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Par un jugement du 19 juin 2025, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Angers a statué sur une demande de résiliation de bail pour impayés. Le litige naît d’un contrat d’habitation conclu le 24 janvier 2022, assorti d’une clause résolutoire. Un commandement visant cette clause a été délivré le 11 octobre 2024, puis une assignation a suivi le 8 janvier 2025.
Le bailleur a sollicité la constatation de la résiliation de plein droit, l’expulsion et la condamnation au paiement d’un arriéré arrêté à 2 223,94 euros, outre une indemnité d’occupation. Le locataire, régulièrement cité, n’a ni comparu ni été représenté. Le juge rappelle d’abord que, « En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ».
La recevabilité de l’action est vérifiée au regard de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. Le juge constate un signalement régulier aux organismes payeurs et une notification préfectorale respectant les délais légaux. Il rappelle que « Cette saisine est réputée constituée dès lors que persiste une situation d’impayés préalablement signalée dans les conditions réglementaires aux organismes payeurs des aides au logement, en vue d’assurer le maintien du versement des aides (APL), mentionnées à l’article L.351-2 du code de la construction et de l’habitation et aux articles L.542-1 et L.831-1 du code de la Sécurité sociale ».
La question de droit centrale portait sur l’application temporelle de la réforme de juillet 2023 ayant réduit à six semaines le délai d’acquisition de la clause résolutoire. Le juge rappelle le nouveau texte, selon lequel « L’article 24-I de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 modifié par la Loi du 27 juillet 2023 applicable à compter du 29 juillet 2023 dispose que toute clause […] ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux ». Il relève cependant qu’« En l’espèce le bail signé par les parties contient bien une clause résolutoire […] deux mois après la délivrance d’un commandement resté infructueux ». S’appuyant sur l’article 2 du code civil, il énonce que « La loi du 27 juillet 2023 ne comprend pas de disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif », et en déduit que la réduction à six semaines « ne s’applique pas immédiatement aux contrats en cours […] et ne peut avoir pour effet d’entraîner leur réfaction ». Dès lors, « Il convient en conséquence de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 12 décembre 2024 seulement ». Le locataire est, en conséquence, « occupant sans droit ni titre du logement depuis cette date ».
I. Le sens de la décision
A. Les conditions de recevabilité encadrées par la prévention des expulsions
Le juge articule strictement l’exigence de saisine préalable et le calendrier procédural. La recevabilité de la demande se déduit de la preuve du signalement à l’organisme payeur et de la notification préfectorale dans le délai légal. La formule selon laquelle « Cette saisine est réputée constituée dès lors que persiste une situation d’impayés préalablement signalée […] » fonde un contrôle documenté, mais rapide, centré sur la matérialité du signalement.
La solution illustre un équilibre entre prévention et efficacité contentieuse. Le respect des transmissions obligatoires ne fige pas la procédure, puisqu’il s’adosse à un délai d’attente, sans imposer une conciliation préalable. L’assignation est donc recevable, le juge rattachant utilement la finalité sociale du signalement à une exigence de forme satisfaisante.
B. La clause résolutoire et le conflit de temporalité des normes
L’arrêt commente la réforme en la replaçant dans la hiérarchie des temporalités. Le juge constate d’abord la teneur contractuelle: « En l’espèce le bail signé par les parties contient bien une clause résolutoire […] deux mois après la délivrance d’un commandement resté infructueux ». Il rappelle ensuite la règle nouvelle: « L’article 24-I […] ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux ». La difficulté réside donc dans l’articulation entre stipulations anciennes et norme récente.
Le raisonnement privilégie l’article 2 du code civil. Il retient que « La loi du 27 juillet 2023 ne comprend pas de disposition dérogeant à l’article 2 du code civil ». Surtout, il précise la portée du texte transitoire: « son article 10 […] ne s’applique pas immédiatement aux contrats en cours […] et ne peut avoir pour effet d’entraîner leur réfaction ». La conséquence est claire: « Il convient en conséquence de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 12 décembre 2024 seulement ». Le juge déclare ensuite l’occupation sans droit ni titre et ordonne l’expulsion, avec indemnité d’occupation.
II. La valeur et la portée
A. La non-rétroactivité, une solution cohérente avec la nature de la règle
La solution paraît convaincante au regard de la distinction substance/procédure. La réduction du délai d’acquisition touche l’économie d’une clause contractuelle et, partant, la gravité d’un mécanisme extinctif. Elle n’apparaît pas comme une simple modalité procédurale, mais comme une composante de fond du régime des obligations locatives.
En ce sens, l’affirmation selon laquelle la réforme « ne peut avoir pour effet d’entraîner leur réfaction » confirme une approche respectueuse de la sécurité contractuelle. L’application immédiate aurait modifié, au détriment de l’une ou l’autre partie, un délai intégré à l’équilibre initial. Le maintien du délai de deux mois préserve la prévisibilité, sans empêcher l’entrée en vigueur du nouveau minimum pour les contrats ultérieurs.
B. Effets pratiques et lignes de force pour le contentieux locatif
Plusieurs conséquences pratiques se dégagent pour les baux en cours. D’abord, la durée convenue antérieurement demeure, dès lors qu’elle n’est pas contraire à un ordre public immédiatement impératif. Ensuite, les commandements postérieurs à la réforme doivent viser la clause telle qu’écrite, sauf stipulation contractuelle renvoyant dynamique au droit en vigueur. La lisibilité du calendrier d’acquisition s’en trouve renforcée pour les parties et les auxiliaires de justice.
La décision clarifie aussi l’articulation avec les demandes de délais. En l’absence de comparution ou de demande écrite, aucune suspension n’est décidée, le juge retenant la stricte application des textes spéciaux. La base légale de l’exécution provisoire de droit sécurise, en parallèle, l’effectivité de la décision d’expulsion, sous réserve des procédures protectrices relatives aux meubles et des notifications administratives requises.
La portée contentieuse dépasse le cas d’espèce. Le rappel ferme de l’article 2 du code civil s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle constante en matière transitoire. La règle nouvelle s’applique immédiatement aux contrats conclus postérieurement, tandis que les baux antérieurs demeurent régis par leurs stipulations, « telles qu’encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail ». Cette ligne offre un cadre stable pour les acteurs du logement social et privé, en conciliant prévention des expulsions et sécurité contractuelle.
Ainsi, la décision articule pédagogiquement les conditions de recevabilité, la nature du délai d’acquisition et les effets concrets de la non-rétroactivité. Elle fixe, avec une clarté notable, la frontière normative entre protection immédiate et intangibilité raisonnable des équilibres contractuels.