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Le tribunal judiciaire d’Angers, statuant par jugement du 16 juin 2025, a tranché un litige opposant des bailleurs aux anciens locataires d’un appartement meublé, à la suite de manquements contractuels survenus au cours du bail. La décision appelle à examiner les règles applicables en matière de clause de révision du loyer et de restitution des fruits tirés d’une sous-location non autorisée.
Un bail d’habitation meublée avait été conclu le 25 mai 2022 pour un loyer mensuel de 655 euros. Le décès du bailleur initial en septembre 2022 a entraîné la transmission du bail à ses héritiers. L’un des deux locataires a donné congé en novembre 2022, se portant alors caution solidaire pour son colocataire demeurant dans les lieux. Ce dernier a procédé à la sous-location du logement via une plateforme en ligne, ce qui a été constaté par acte d’huissier du 6 juillet 2023. Malgré une sommation de cesser cette pratique, signifiée le 17 août 2023, le locataire n’a donné congé que le 26 août suivant, un état des lieux contradictoire étant dressé le 25 septembre 2023.
Les bailleurs ont saisi le juge des contentieux de la protection pour obtenir la condamnation solidaire des défendeurs au paiement des loyers impayés, des frais de remise en état des lieux et des loyers perçus au titre de la sous-location illicite. Les défendeurs ont opposé la nullité du bail pour dol et contesté la validité de la clause de révision limitant l’indexation aux seules hausses de l’indice.
Le tribunal devait déterminer si une clause de révision excluant toute baisse du loyer doit être réputée non écrite dans son intégralité ou seulement pour la partie contraire à la loi, puis rechercher si le bailleur peut réclamer les loyers perçus par le locataire ayant sous-loué sans autorisation.
Le juge a déclaré non écrite la seule stipulation excluant la révision à la baisse, maintenant la validité de la clause pour le surplus. Il a condamné le locataire principal à restituer aux bailleurs les sous-loyers perçus, soit 767 euros, ainsi que les frais de constat et de sommation.
L’arrêt retient l’attention en ce qu’il précise le régime de la clause de révision partiellement illicite (I) et consacre le droit du bailleur à la restitution des fruits tirés d’une sous-location irrégulière (II).
I. Le maintien de la clause de révision par la technique du réputé non écrit partiel
Le tribunal a dû se prononcer sur la validité d’une clause de révision comportant une stipulation contraire à l’ordre public (A), avant de circonscrire les effets de la sanction aux seules dispositions illicites (B).
A. L’identification d’une stipulation contraire au principe de réciprocité de l’indexation
La clause litigieuse prévoyait une révision annuelle du loyer selon la variation de l’indice de référence des loyers, tout en précisant que « cette révision n’aura lieu qu’en cas de hausse de l’indice ». Les défendeurs soutenaient que cette restriction devait entraîner la nullité de l’ensemble de la clause.
L’article L. 112-1 du code monétaire et financier interdit les clauses d’indexation qui ne respectent pas la réciprocité des variations. La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que « toute clause d’indexation doit jouer de manière automatique, aussi bien à la hausse qu’à la baisse ». L’exclusion contractuelle de la révision descendante constitue donc une atteinte au caractère synallagmatique de l’indexation.
Le tribunal a relevé que « la clause contractuelle de révision est valide en ce qu’elle prend comme base de référence tant une période annuelle que l’indice de référence des loyers publié par l’Insee ». La conformité de ces éléments au droit positif n’était pas contestée. Seule la restriction aux hausses méconnaissait les exigences légales.
B. La divisibilité de la clause et le cantonnement de la sanction
La question centrale portait sur l’étendue de la sanction applicable. Le réputé non écrit, à la différence de la nullité, permet au juge de maintenir le contrat en éliminant uniquement les stipulations illicites.
Le tribunal a jugé qu’il « convient uniquement de considérer comme non écrit le paragraphe divisible de cette clause excluant la possibilité d’une révision à la baisse ». Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence qui admet le caractère divisible des clauses contractuelles lorsque les stipulations peuvent être séparées sans dénaturer l’économie de la convention.
La motivation retenue préserve l’équilibre contractuel voulu par les parties tout en assurant le respect de l’ordre public. Le loyer demeure révisable selon l’indice légal, dans les deux sens de variation. Cette approche favorise la stabilité des relations locatives en évitant qu’une clause partiellement irrégulière n’entraîne la disparition de tout mécanisme de révision.
La solution présente une portée pratique considérable pour les bailleurs qui auraient inséré des clauses similaires dans leurs contrats. Elle confirme que la sanction du réputé non écrit ne s’étend qu’aux éléments véritablement contraires à la loi.
II. La restitution des fruits de la sous-location non autorisée
Le tribunal a également statué sur les conséquences patrimoniales de la sous-location pratiquée sans l’accord du bailleur, en caractérisant la mauvaise foi du locataire (A) puis en ordonnant la restitution des sous-loyers sur le fondement des articles 548 et 549 du code civil (B).
A. La caractérisation de la mauvaise foi du sous-bailleur
Le contrat de bail stipulait expressément que le locataire « ne pourra en aucun cas, sauf avec l’accord écrit du bailleur, sous louer meublé ou non, même gratuitement tout ou partie des lieux loués ». Malgré cette interdiction, le locataire avait proposé le logement sur une plateforme de location à 59 euros la nuit.
Le tribunal a relevé plusieurs éléments établissant la mauvaise foi du locataire. Il « ne pouvait méconnaitre l’interdiction figurant clairement dans son contrat » et avait « manifestement choisi d’ignorer les rappels à l’ordre du syndic ». La persistance de la sous-location après la sommation du 17 août 2023 caractérisait une volonté délibérée de passer outre les stipulations contractuelles.
Le locataire invoquait pour sa défense la nécessité pratique de cette sous-location, ayant trouvé un emploi à distance et souhaitant conserver son logement. Le tribunal a écarté cet argument de pure convenance personnelle, qui ne saurait justifier la violation d’une obligation contractuelle claire.
B. L’application du régime de la restitution des fruits civils
Les requérants fondaient leur demande sur les articles 548 et 549 du code civil. Selon ces dispositions, les fruits civils appartiennent au propriétaire, sauf possession de bonne foi permettant au possesseur de les conserver.
Le tribunal a fait droit à cette demande en condamnant le locataire à payer « la somme de 767,00 euros au titre des loyers perçus par la sous-location ». Ce montant correspondait à treize nuitées facturées à 59 euros, établies par le constat de commissaire de justice.
La solution retenue s’inscrit dans une conception extensive des droits du bailleur. Les sous-loyers constituent des fruits civils produits par le bien loué. Le locataire de mauvaise foi ne peut se prévaloir d’aucun titre pour les conserver. Le bailleur, demeuré propriétaire, en est donc créancier.
Le jugement ajoute aux sommes principales les frais de constat et de sommation, pour un total de 473,79 euros. Cette condamnation accessoire sanctionne le comportement fautif du locataire qui a contraint le bailleur à engager des frais pour faire constater et cesser les agissements illicites.
La décision présente une valeur pédagogique certaine. Elle rappelle aux locataires que la sous-location non autorisée expose non seulement à la résiliation du bail mais également à la restitution intégrale des profits réalisés. Les bailleurs disposent ainsi d’un fondement textuel solide pour récupérer les sommes perçues par leurs locataires indélicats.