à l’accord

Le tribunal constate que la banque et le débiteur « se désistent de l’instance ». Le désistement d’instance, régi par les articles 394 et suivants du code de procédure civile, met fin à l’instance sans préjudice de l’action. Le créancier conserve théoriquement la faculté d’introduire une nouvelle instance. Cette règle s’efface ici devant la transaction qui éteint définitivement le litige.

Le désistement requiert en principe l’acceptation du défendeur. L’article 395 du code de procédure civile dispose que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, sauf exceptions. En l’espèce, la demande conjointe d’homologation émanant des deux parties rend cette condition superflue. Le débiteur, co-demandeur à la requête, manifeste son acceptation en sollicitant lui-même le constat du désistement.

Le jugement statue sur les dépens en décidant que « chacune des parties conservera la charge des dépens qu’elle a exposés ». Cette répartition correspond à la volonté commune exprimée dans le protocole. Elle déroge à la règle de l’article 696 du code de procédure civile mettant les dépens à la charge de la partie perdante. La solution se justifie par l’extinction amiable du litige qui ne désigne ni gagnant ni perdant.

B. Le sort de la partie défaillante

La co-emprunteuse, régulièrement assignée en étude, n’a pas constitué avocat. Le tribunal retient qu’elle « accepte implicitement le désistement d’instance du Crédit Agricole ». Cette motivation soulève une difficulté au regard de l’article 395 du code de procédure civile.

Traditionnellement, le silence du défendeur ne vaut pas acceptation du désistement. La jurisprudence admet cependant que l’absence de contestation dans un délai raisonnable puisse caractériser une acceptation tacite. Le tribunal adopte ici la qualification d’acceptation implicite, suggérant que le défaut de comparution malgré une assignation régulière manifeste un désintérêt pour l’instance équivalant à une acceptation.

Cette solution peut être discutée. L’assignation en étude ne garantit pas une information effective du défendeur. La co-emprunteuse n’a peut-être pas eu connaissance du protocole transactionnel qui ne lui était pas opposable. La banque conserve d’ailleurs son action contre elle, le désistement d’instance n’emportant pas renonciation au droit d’agir. La prudence commanderait de réserver expressément les droits du créancier à son égard.

Le jugement est rendu « réputé contradictoire », conformément à l’article 473 du code de procédure civile applicable lorsqu’un défendeur n’a pas comparu alors que l’assignation n’a pas été délivrée à personne. Cette qualification permet l’exercice de l’appel mais exclut l’opposition. La co-emprunteuse dispose donc de voies de recours contre une décision qui constate l’extinction de l’instance la concernant.

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Hassan KOHEN
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