Tribunal judiciaire de Angers, le 13 juin 2025, n°25/00549

L’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d’Angers le 13 juin 2025 s’inscrit dans le contentieux du contrôle juridictionnel des hospitalisations psychiatriques sans consentement. Elle autorise la poursuite de l’hospitalisation complète d’un patient admis en soins psychiatriques à la demande d’un tiers en urgence.

Un homme, âgé de cinquante et un ans, a été admis le 4 juin 2025 au centre de santé mentale angevin en hospitalisation complète sur décision du directeur de l’établissement. Cette admission a été prononcée à la demande de sa sœur, sur le fondement d’un unique certificat médical établi le même jour en urgence. Le psychiatre certificateur relevait une décompensation survenue après la découverte du décès de son colocataire, ainsi qu’une « instabilité psychomotrice franche, une désinhibition comportementale, une tachypsychie et des idées mégalomaniaques, une discordance idéo-affective, un insight très partiel et une alliance fragile ». Le directeur de l’établissement a saisi le juge le 11 juin 2025, dans le délai légal. Le patient, représenté par avocat, n’a pas souhaité comparaître.

La procédure s’est déroulée conformément aux articles L. 3212-1 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique. Le certificat des vingt-quatre heures a été établi le 5 juin, celui des soixante-douze heures le 7 juin. Un avis psychiatrique motivé du 11 juin concluait à la nécessité de poursuivre l’hospitalisation en relevant une « désorganisation psychique », une « humeur encore haute et inadaptée » et un « insight partiel ». Le ministère public a rendu un avis le 12 juin. L’audience publique s’est tenue le 13 juin.

Le juge était saisi de la question de savoir si les conditions de fond et de forme justifiaient la poursuite de l’hospitalisation complète sans consentement de ce patient.

Le tribunal judiciaire d’Angers a autorisé cette poursuite en considérant que « la procédure a été menée régulièrement » et que le patient « présente toujours des troubles rendant impossible son consentement et imposant des soins sous surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ».

Cette décision illustre le contrôle juridictionnel des hospitalisations psychiatriques sous contrainte dans sa dimension procédurale stricte (I) tout en soulevant la question de l’effectivité du contrôle de proportionnalité exercé par le juge (II).

I. Un contrôle procédural rigoureux de l’admission en urgence

Le juge vérifie scrupuleusement le respect des formalités légales (A) et la régularité de la chaîne certificative imposée par le code de la santé publique (B).

A. La vérification méthodique des conditions d’admission

L’ordonnance procède à un examen systématique des conditions posées par l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Le juge rappelle que l’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers requiert la réunion de deux conditions cumulatives : des troubles mentaux rendant « impossible son consentement » et un état mental imposant « des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante ».

La particularité de l’espèce réside dans le recours à la procédure d’urgence prévue à l’alinéa suivant du même article. Le juge relève que l’admission a été prononcée « au vu des conclusions d’un seul certificat médical en date du 4 juin à 15h23, en raison de l’urgence invoquée ». Cette procédure dérogatoire, justifiée par « un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade », permet exceptionnellement de s’affranchir de l’exigence du double certificat initial.

Le magistrat vérifie également la qualité du tiers demandeur. La sœur du patient constitue un « membre de la famille du malade » au sens de l’article L. 3212-1, 1°. L’ordonnance mentionne expressément que « la demande du tiers et les justificatifs d’identité nécessaires sont joints au dossier », attestant d’un contrôle effectif des pièces justificatives.

Cette rigueur formelle traduit la vigilance du juge face à une mesure privative de liberté, conformément aux exigences constitutionnelles et conventionnelles en la matière.

B. Le respect de la chaîne certificative

Le contrôle porte ensuite sur la production des certificats médicaux successifs imposés par les articles L. 3211-2-2 et L. 3212-7 du code de la santé publique. L’ordonnance détaille chronologiquement cette chaîne : certificat initial du 4 juin, certificat des vingt-quatre heures du 5 juin établi par un premier psychiatre, certificat des soixante-douze heures du 7 juin rédigé par un second praticien.

Le juge note que ces documents « comportent les éléments de motivation requis pour justifier en fait et en droit la poursuite de l’hospitalisation complète sous contrainte ». Cette formulation, bien que laconique, atteste d’un examen du contenu et non de la seule existence des certificats.

L’exigence de deux psychiatres distincts pour les certificats de vingt-quatre et soixante-douze heures dans le cadre de la procédure d’urgence est également respectée. Le juge mentionne les noms des trois médecins différents ayant établi les certificats successifs, garantissant ainsi la pluralité des regards cliniques exigée par le législateur.

La saisine du juge le 11 juin, soit le septième jour suivant l’admission du 4 juin, respecte le délai de huit jours prévu à l’article L. 3211-12-1. Cette conformité temporelle conditionne la régularité de l’ensemble de la procédure.

II. Un contrôle de proportionnalité à l’effectivité discutée

L’examen des conditions de fond révèle une appréciation essentiellement fondée sur les éléments médicaux (A), tandis que la motivation relative à la proportionnalité de la mesure demeure succincte (B).

A. Une appréciation substantielle tributaire des conclusions médicales

Le juge fonde son analyse des troubles mentaux sur les éléments cliniques décrits dans les certificats médicaux. L’ordonnance reproduit in extenso les observations du certificat initial : « instabilité psychomotrice franche, désinhibition comportementale, tachypsychie et idées mégalomaniaques, discordance idéo-affective, insight très partiel et alliance fragile ». Cette sémiologie psychiatrique, caractéristique d’un épisode maniaque, justifie selon le juge « la nécessité de soins urgents en hospitalisation complète ».

L’avis motivé du 11 juin, établi en vue de l’audience, confirme la persistance des troubles. Le psychiatre y relève « une désorganisation psychique, une difficulté à restituer et critiquer de manière adaptée les raisons de son hospitalisation, une humeur encore haute et inadaptée ». Le patient était « en demande de sortie d’hospitalisation ce qui n’était pas adapté à son état psychique ».

Le juge en déduit que le patient « présente toujours des troubles rendant impossible son consentement et imposant des soins sous surveillance médicale constante ». Cette formulation reprend les termes mêmes de l’article L. 3212-1, attestant d’un syllogisme juridique complet mais peu développé.

L’absence de comparution du patient, qui « n’a pas souhaité comparaître » selon l’ordonnance, prive le juge d’un contact direct avec l’intéressé. Cette circonstance, fréquente en pratique, interroge sur les conditions d’exercice effectif du contradictoire.

B. Une motivation de la proportionnalité formellement satisfaisante mais substantiellement lapidaire

L’ordonnance conclut que « la mesure d’hospitalisation sous contrainte qui apparaît adaptée, nécessaire et proportionnée, doit être poursuivie ». Cette formule rituelle reprend le triptyque issu de la jurisprudence constitutionnelle et européenne en matière de privation de liberté.

Le contrôle de proportionnalité, exigé par l’article 5§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, suppose théoriquement l’examen d’alternatives moins attentatoires aux libertés. Le code de la santé publique prévoit d’ailleurs la possibilité de soins ambulatoires sous contrainte à l’article L. 3211-2-1. L’ordonnance n’examine cependant pas explicitement cette option, se bornant à valider la nécessité de l’hospitalisation complète.

Le contexte factuel, marqué par la découverte traumatique du décès d’un proche, n’est évoqué que comme élément déclencheur de la décompensation. Le juge ne s’interroge pas sur l’évolution prévisible de l’état du patient ni sur la durée envisageable de l’hospitalisation.

Cette motivation, juridiquement suffisante au regard des exigences légales, illustre la difficulté pour le juge non spécialisé d’exercer un contrôle approfondi sur des éléments essentiellement médicaux. L’effectivité du contrôle juridictionnel des hospitalisations psychiatriques demeure ainsi tributaire de la qualité des avis médicaux produits et de la possibilité pour le juge de les discuter utilement.

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Hassan KOHEN
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